Eliminatoires CM - Europe

Le match contre Israël met toute l’Italie dans l’embarras

À la veille d’Italie-Israël à Debrecen, la rencontre retour prévue à Udine en octobre provoque une tempête politique et morale en Italie, entre appels au boycott, pétitions citoyennes et résistance des institutions sportives.

Par Valentin Feuillette
5 min.
Gattuso @Maxppp

À la veille de la rencontre Italie-Israël prévue ce dimanche à Debrecen, en Hongrie, dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du monde 2026, l’Italie se retrouve plongée dans une controverse qui dépasse largement le terrain de jeu. La question n’est plus seulement sportive, mais politique et morale : doit-on jouer contre Israël dans le contexte actuel de la guerre à Gaza ? Depuis plusieurs jours, les appels au report ou à l’annulation de la rencontre retour, programmée à Udine le 14 octobre, se multiplient. Le maire d’Udine, Alberto Felice De Toni, a pris la parole publiquement pour juger ce match « inapproprié » et espérer son report, tout en rappelant que la décision finale dépend de l’UEFA, de la Fédération italienne de football (FIGC) et du club d’Udinese, propriétaire du stade. Ces prises de position ne sont pas isolées. 

La suite après cette publicité

Quarante-quatre parlementaires du Parti démocrate et du centre-gauche ont lancé une campagne visant à interdire la participation d’Israël à toutes les compétitions sportives internationales. Ils ont trouvé un soutien inattendu dans le monde du football avec l’Association italienne des entraîneurs (AIAC), présidée par Renzo Ulivieri, qui a estimé qu’une suspension de la sélection israélienne serait « non seulement symbolique, mais nécessaire, répondant à un impératif moral ». Dans la foulée, une pétition baptisée Stop the Game a rassemblé plus de 22 000 signatures, amplifiant la pression sur les institutions sportives italiennes et européennes. : « Je suis un homme de paix, et le pire, c’est de voir des civils et des enfants subir ce qu’ils subissent. Nous retournerons à Coverciano demain pour préparer le match. Je sais que le président Gravina y travaille (pour bien organiser le match, ndlr). Nous avons simplement eu de la malchance de les avoir dans notre groupe. Mais c’est comme ça, nous sommes là, et quelque chose d’invraisemblable se produit. Ce sont des choses douloureuses que nous voyons. Je ne peux pas en dire plus », avait affirmé le sélectionneur vendredi soir après la victoire contre l’Estonie (5-0).

La suite après cette publicité

Une gronde populaire historique en Italie

Cette mobilisation politique et civile a été alimentée par une décision préalable : le refus de la municipalité de Bari d’accueillir la rencontre retour. Le maire Vito Leccese avait jugé « inopportune » la participation d’Israël à un événement sportif dans sa ville, forçant la FIGC à trouver une alternative et à se tourner vers Udine, déjà hôte de la confrontation l’an passé en Ligue des Nations. Ce précédent a incité Mauro Berruto, ancien sélectionneur de l’équipe italienne de volley-ball et aujourd’hui député démocrate, à porter l’offensive sur le terrain national et international. Il appelle ouvertement le Comité olympique italien (CONI), la FIGC et les membres italiens du CIO à plaider auprès de la FIFA, de l’UEFA et du CIO pour une suspension immédiate d’Israël de toutes les compétitions sportives mondiales : « J’ai dit que j’étais désolé de les avoir dans notre groupe. C’est une équipe qui joue bien. C’est douloureux de voir ce qui se passe, et je ne veux pas en dire plus. C’est douloureux de voir des gens et des enfants perdre la vie. Nous devons jouer le jeu, et c’est pour cela que nous sommes là. », a remartelé l’ancien entraîneur de l’OM, ce dimanche en conférence de presse, à la veille de la rencontre contre Israël. 

L’initiative s’appuie sur des précédents historiques. Les promoteurs des pétitions et des motions rappellent que l’Allemagne et le Japon avaient été exclus des compétitions internationales après la Seconde Guerre mondiale, et que la Russie a subi le même sort après l’invasion de l’Ukraine en 2022. Selon eux, ignorer la guerre actuelle dans la bande de Gaza et les procédures ouvertes devant la Cour internationale de Justice et la Cour pénale internationale contre le Premier ministre Benyamin Nétanyahou reviendrait à pratiquer une politique de « deux poids, deux mesures ». L’ancienne présidente de la Chambre des députés Laura Boldrini, aujourd’hui à la tête de la Commission des droits de l’homme de la Chambre, a, elle aussi, lancé une pétition en ligne exigeant la suspension d’Israël de toutes les compétitions sportives. Face à cette vague de contestation, la résistance institutionnelle s’organise. Le ministre des Sports, Andrea Abodi, proche du gouvernement Meloni, a rejeté toute comparaison avec la Russie, estimant qu’« Israël a été attaqué, tandis que la Russie est un agresseur ». De son côté, le parti Forza Italia, par la voix de Federico Bittner, a rappelé que « le sport doit contribuer à réduire les tensions et rester à l’écart des considérations politiques »

La suite après cette publicité

Mais la pression locale ne faiblit pas. L’an passé déjà, Udine avait vu défiler plus de deux mille manifestants issus de 80 associations locales, aux côtés de la communauté palestinienne. Le recours aux forces de l’ordre, avec blindés et barrages, avait marqué les esprits. Tout indique que le retour de ce match à Udine, si la rencontre est maintenue, pourrait rallumer la contestation et confirmer que ce duel Italie-Israël est devenu un embarras national bien au-delà du football. « Je suis un homme de paix, et cela me brise le cœur de voir des civils et des enfants touchés ; cela me brise le cœur. Mais nous avons un travail à accomplir, et la FIGC travaille également dur pour trouver des solutions et organiser un match parfait à Udine, y compris sur le plan sécuritaire. Notre devoir est de faire notre travail, mais j’espère qu’une solution pacifique sera trouvée, et pas seulement en Israël. C’est une situation qui me touche profondément et qui me fait mal », avait déjà détaillé Gattuso, il y a une semaine. Affaire à suivre, mais une certitude : les projecteurs resteront braqués sur l’Italie lors des deux prochains matchs face à Israël.

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité
Copié dans le presse-papier