Malik Tchokounté : «Avec mon vécu, ça fait quelque chose de se retrouver face à Buffon»

Par Maxime Barbaud
10 min.
Caen Malik Tchokounté @Maxppp

A tout juste 30 ans et après avoir bourlingué longtemps entre le niveau amateur en Angleterre, la CFA 2 à Calvi ou encore le National à Dunkerque, Malik Tchokounté découvre la Ligue 1 avec le Stade Malherbe de Caen. L'attaquant a bien voulu nous raconter son parcours singulier entre un poste de surveillant au collège, une victoire en Coupe du Monde, Enoch Balotelli et la main ferme de Gigi Buffon.

Foot Mercato : Avant d'arriver à Caen en Ligue 1, tu as connu un parcours un peu particulier...

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Malik Tchokounté : j’ai commencé à l’école de foot à Nice, j’ai fait toutes les classes jusqu’à la CFA. Je ne suis pas passé pro. J’ai quitté Nice. J’ai fait un petit tour en Angleterre. J’ai tenté ma chance en D4 (League Two, ndlr) à Dagenham mais je ne jouais pas avec eux. Là-bas ils ont un système de prêt par match donc j'étais à Thurrock (D5 anglaise, ndlr). J’ai fait ça 5 ou 6 mois. A la fin de saison, je n’avais pas de garanties de contrat alors je suis revenu en France. C’était le niveau professionnel mais moi je ne l’étais pas contractuellement. J’ai redémarré très bas en CFA 2 à Calvi.

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FM : Ton passage en Angleterre t'a plu malgré tout ?

MT : J’ai aimé l’ambiance, le championnat, même à bas niveau. Il y a énormément de matches. On jouait le mardi, puis le samedi, on enchaînait dès le mercredi, beaucoup de matches… Puis c’est une autre culture en général. Je ne regrette pas.

FM : Comment s'est passé ton retour en France ?

J’ai disparu de la circulation pendant un an. Il a fallu revenir par la petite porte. J’ai fait 4 saisons à Calvi, deux en CFA 2 puis on est monté en CFA. J’aurais pu partir avant au niveau supérieur mais j’avais un confort, il y avait de bonnes personnes, j’étais bien là-bas, dans un cocon. La vie était très sympa.

FM : Tu as dû travailler à côté du foot pour joindre les deux bouts ?

MT : En Corse, je pouvais vivre du foot mais je me contentais de peu. On avait trois entraînements par semaine et je voulais rester actif. On m’a proposé du boulot alors j’ai accepté. L’été pendant deux ans, j’ai fait barman sur la plage. C’était dur en pleine préparation qui était limite celle de joueurs professionnels. On avait un coach sérieux. Physiquement il fallait tenir. Après pendant l’année, je faisais surveillant à mi-temps au collège, qui était juste derrière le stade. Ça, ce n’était pas trop contraignant et je gagnais un peu plus. Puis pour moi et d’autres joueurs de l’extérieur, sortant de centres de formation, le coach nous faisait des séances supplémentaires le matin. C’était assez carré malgré le peu de moyens du club. Ça a payé. Je ne suis pas tombé dans l’amateurisme pur. J’ai quand même gardé un rythme et un sérieux à l’entrainement qui m’ont permis d’accéder au niveau supérieur plus tard.

«En Corse, j'ai perdu des copains en chemin»

FM : Vivre en Corse pour un joueur, il y a quand même moyen de se perdre en route non ?

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MT : Pendant six mois de l'année, il y a beaucoup de monde, des tentations. J’ai perdu quelques copains en chemin qui étaient de très bons joueurs mais ils n’ont pas résisté à tout ça. Les fêtes, les plages, les sorties nocturnes… c’est très animé là bas, l’été notamment. A chaque fois on faisait de bonnes recrues, des gars qui sortaient de centres. A la base, ils allaient là-bas pour rebondir mais ils n’y sont pas tous arrivés.

FM : Tes bonnes performances t'ouvrent ensuite les portes de Dunkerque...

MT : Je suis allé là-bas en National. J’ai fait un bon passage. C’est un bon petit club. J’ai adoré aussi. C’est pour ça que je suis resté aussi longtemps, 4 ans.

FM : C'était une volonté de ta part de rester longtemps dans ces clubs à chaque fois ?

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MT : Oui et non car après j’aurais pu bouger avant mais bouger pour bouger, ça ne m’intéressait pas. Il fallait vraiment que ça soit pour mieux, un club professionnel, même en National. C'est ce que j’ai fait pour le Paris FC. Quand j’ai signé, ils étaient encore en National mais avaient le statut professionnel. Ça me faisait une évolution.

FM : Le Paris FC été repêché en Ligue 2 alors que la saison en National s'apprêtait à débuter (4 jours avant le début du championnat, la LFP officialisait le repêchage du club parisien pour remplacer le SC Bastia, relégué en National 1, puis en National 3 en raison de ses difficultés financières). Ça a dû être une belle surprise pour toi...

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MT : Oui c’était une bonne surprise même si je m’y attendais un peu car j’ai signé un peu plus tard. Il commençait à y avoir des bruits. Le coach Mercadal, que je connaissais déjà de Dunkerque, était là-bas. Je le sentais bien, je n’ai pas hésité.

«La Ligue 1 ? Je savais que c’était possible mais ça n’était pas une obsession»

FM : Dunkerque, le Paris FC, maintenant Caen, comme se fait-il que vous vous suivez avec Fabien Mercadal ?

MT : Il y a une bonne connexion entre nous deux. C’est lui qui m‘a recruté à Dunkerque. Il m'avait appelé et j’ai senti un bon discours. Je ne sais pas pourquoi mais je le sentais bien. Je le rejoins et ça s’est bien passé. On fait 3 saisons ensemble. Ensuite, il est parti à Tours, moi je suis resté à Dunkerque où j’ai retrouvé mon coach de Calvi (Didier Santini, ndlr). Puis le coach Mercadal m’a appelé pour venir au Paris FC, monter une bonne équipe de Ligue 2. J’ai signé tout de suite. On fait une bonne saison un peu à la surprise générale. Enfin pour les autres car nous, on savait que nous avions une bonne équipe. De l’extérieur les gens ne s’en rendaient pas compte car il n’y avait que des joueurs de National et CFA. On fait une très belle saison même si on aurait aimé accrocher les barrages en fin de saison. On les loupe de peu (le Paris FC a terminé 8e à 4 points des play-offs)...

FM : Cette confiance accordée par Fabien Mercadal, ça doit être rassurant pour un joueur qui découvre la Ligue 1...

MT : Oui mais il faut rendre cette confiance. Jusqu’à présent je lui ai rendu puisqu’il me veut dans son effectif à chaque fois. Mais ce n’est pas un acquis. Il faut continuer à travailler et répondre présent. Jusque-là, ça s’est bien passé. On a toujours fait de bonnes saisons ensemble. On espère faire la même chose à Caen.

FM : Comment s’est fait ce transfert avec le club normand ?

MT : J’ai repris avec le Paris FC car il me restait un an de contrat. Caen s’est rapproché du club pour savoir s’il comptait sur moi. Ensuite on m’a contacté et j’étais d’accord. Ça ne se refuse pas. Il fallait que les clubs s’arrangent et me voilà ici. Je suis très content.

FM : Tu as toujours cru pouvoir arriver un jour en Ligue 1 ?

MT : Je ne me suis jamais découragé. Je savais que c’était possible mais ça n’était pas une obsession non plus. J’attendais juste l’opportunité, le club au bon moment. Je me suis dit : « dès que j’ai une chance, je la saisis au maximum ». Ce que je voulais, c’était à chaque fois monter d’une division. J’ai fait lentement au départ (rires) puis, j’ai 30 ans, il fallait que j’accélère un peu.

«Contre le PSG, c’est juste un match en fait»

FM : Pour ton premier en Ligue 1, tu te retrouves titulaire au Parc des Princes face au PSG...

MT : Ouai c’est un beau baptême du feu (rires). Bon malheureusement, on a perdu... Si on avait fait un résultat, ça aurait été magnifique. Quand tu es sur le terrain, peu importe contre qui tu joues, tu veux toujours prendre les points. Tu as toujours bon espoir avant le match.

FM : Tu n'es pas loin de marquer en plus mais Buffon repousse ta reprise...

MT : Oui c'est une balle d’égalisation, une belle frappe mais en face (rires)… C’était Buffon quoi ! Il l’a sorti. Ça aurait été magnifique de marquer le 1-1. Ça aurait peut-être changé le cours du match mais bon il y avait des clients.

FM : Ça fait quoi de se retrouver face à Buffon quand on connaît vos deux trajectoires ?

MT : Avec le vécu que j’ai eu, ça fait quelque chose mais durant le match, je n’y ai pas pensé. J’étais concentré. Tu fais pas vraiment attention à ces trucs-là. C’est juste un match en fait. Avant, c’est sur que tu vois des beaux noms. Ça change de ce que j’ai connu. C’est quelque chose de beau, de grand.

FM : Il y a deux ans, tu étais déjà présent au Parc des Princes lors d'un PSG - Nice mais cette fois-ci en parcage avec les supporters niçois...

MT : J’étais avec mes gars de Nice (il est né là-bas en 1988, ndlr). On s’est rejoint dans le kop. On supportait Nice (rires). On mène 2-0 puis ils reviennent à 2-2. Quand on menait, c’était la folie en tribune. Moi j’adore. Ils (les Niçois, ndlr) ont un super public. La Brigade Sud, ils ont un bon kop.

«Le retour à Nice avec la Selecioun, c’était complètement fou. Il y avait je ne sais combien de centaines de supporters, fumigènes dans l’aéroport…»

FM : Etant originaire de Nice, tu as eu la chance en 2014 d'avoir été champion du monde avec la Selecioun (l'équipe du Comté de Nice) à l'occasion de la Coupe du Monde CONIFA (compétition réservée aux territoires, minorités et nations non affiliés à la FIFA). Comment tu t'es retrouvé embarqué là-dedans ?

MT : C’était une aventure un peu surprise. Ça s’est fait rapidement mais c’était grandiose. J’ai été appelé par les entraîneurs en charge de l’équipe que je connaissais très bien. Il y avait mon coach en centre de formation. On se retrouve avec plein de collègues avec qui j’ai joué ou contre qui j’ai joué, des Niçois que je connais très bien. On a tous accepté sans savoir vraiment à quoi s’attendre et c’était une belle aventure humaine. Et puis un tournoi, c’est unique.

FM : Votre retour à Nice a enflammé la ville...

MT : Ça a pris un engouement énorme. Pour la finale, un écran géant avait été installé dans la salle du Nikaïa. On ne s’y attendait pas du tout. Ils nous ont pris au sérieux. Dans les supporters, j’avais pas mal d’amis. A notre retour à l’aéroport, c’était complètement fou. Il y avait je ne sais combien de centaines de supporters, fumigènes dans l’aéroport… On a mis peut-être une heure avant de sortir (rires). J’ai quand même peu de chance de revivre un moment pareil. C’était grandiose.

FM : Tu as rejoué avec la Selecioun depuis ?

MT : Un an plus tard, on a fait le championnat d’Europe. On a perdu en finale contre une équipe italienne (Padanie, ndlr) où il y avait le frère de Mario Balotelli, Enoch, avec qui j’ai sympathisé. C’était l’équipe à battre. On les avait battus en quart de finale lors de la Coupe du Monde mais après ce sont eux qui nous battent. Là depuis trois ans, on n'a pas fait de tournoi. Ils ont lieu toujours mais on ne les a pas disputés. On va dire que l'équipe est en sommeil. Il y a encore des rassemblements par contre, un petit match amical contre Monaco, un autre face à Cannes. On fait des petits trucs quoi mais maintenant, s'il y a un autre tournoi, il va me falloir le feu vert du club (rires).

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