La formation, une mission impossible pour Manchester City ?

Par Dahbia Hattabi
7 min.
Manchester City FC @Maxppp

Jongler entre la compétition et la formation, voici l'objectif affiché de Manchester City depuis quelques années maintenant. Une double posture qui prend du temps et qui ne fait pas forcément l'unanimité. Gros plan.

«Le Barça de la Premier League». En 2011, le Guardian consacrait un long article dans lequel il était expliqué pourquoi Manchester City comptait s'inspirer du club catalan pour former ses joueurs. Il faut dire que La Masia de Barcelone représentait, et représente d'ailleurs toujours, ce qu'il se fait de mieux aujourd'hui en matière de formation. Un réservoir inépuisable sur lequel s'appuient les Blaugranas, qui ont bien compris à quel point il est impératif d'avoir une académie performante. Un exemple que suivent les Skyblues qui ne voulaient plus seulement investir dans l'achat de gros joueurs. D'autant qu'ils devaient faire avec les contraintes liées au fair-play financier. «Nous voulons assurer notre avenir comme l'un des clubs de football leaders mondiaux en investissant dans le développement de jeunes talents», peut-on lire sur le site officiel des Skyblues sur la page dédiée à l'académie.

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Pour cela, le club anglais n'a pas lésiné sur les moyens. D'après le Telegraph, 250 millions d'euros ont été investis pour développer un nouveau centre d'entraînement et la Manchester City Academy. Un espace d'environ 80 ares, adjacent à l'Etihad Stadium, inauguré en 2014. Des infrastructures modernes qui regroupent notamment le centre d'entraînement de l'équipe première et un centre de formation où l'éducation est une priorité comme il est précisé sur le site du club : «Pour créer une académie de classe mondiale, nous avons besoin de passer plus de temps dans l'encadrement de nos jeunes joueurs et de développement de leurs compétences. Cela signifie fournir non seulement une formation de haute qualité, mais aussi des établissements d'enseignement sur place afin qu'ils puissent parfaire leurs techniques tout en recevant une éducation de haute qualité».

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Un projet calqué sur La Masia

Pour mener leur projet à bien, les Mancuniens ont fait le tour du monde pour s'inspirer des meilleurs clubs dans diverses disciplines sportives. Mais c'est sur le modèle du Barça qu'ils ont souhaité calquer cette initiative d'envergure. «Ils sont la référence pour le développement des jeunes talents. Nous voulons essayer de faire progresser les jeunes joueurs qui peuvent jouer la Champions League. Voilà notre but», confiait à l'époque Brian Marwood, ex-dirigeant de City. Pour reproduire ce modèle, City a commencé d'abord par bien s'entourer. Les Anglais ont notamment misé sur deux anciens dirigeants catalans. En 2012, Ferran Soriano, ancien vice-président du Barça, se voit confier le poste de directeur exécutif. Txiki Begiristain, lui, devient directeur sportif de City. Une fonction qu'il a aussi exercée en Catalogne. Ces deux hommes connaissent parfaitement la maison barcelonaise, où ils ont vu émerger des talents comme Lionel Messi, Andrés Iniesta ou Victor Valdés. Mais ils ne sont pas les seuls à avoir rejoint le club anglais. Les Citizens se sont aussi attachés les services de scouts qui travaillaient pour les Blaugranas, à l'image de Bojan Krkic père.

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Avec tant de moyens mis en œuvre, où en est le projet de Manchester City aujourd'hui ? Selon l'Observatoire du football CIES, le club ne figure pas parmi les 25 meilleurs centres de formation du monde pour l'année 2015. Une étude qui s'intéresse aux clubs formateurs des joueurs du Big 5 ayant passé au moins trois ans, d'affilée ou non, dans une même équipe (entre le 15e et 21e anniversaire). De plus, les Skyblues continuent d'investir des sommes colossales lors du mercato. Environ 200 millions d'euros ont été dépensés cet été pour enrôler des éléments comme Kevin De Bruyne (75 millions d'euros), Raheem Sterling (60 millions d'euros) ou encore Nicolas Otamendi (48 millions d'euros). L'écurie qui veut et doit être vite compétitive continue malgré tout de maintenir son discours en ce qui concerne la formation. Interrogé à ce sujet en conférence de presse cette semaine, Manuel Pellegrini a demandé du temps : «Je pense que nous travaillons très bien. Nous avons d'importants joueurs qui, peut-être pas dans un mois mais dans quelques années, vont jouer dans l'équipe première. (...) Ce n'est pas un changement de direction. Le développement des jeunes joueurs est toujours important. Il n'est pas facile quand vous avez une équipe forte de leur donner une chance, mais dans la façon dont ils se comportent démontre qu'ils sont de bons joueurs. Bien sûr que c'est important pour notre club d'essayer d'intégrer les joueurs de l'académie à l'équipe première».

Une initiative qui a des limites ?

Le club s'attache à le faire. Cette saison, Manuel Pellegrini s'appuie par exemple sur les jeunes Patrick Roberts, Manuel Garcia ou encore Kelechi Iheanacho. Des éléments qui sont arrivés très tard à City où ils ont terminé leur formation. On peut d'ailleurs plus parler de post-formation dans ces cas-là. Concernant Kelechi (19 ans), qui a rejoint City en 2014, il commence d'ailleurs à être appelé régulièrement par Pellegrini. Il a même claqué deux buts en sept matches avec les pros. Un rendement intéressant pour un joueur couvé par Manuel Pellegrini : «Il ne m'impressionne pas parce que je travaille avec lui tous les jours. Donc je sais ce qu'il peut apporter à notre équipe. La saison dernière, je pensais qu'il était capable de le faire. Mais il a été blessé. Maintenant, il est prêt et je suis vraiment heureux qu'il puisse montrer ce dont il est capable. Mais c'est juste un match. Il doit répéter ce type de performances et il doit encore évoluer. Avec ce qu'il montre, bien sûr qu'il peut être une option pour commencer. Ce n'est pas une position facile dans cette équipe car nous avons des joueurs importants comme David Silva ou Kun Agüero».

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Mais tous les joueurs n'ont pas eu sa chance. C'est le cas de Devante Cole. Chez les jeunes de City depuis 2003, il n'a pas joué un seul match avec les pros et a enchaîné les prêts. En fin de contrat cet été, il a rejoint Bradford (League One) : «J'avais le choix entre eux ou United. J'ai pris City parce que je les préférais et c'était le meilleur endroit pour des jeunes. Ils avaient misé sur des jeunes joueurs comme Micah Richards et Shaun Wright-Phillips (...) Ensuite, ils ont obtenu leur argent et tout a changé tout de suite. Ils ont commencé à acheter des joueurs étrangers pour l'académie et tous les Anglais ont été mis de côté. Quand vous vieillissez, vous réalisez que vous n'avez pas de chance de progresser, peu importe ce que vous avez fait. (...) Certains joueurs ont été pris indépendamment de leur forme parce qu'ils leur ont consacré des millions de livres. Ce n'était pas équitable vis-à-vis de ceux qui étaient déjà présents. Les joueurs étrangers ont toujours été mis en avant et si vous nous aviez tous vu à l'entraînement, vous n'auriez pas vu une différence de capacités».

Un discours assez tranchant voire même virulent à l'égard de son club formateur. Cela jure aussi avec l'idée de base du projet des Citizens. En 2011, Patrick Vieira, très impliqué dans le club, avait confié au Guardian : «Je ne sais pas pourquoi, peut-être, ce sont les installations, mais il est décevant que l'Angleterre ne produise pas plus de joueurs. Ce club de football (City) veut donner aux jeunes la possibilité de jouer pour l'équipe première et pour l'équipe nationale». En y regardant d'un peu plus près, le club compte aujourd'hui une vingtaine de joueurs anglais en U18. En revanche, environ un tiers de l'effectif de l'Elite Development Squad (U21), leader du championnat, est anglais. Ces dernières saisons le club a misé sur quelques éléments étrangers, à l'image de Rony Lopes, Thierry Ambrose, David Faupala, John Guidetti ou Seko Fofana. Mais pour les étrangers comme pour les Anglais, s'imposer dans un club du calibre de Manchester City n'est pas du tout évident. Prêté à Bastia cette saison, Seko Fofana nous a expliqué : « Avant de venir ici (à City), je savais qu’il y avait cette concurrence. Je l’assume pleinement. Aujourd’hui, si tu veux être un top player, il n’y a que la concurrence qui te fait avancer. C’est positif. Même si c’est difficile, il faudra aller chercher du temps de jeu et revenir pour montrer qu’on est prêt à jouer à Manchester City. C’est un club avec beaucoup d’ambitions, un bon projet sportif. Ils jouent la Ligue des Champions. Ils veulent être premiers partout. Une telle concurrence est tout à fait normale ». À mi-chemin entre formation et compétition, Manchester City a encore justement du chemin à parcourir pour s'imposer comme un grand club formateur...

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