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Eric Roy : « c'est vrai qu'un projet dans un club me plairait bien »

Par Constant Wicherek
10 min.
Eric Roy sur le banc du Stade Brestois. @Maxppp

Eric Roy a joué à Nice et à l'OM. À l'occasion de la rencontre de ce week-end, il s'est confié à Foot Mercato. Au programme : son passage à Watford, le dossier Pape Gueye, ses réflexions sur le jeu, sur De Zerbi et sur sa folle envie de retrouver un banc de touche.

Foot Mercato : bonjour Eric, comment allez-vous ?

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Eric Roy : je vais bien (rires) ! Ma vie rythmée par ma famille et part, depuis que je suis parti de Watford, par les médias. Je suis très tourné vers le foot, en France et à l'étranger. J'ai travaillé toute la saison dernière sur la Premier League et l'Europa League.

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FM : Watford, c'est votre première expérience de dirigeant à l'étranger. Comment vous l'avez vécu ?

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ER: je l'ai bien vécue. C'était impossible de refuser une telle offre, de refuser d'être dirigeant dans le meilleur championnat du monde avec les meilleurs joueurs, les clubs les plus riches. C'était une formidable opportunité. Je savais que c'était aussi compliqué, quand je suis arrivé, l'équipe avec neuf points après 17 matches, c'était périlleux. On avait beaucoup de points sur le premier non relégable. Tu vas quelque part en sachant que c'est difficile, mais c'était un beau challenge.

FM : à quoi se résumait votre travail de directeur sportif ?

ER : le travail de directeur sportif est très vaste. Quand tu vas au chevet d'une équipe qui est malade, c'est un club en difficulté et une équipe en manque de repères. Ton travail c'est de soigner les têtes, relancer la machine et donner confiance aux joueurs. Ce n'est pas un travail de reconstruction d'une équipe. C'était un grand challenge et ce qui était incroyable, mon arrivée et celle du nouvel entraîneur ont coïncidé avec le fait qu'on a engrangé un nombre de points dingue, jusqu'à la pandémie. En deux mois on est sorti de la zone de relégation, ponctuée par une victoire contre Liverpool à domicile, 3-0, qui a sonné le glas de notre saison puisqu'on a été arrêté par la pandémie. Cela nous a cassé notre dynamique.

FM : qu'est-ce qui vous plaît le plus dans ce travail ?

ER : tout ma plaît. Quand je suis arrivé à Lens, c'était un club en difficulté, qui avait perdu les sept premiers matches de championnat. Je suis arrivé dans ces conditions. C'est pareil, c'est le même travail. À Lens, le travail que j'ai dû faire ensuite, c'était de rebâtir un groupe, améliorer l'équipe pour atteindre les objectifs qui étaient de remonter. Watford était un super challenge, mais la frustration à l'arrivée c'est d'être descendu d'un point après un restart où l'équipe était démobilisée. C'était difficile, puisque le plus intéressant arrivait : réfléchir, repartir sur des bases différentes pour atteindre les objectifs que tu te fixes. À Watford ça aurait été de se ménager une saison plus tranquille et plus paisible en retrouvant une première partir de tableau, comme l'année juste avant.

FM : en plus vous êtes très proches de vos hommes...

ER : oui, on est très proche de l'entraîneur et des joueurs. C'est ce que j'aime, les relations humaines. C'est pour ça que j'ai aussi apprécié mon travail d'entraîneur, à Nice, pour les sauver. Je n'ai pas fait une croix sur le travail d'entraîneur. Il faudra que quelqu'un me témoigne cette confiance et me contacte pour cela. Pour le moment, ce n'est pas venu.

FM : à Watford, vous avez aussi dû gérer le dossier Pape Gueye ?

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ER : Pape Gueye, c'est, a posteriori, après avoir signé, que j'apprends qu'il vient la saison d'après. On m'appelle de France pour me demander ce qu'il en est. Je ne connaissais pas le dossier, je le prends en cours, j'essaye de comprendre. C'était un dossier mort-né. L'entourage du joueur avait changé, son agent avait changé. Le nouvel environnement voulait absolument le faire partir. Pour l'instant je ne vois rien passer, mais Watford, à mon avis, n'a pas laissé la chose en l'état. Je suis persuadé qu'ils iront devant le TAS. La réalité c'est que l'entourage, communiquant à tous les clubs que le contrat n'était pas valide, a fait monter les intérêts. Beaucoup de clubs m'ont appelé, la moitié des clubs français et ceux qui avaient des moyens. J'ai exposé ce que je savais, qu'il avait signé un contrat enregistré à la fédération anglaise et qu'il avait passé sa visite médicale. Cela me paraissait bizarre qu'un de ses conseillers disait que le contrat était nul et non avenu. Tous ceux qui m'ont contacté, après avoir parlé avec nous et le propriétaire du club, ont décidé de ne pas y aller.

FM : tous sauf l'OM...

ER : le seul club qui a décidé de passer en force, c'est l'OM. Cela veut dire que soit ils sont plus forts que les autres ou soit ils sont mal conseillés. Un contrat, c'est un contrat. Il y aura une instance supérieure de l'UEFA, qui gérera ce dossier et qui tranchera, mais si ça devait être reconnu qu'il y a eu un non-respect d'un contrat valable, l'OM peut se retrouver avec des interdictions de recrutement et le joueur suspendu, ce que je ne souhaite pas. J'étais trempé là-dedans sans avoir géré, mais j'étais en charge. J'ai été étonné malgré tout de la manière de faire de l'Olympique de Marseille parce que, pour moi, c'était prendre des risques. L'avenir nous dira s'ils ont eu raison.

FM : aujourd'hui, vous vous sentez plus entraîneur ou directeur sportif ?

ER : je me sens comme un professionnel du foot. On a tendance à enfermer les gens dans des cases, on le voit avec les artistes. Aujourd'hui, ce sont deux rôles que je peux tenir. Retrouver le terrain et reprendre une équipe, c'est quelque chose qui me plairait parce que l'expérience fait aussi que dans mon rôle de directeur sportif j'ai travaillé avec beaucoup d'entraîneurs.

FM : et vous avez passé vos diplômes...

ER : c'est ce qui est malheureux ! Quand j'ai fait ce métier, à Nice, je n'avais pas du tout les diplômes, parce que ça a été fait dans l'urgence. Je devais reprendre une équipe qui se battait pour ne pas descendre. La frustration c'est qu'ensuite j'ai fait 3-4 ans de formation, avec un cursus de formation extraordinaire. C'était une formation qui a été nommée super élite par la fédération française puisque c'est la promotion Zidane. Être allé un peu partout en Europe, au Bayern, au Real, pour suivre ce cursus, avoir appris des choses et ne pas pouvoir les mettre en application, c'est une frustration. Cela m'habite encore aujourd'hui. Peut-être que ça viendra, ou non. Ce n'est pas quelque chose qui me mine au quotidien, mais c'est vrai qu'un projet dans un club me plairait bien.

FM : quel est votre avis sur l'évolution du métier d'entraîneur ?

ER : j'ai fait le match de Monaco ce mardi. On l'a vu avec un entraîneur qui a une forte identité. Chacun à sa philosophie. Je trouve que c'est bien que les entraîneurs amènent des choses différentes. C'est qui est super dans le football, c'est qu'on peut gagner de plein de manières différentes.

FM : votre philosophie a-t-elle évolué ?

ER : oui et non. On se nourrit de chose. On a une éducation dans la vie et dans le football. On se nourrit d'expériences du passé et des entraîneurs qu'on a connus. Quand on est en place, on se nourrit de ses expériences. De Zerbi (le coach du Shakhtar, ndlr), pour parler de lui, a une forte identité. Il a grandi, il a été formé au Milan AC à l'époque où Arrigo Sacchi a le grand Milan. Cela marque forcément. Je pense que lui s'est nourri de ça et de ce qu'il était. Les équipes ressemblent aux joueurs qu'étaient les entraîneurs. Bien souvent. Je pense que Didier Deschamps, son équipe lui ressemble. C'est un football pragmatique, équilibré. Guardiola, c'était un organisateur de jeu, un garçon qui aimait contrôler le jeu, avoir le ballon. Ses équipes lui ressemblent.

FM : et vous dans tout ça ?

ER : moi, je pense que j'avais une culture footballistique très réfléchie dans ma manière de jouer. J'étais souvent le relais des entraîneurs sur le terrain parce que j'avais une réflexion sur le jeu, sur mes déplacements par rapport à mes coéquipiers, je m'adaptais au jeu. J'aurai une vision aussi pragmatique et de construire. Souvent tu ne peux pas construire un effectif. Tu as plus de chance d'atterrir dans un effectif où tu subis l'effectif plutôt que de le choisir. Aujourd'hui, quand tu veux jouer comme Guardiola, il faut avoir les moyens de le faire et les joueurs pour le faire. De Zerbi, quand il va en Ukraine, c'est parce qu'il sait qu'il y a des joueurs de ballons et qu'il pourra recruter cinq joueurs qui lui permettront de mettre en place sa philosophie de jeu. Si Burnley le contacte, je ne suis pas sûr qu'il aille. Il sait qu'il ne va pas s'épanouir là-bas.

FM : vous voulez donc vous adapter ?

*ER :* je pense que demain, quelque soit l'équipe que j'aurais, je m'adapterai parce que c'est dans ma nature. Essayer de tirer le mieux de mes équipes. J'entends souvent « je préfère mourir avec mes idées* ». Moi, non, je préfère continuer à faire vivre un club, des salariés qui travaillent au quotidien. Je l'ai vécu à Nice. C'était ma ville, mais c'était surtout mon club. Ma priorité c'était de maintenir le club parce que j'avais envie que les gens qui y travaillent, je n'avais pas envie qu'ils perdent leur emploi. Ma mission était de sauver l'équipe. Parce que si je sauve l'équipe, je sauve aussi des emplois. Il y a plus qu'une dimension sportive dans les clubs. Aujourd'hui, je sais que personne ne va venir me chercher dans un club qui marche très bien avec des résultats et de l'argent. Je sais que si on vient me chercher, c'est parce que ce sera un moment difficile et tirer la quintessence, peut-être modifier des choses, mais surtout faire avec ce qu'on a. Quand c'est le cas, il faut voir. J'adapterai le système aux joueurs que j'aurais et à leurs qualités. J'admire aussi les mecs qui arrivent à mettre les choses en place, en faisant du spectacle, en étant audacieux. Je pense que c'est l'essence du foot et c'est ce qu'on aime.

FM : une sélection pourrait vous intéresser ?

ER : il y a sélection et sélection. J'ai besoin d'avoir un cadre sérieux. Il y a beaucoup de sélections où on part à l'aventure. C'est la difficulté. Je pense qu'une sélection, c'est un moment dans la vie et ça ne peut pas être, pour moi, un premier job. C'est après avoir fait plusieurs années en club. C'est un travail différent.

FM : à quel point ?

ER : un sélectionneur, pour moi, c'est un mix entre directeur sportif et entraîneur. Il y a ce phénomène de recrutement. Tu vas voir des matches, voir les garçons aux quatre coins du monde. Tu analyses des joueurs. Il y a un confort. Si c'est une sélection importante, où il y a cinquante joueurs sélectionnables, tu peux choisir des joueurs pour mettre en place sur le terrain tes idées. Ce n'est pas le cas en club. Quand tu es en opération sauvetage, tu as des joueurs et ils ne changeront pas. Il y en aura une vingtaine et tu feras avec. En sélection, quand tu veux mettre en place un jeu de possession avec ce qu'on a vu avec le Shakhtar, tu vas devoir prendre des défenseurs qui sont capables de vivre avec la pression et de relancer sous pression, un gardien de but qui peut jouer au pied. Ce sont des profils que tu vas rechercher. Tout est possible. Mais quand tu deviens sélectionneur, souvent, c'est que tu as réussi en club.

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