Michel Hidalgo, l’adepte du beau jeu et l’inventeur du carré magique @Maxppp

Michel Hidalgo, l’adepte du beau jeu et l’inventeur du carré magique

Par Frederic Yang - 27/03/2020 - 14:30

Décédé à l’âge de 87 ans, Michel Hidalgo fut un sélectionneur unanimement respecté pour la manière dont il a fait jouer l’équipe de France de 1976 à 1984. Visionnaire pour certains, Hidalgo est celui qui a eu “le courage” d’aligner le fameux carré magique en 1984. Retour sur l’Histoire de cette trouvaille tactique.

Si beaucoup considèrent les entraîneurs français comme prudents voire cyniques - comprenez des entraîneurs pour qui le moyen d’arriver à la victoire est beaucoup plus important que la manière - cette étiquette ne colle vraiment pas à Michel Hidalgo. Quand il était joueur, l’ancien ailier gauche puis milieu de terrain du Havre, du Stade de Reims et de l’AS Monaco, se distinguait déjà par son attrait pour le jeu offensif et les dribbles, quitte à complètement délaisser le travail défensif. Devenu entraîneur en 1968 du RC Menton, Hidalgo devient tout d'abord l’adjoint du sélectionneur des Bleus, Stefan Kovacs en 1973, avant de se voir proposer le poste de numéro 1 en janvier 1976. À l’époque, l’équipe de France patauge, ne parvenant pas à se qualifier pour l’Euro 1976 en Yougoslavie. Grâce à ses expériences auprès d’Albert Batteux au Stade de Reims, de Georges Boulogne à la DTN, et de Stefan Kovacs en équipe de France, Michel Hidalgo devient un entraîneur hybride et qui n’est pas fermé sur une seule idée de jeu ou une tactique particulière. Grand pédagogue et communiquant, il se trouve rapidement à sa place sur le banc tricolore. Il parvient à qualifier la France pour la Coupe du monde 1978 en Argentine en terminant en tête de son groupe des qualifications devant la Belgique et l’Irlande. Peu avant le départ des Bleus pour le Mondial argentin, Hidalgo annonçait déjà : « Mes joueurs jouent surtout pour le plaisir, et je veux que ça soit mis en avant à chaque match. Ce sont des mots qui peuvent paraître enfantins de parler de plaisir, de satisfaction et de bonheur, mais personnellement, c’est que j’ai envie de mettre en avant. »

Le premier carré magique avec 3 numéro 10 et un milieu défensif

En Argentine, l’équipe de France ne parvient pas à sortir des poules et manque une nouvelle fois l’Euro en 1980. Mais Hidalgo a la chance de bénéficier d’une génération dorée avec les éclosions de Platini, parti pour remporter trois ballons d’Or consécutifs, Jean Tigana, Bernard Genghini, Alan Giresse et bientôt Luis Fernandez. Pourtant les qualifications pour le Mondial de 1982 ne se passent pas comme prévues. Les Bleus enchaînent les défaites et sont au bord de l’élimination avant un match décisif contre les Pays-Bas, qui n’ont besoin que d’un nul pour se qualifier pour la Coupe du monde. Avant le match, le sélectionneur français fait un choix fort en alignant un 4-3-3, assez rare à l’époque. « Au niveau international, c’était très rare de rencontrer des équipes qui jouent à trois attaquants. Le milieu de terrain était souvent constitué par des milieux défensifs. J’en discutais avec les joueurs de l’équipe nationale : quand on a déjà quatre défenseurs, ça suffit largement. Par contre, le milieu doit être constructif, c’est là où on doit garder le ballon, et donner les meilleures chances. Et pour ça, mieux vaut des éléments techniques. La première fois que j’ai aligné Platini et Giresse, on m’a accusé d’en mettre un de trop », racontait Hidalgo sur le site chroniquesbleues.fr.

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Vainqueurs des Bataves (2-0) et qualifiés pour le Mondial espagnol, les Bleus effectuent un premier tour en demi-teinte, ponctué par une défaite (1-3) contre l’Angleterre, une victoire (4-1) contre le Koweït et un nul (1-1) contre la Tchécoslovaquie. Mais à l’époque, il existait un deuxième tour avec 4 nouveaux groupes de 3 équipes pour déterminer les demi-finalistes de la compétition. Avant le premier match du second tour contre l’Autriche, Hidalgo remplace Platini, blessé, par Genghini, qui marque l’unique but de la rencontre. Lors du match suivant contre l’Irlande du Nord, le sélectionneur français fait face à un casse-tête. « J’étais dans une situation pas facile : enlever Genghini et remettre Platini. Quand j’ai dit à Platini qu’il revenait, il m’a dit « mais vous ne pouvez pas enlever Genghini ! » J’étais un petit peu gêné. Alors, pourquoi pas à quatre ? Et c’est comme ça que la carré magique est parti. C’était une question de qualité technique, plutôt que de qualité athlétique. Voilà comment est né le milieu de terrain, avec Genghini à gauche, Tigana à droite, Platini et Giresse devant, en numéros 10/attaquants », confessait Hidalgo, toujours sur chroniquesbleues.fr. « Pour moi, il s’agissait plutôt d’un losange. Tigana en pointe basse, Platini en pointe haute », avait pour sa part réagi Alain Giresse pourl’Équipe.

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Au final, les Bleus étrillent l’Irlande du Nord (4-1) avec notamment un doublé de ce même Alain Giresse. Malheureusement, leur parcours se terminent en demi-finale après un match épique contre la République Fédérale d’Allemagne mais le carré magique est bel et bien né.

Le deuxième carré magique avec Luis Fernandez à la place de Genghini

Fort d’une belle Coupe du monde, qui a tenu en haleine le public français, Hidalgo peut préparer sereinement l’Euro 1984, qui aura lieu en France, avec une série de matches amicaux pouvant servir de laboratoire pour le fameux carré magique. Genghini, en difficulté en club, est remplacé par Luis Fernandez dont le volume de jeu impressionne. La première fois que le quator Tigana-Fernandez-Giresse-Platini est aligné, c’est face au Portugal le 16 février 1983. Mais pendant 12 minutes seulement. Le carré magique s’impose définitivement un an plus tard, le 29 février 1984, lors d’un match contre l’Angleterre où Platini marque deux fois. « En fait, c’est à l’Euro 84 que notre milieu Fernandez-Giresse-Tigana-Platini a été constitué sur le modèle d’un carré parfait. Un carré plus solide que le losange 82. Même si chacun, alors, s’astreignait aux tâches défensives. Avec le carré de 1984 constitué de deux “récupérateurs haut” (Tigana et Fernandez), Platini jouissait d’une plus grande liberté et pouvait plus facilement se muer en troisième attaquant. C’est en 1984 que le terme “carré magique” est devenu marque déposée », argumentait Giresse dans l’Équipe.

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Venons-en à l’Euro 1984 justement. Devant son public, l’équipe de France régale. Son 4-4-2 avec un véritable carré au milieu, ce qui paraît impensable aujourd’hui, donne du fil à retordre à ses adversaires tant les permutations sont nombreuses au cours d’un match. Les milieux les plus reculés, Fernandez et Tigana n’hésitent pas à effectuer des une-deux en se projetant librement vers l’avant. Platini se déplace partout (aussi bien derrière pour relancer que devant en troisième attaquant) et Giresse s'adapte intelligemment aux mouvements de ses partenaires. Devant, les attaquants Bellone et Lacombe dézonent souvent pour animer les couloirs. Le premier tour se solde par trois victoires dont un cinglant (5-0) contre la Belgique avec un triplé de Platini, et deux autres buts de Giresse et Fernandez. La demi-finale contre le Portugal rentre dans l’histoire avec un scénario fou et une victoire des Bleus (3-2) à la dernière minute des prolongations sur un nouveau but de Platini (son 8e de la compétition à ce moment). En finale, le jeu offensif des Tricolores finit par faire craquer l’Espagne et son tristement célèbre gardien Arconada, dont la faute de mains est entrée à jamais dans l’Histoire sur le coup franc à ras-de-terre de Platini. L’équipe de France remporte donc sa première compétition internationale après avoir inscrit 14 buts en 5 matches et proposée un jeu particulièrement divertissant et offensif. Tout ça grâce au génie tactique de Michel Hidalgo ? « Souvent, on me demande comment s’articulait le rôle et le positionnement de chacun. En fait, je n’ai pas le souvenir d’un travail que l’on décortiquait sur le terrain, ni de séances de tableau noir. Tout s’est mis en place automatiquement » , avait lâché Alain Giresse toujours dans l’Équipe.

Un philosophe et un adepte du beau jeu

Au final, peu importe si Michel Hidalgo était un vrai génie tactique, il a marqué ses joueurs par sa personnalité et par son aura. « La peur de perdre remplace trop souvent le désir de gagner [...] si l’adversaire est plus fort, faisons du match une aventure. Ce n’est rien d’échouer, ce qui est grave est de ne rien tenter », avait-il déclaré peu avant le match décisif contre les Pays-Bas lors des éliminatoires du Mondial de 1982. Les éloges à l'égard de celui qui fut aussi un président du syndicat des joueurs particulièrement engagé dans les années 1960 sont d'ailleurs unanimes : « Il a permis à notre football de se libérer pendant et après la Coupe du monde 1978. On avait un beau foot en France, avec de belles équipes, à cette époque. Mais il nous manquait les résultats qui auraient permis de prouver que notre football pouvait exister sur le plan mondial. Son action a enclenché des choses assez exceptionnelles », a estimé René Girard, actuel entraîneur du Paris FC.

De son côté, Bernard Genghini, a dressé un portrait simple et révélateur de Michel Hidalgo dans Ouest France : « Avec lui, on a retrouvé un jeu à la française. Il a décomplexé l’équipe de France. Il était adepte de beau jeu pratiqué par des beaux joueurs. Il voulait que son équipe ait le ballon, il aimait prendre des risques. C’était sa philosophie, basée sur le plaisir et la beauté du jeu. » Voilà ce qu’était Michel Hidalgo : un apôtre du beau jeu et une personnalité qui a marqué à jamais le football français.

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