Management, tactique : que doit attendre l’OM de Gennaro Gattuso ?

Par Valentin Feuillette
9 min.
Gennaro Gattuso, nouvel entraîneur de l'OM @Maxppp

Alors que Gennaro Gattuso va bien prendre ses fonctions d’entraîneur de l’Olympique de Marseille, les habitués des travées du Vélodrome se posent déjà mille questions sur le profil de l’entraîneur italien. Si son CV en tant que joueur n’est pas à rappeler, la réputation du tacticien n’a pas vraiment traversé l’autre côté du Mont Blanc. Présentation et décryptage.

Alors que son nom avait été mentionné ces dernières semaines du côté de l’Olympique Lyonnais, pour prendre la succession de Laurent Blanc (rude tâche finalement confiée à Fabio Grosso), l’entraîneur et ancien joueur italien Gennaro Gattuso va finalement poser ses bagages dans un autre Olympique. En effet, comme nous vous le révélions en exclusivité mardi soir, la direction marseillaise, toujours portée par le duo composé de Pablo Longoria et de Javier Ribalta a jeté son dévolu sur la légende de l’AC Milan pour panser les plaies des Phocéens, plus que jamais malades depuis la démission de l’entraîneur espagnol Marcelino, le clash intense avec les groupes de supporters marseillais, les départs avortés de la direction sportive et la claque humiliante reçue au Parc des Princes face au Paris Saint-Germain en Ligue 1 (4-0). Le Ringhio (son surnom, qui signifie «grognement» en italien) est d’ailleurs attendu ce mercredi dans les Bouches-du-Rhône pour parapher un contrat de deux saisons - dont la seconde année est en option.

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Des expériences plutôt mitigées

Devenu officiellement entraîneur en 2013 en Suisse au FC Sion, où il avait terminé sa carrière professionnelle quelques mois plus tôt, Gennaro Gattuso a mis du temps à définitivement prendre un banc pour du long terme. Après de courtes piges à Palerme en Serie B et au OFI Crète en Super League grecque, l’ancien international a pris l’équipe jeune de l’AC Milan puis enfin l’équipe première en novembre 2017, succédant à Vincenzo Montella. Cette première (vraie) expérience en tant qu’entraîneur a été l’une des plus positives dans la carrière du jeune tacticien italien. Véritable pompier de service à San Siro, il est parvenu à parfaitement entamer une transition intéressante avant la véritable révolution sous Stefano Pioli. Il a su qualifier des Rossoneri en pleine crise et plutôt faiblards pour la Ligue Europa, lors de sa deuxième saison à Milan, disputant même les tickets pour la Ligue des Champions jusqu’à la dernière minute de la campagne 2018/2019 durant laquelle le Diavolo Milanais avait terminé à la 5ème position, à seulement une unité de l’Inter Milan classée 4ème cette année-là, avec un effectif dont les leaders se nommaient Ricardo Rodríguez, Suso, Mateo Musacchio, Patrick Cutrone et Krzysztof Piatek. A cette époque, la presse italienne commençait à voir en Gattuso un manager original, imparfait mais au potentiel loin d’être inintéressant.

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Et c’est en ce sens que le président napolitain Aurelio De Laurentiis, accompagné par son directeur sportif Cristiano Giuntoli, a décidé d’offrir la succession de Carlo Ancelotti sur le banc de Naples à l’ancien joueur milanais en décembre 2019. Sous sa houlette, les Partenopei terminent à la 7ème place du classement de Serie A en 2019/2020 - soit la pire position sur les 10 dernières années du Napoli, puis à la 5ème place l’année suivante lors de la saison particulière avec le Covid-19 où il a dû manœuvrer avec plusieurs absences de longue date. Si son passage est marqué par une victoire en finale de la Coppa contre la Juventus, tout ne s’est pas si bien déroulé en interne pour le Ringhio en proie à certains bras de fer avec sa direction mais aussi quelques joueurs, notamment Hirving Lozano, Allan et Stanislas Lobotka. Le milieu slovaque est d’ailleurs tombé en dépression et en surpoids en raison de conflits répétés avec Gattuso. Licencié par Naples, il s’engage en mai 2021 avec la Fiorentina mais rompt l’accord avec la Viola seulement 20 jours plus tard après sa signature en raison de divergences liées aux stratégies de renforcement technique de l’équipe. A Valence, la saison passée, Gattuso n’est resté que quelques mois, ne glanant que 19 points en 20 matchs avant d’être renvoyé par la direction des Ches avec qui il ne s’entendait absolument pas.

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Adepte du 4-3-3

A Naples, où il a dirigé 81 rencontres, Gennaro Gattuso a installé un 4-3-3 où le rôle des défenseurs est fondamental. En phase de construction, les défenseurs centraux redescendaient près du gardien et prenaient en charge la création basse en jouant court avec le gardien de but Davide Ospina pour l’impliquer dans le jeu. L’idée de départ est qu’une fois que le gardien de but est directement impliqué dans la création, cela incite les adversaires à entamer un pressing haut, ce qui permet de créer des espaces dans l’axe permettant à l’équipe de jouer vers l’avant rapidement. Il s’agit d’une tactique courante mise en œuvre par Gattuso et son staff à Naples. Ils conservaient la possession dans leur tiers défensif pour attirer l’opposition et ainsi chercher à attaquer les espaces laissés ouverts tout en essayant de récupérer le ballon. Cette tactique essentielle utilisée par Gattuso à Naples était en ce sens accompagnée de deux milieux de terrain au bord de la surface de réparation pour venir en aide aux défenseurs créateurs. Il donne la priorité à l’équilibre comme tactique dans l’approche offensive de son équipe, refusant que ses deux latéraux montent simultanément ou que deux attaquants agressent haut en même temps. Lorsqu’un joueur large rentrait à l’intérieur et cherchait à jouer dans le demi-espace, le coéquipier à l’opposé tenait la largeur.

Malheureusement, le jeu offensif de la tactique de Gattuso pourrait être évoqué comme une possible faiblesse de l’approche tactique de l’Italien. Trop souvent le Naples du Ringhio était devenu trop prévisible et quand son système s’écroule, rares ont été les moments où il a su s’adapter et se réinventer. En cas de phases de crise, Gennaro Gattuso avait tendance à trop s’appuyer sur des individualités pour produire des différences, plutôt qu’installer un autre modèle de jeu en fonction des forces particulières de l’équipe ou des faiblesses de l’adversaire. Défensivement, l’ancien milieu italien ne demande pas - paradoxalement - à ses équipes de réaliser un pressing agressif pour récupérer le ballon. Ils cherchent à conserver leur forme défensive et à maintenir une structure défensive compacte et solide, ce qui les rend très compliqué à jouer. Contre les grosses équipes, son Naples a souvent installé un bloc très bas en espérant jouer le match nul ou à surprendre l’adversaire. Du reste, en défense et contrairement à l’attaque, ses équipes, Milan comme Naples, peuvent défendre en blocs hauts, moyens et bas à différentes situations au cours d’un même match. Ses joueurs doivent individuellement fermer les espaces spécifiques sur le porteur du ballon pour forcer l’adversaire à s’enfermer dans une certaine zone : Gattuso aime que son équipe reste compacte en bloquant l’axe pour réduire les lignes.

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Dans la gestion d’un vestiaire, Gennaro Gattuso a prouvé, à plusieurs reprises, ses compétences pour gérer les cadres de son groupe, tout en se montrant néanmoins quelque peu virulent avec ses remplaçants. Mais beaucoup de joueurs parlent de Gattuso en très bon termes. A Milan par exemple, le milieu turc Hakan Çalhanoğlu n’a jamais caché sa formidable relation avec la légende des Rossoneri : «j’ai adoré que Gattuso considère tous ses joueurs comme égaux, il ne faisait aucune distinction. Il sait comment traiter les joueurs et leur parler face à face. Quant à ses capacités de motivation, certains des discours qu’il a prononcés avant les matchs m’ont donné la chair de poule», avait alors déclaré l’international turc à l’époque où Gattuso dirigeait le Napoli. En Campanie d’ailleurs, le futur entraîneur de l’OM n’avait pas posé ses bagages dans un contexte facile après la grève des joueurs contre Carlo Ancelotti et la direction napolitaine. L’un des points forts de la gestion de Gattuso reste sa capacité à amener du caractère, du courage et surtout de la cohésion de groupe. Et quand on relit les déclarations de Pau Lopez ou de Samuel Gigot après la défaite contre le PSG, nul doute que Gennaro Gattuso saura apporter rapidement des ingrédients aujourd’hui manquants dans cet OM convalescent.

Compatible avec l’OM ?

Considérant que Gennaro Gattuso n’a jamais réellement eu l’envie et/ou les qualités pour se réinventer tactiquement depuis sa première grosse expérience à Milan, comment son système en 4-3-3 assez faible offensivement mais plutôt modulable défensivement peut-il se fondre avec le mercato estival de l’OM ? Alors la première bonne nouvelle, de nombreux joueurs marseillais comme Jordan Veretout, Pau Lopez, Joaquin Correa, Pierre-Emerick Aubameyang ou Geoffrey Kondogbia connaissent le football italien, la réputation de Gattuso et donc tout ce qui accompagne le mythe autour de l’homme et l’entraîneur. Néanmoins, le système offensif nécessite des défenseurs centraux très à l’aise au pied, capables de relancer efficacement et rapidement. Sur ce point, hormis peut-être Leonardo Balerdi, les rocs défensifs marseillais ne possèdent sûrement pas les qualités techniques à la passe qu’exige l’entraîneur italien. Fort heureusement pour l’OM, le gardien espagnol Pau Lopez a un jeu au pied plutôt bon sur lequel Gattuso pourra composer son système assez singulier à la création basse. L’autre point fort est le milieu de terrain marseillais qui jouit de profils assez variés, ce qui devrait permettre au Ringhio de moduler son axe central pour un meilleur équilibre. Un profil technique comme Ounahi, capable de seconder la défense au départ de la création, peut également être la nouvelle surprise de la saison côté Marseille.

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En conclusion, Gennaro Gattuso semble être un choix sur le court terme dans l’esprit de Pablo Longoria et Javier Ribalta. Et si cette philosophie est maintenue, Gattuso n’est pas sur le papier un si mauvais choix que cela pour sauver les meubles. Outre à Valence, où il n’a pas été aidé par sa direction, le natif de Corigliano Calabro a souvent réussi à remettre de l’ordre dans ses vestiaires en limitant la casse pour ainsi nettoyer un peu des situations de crise. Néanmoins, sans jamais réellement installer une culture de la gagne, il a souvent été pointé du doigt pour sa mauvaise gestion du banc, ses conférences de presse trop houleuses et sa panoplie tactique loin d’être aussi complète et maîtrisée que les autres jeunes entraîneurs italiens de sa génération. Il ne boxe pas du tout avec les Roberto De Zerbi, Raffaele Palladino, Thiago Motta, Alessio Dionisi, Paolo Zanetti et Vincenzo Italiano, qui forment la nouvelle école prodigieuse du Calcio. En Italie, il est avant tout perçu comme un solide pompier de service, capable d’éteindre des feux ardents d’un club au bord de la dérive mais sa réputation n’est pas celle d’un grand tacticien au jeu attrayant où les supporters prennent du plaisir à aller au stade. Au sujet de l’entraîneur de 45 ans, La Gazzetta dello Sport écrivait il y a encore quelques jours lors de la rumeur lyonnaise : «Gattuso, 10 ans de mauvais bancs : le téléphone ne sonne plus. Au milieu de sa vie d’entraîneur, Gennaro Gattuso est plombé par l’ombre de l’incomplétude, d’une carrière qui - les mauvais choix, les trébuchements ici et là, les objectifs flous - a échoué». Pour le journal italien, l’entraineur est dans le creux de la vague et n’a pas vraiment les compétences pour rebondir. Gattuso à Marseille ? Les supporters savent ce qu’ils auront mais doivent avoir conscience également ce qu’ils n’auront probablement pas. Mais sait-on jamais, les belles surprises et les mariages hors du commun arrivent parfois.

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