Comment se remettre d’une rupture des ligaments croisés ? @Maxppp

Comment se remettre d’une rupture des ligaments croisés ?

Par Frederic Yang - 17/12/2019 - 13:18

Crainte par les joueurs, la rupture des ligaments croisés est malheureusement une blessure commune au football. Mais comment expliquer cette blessure ? Comment l’éviter ou la prévenir ? Comment la guérir ? En combien de temps ? Et comment éviter les rechutes ? On vous explique tout avec l’éclairage de Jean-Marcel Ferret, l’ancien médecin de l’équipe de France et de l’Olympique Lyonnais, et Bertrand Sonnery-Cottet, chirurgien réputé qui a opéré de nombreux joueurs professionnels dont Nabil Fekir.

Deux actions anodines… deux mauvaises prises d’appuis aux lourdes conséquences. Ce dimanche 15 décembre 2019, l’Olympique Lyonnais a donc vu Memphis Depay et Jeff Reine-Adélaïde se rompre le ligament antérieur du genou, gauche pour le Néerlandais et droit pour le Français, à quelques minutes d’intervalle. La fameuse blessure des ligaments croisés a une nouvelle fois frappé dans le football ! « Tout d’abord, il faut savoir qu’il y a deux ligaments croisés : le ligament croisé antérieur et le ligament croisé postérieur. Donc quand on dit qu’untel s’est fait les croisés, ce n’est pas vrai ou correct car il s’agit souvent d’une rupture d’un des deux ligaments croisés mais très rarement des deux en même temps », tient à préciser Jean-Marcel Ferret, qui fut le médecin de l’OL de 1977 à 2008. Et d'ajouter : « Dans le football, c’est le ligament croisé antérieur qui est touché dans 90% des cas. La rupture du ligament croisé postérieur touche généralement les gardiens de but. Mais pour revenir au ligament croisé antérieur, il s’agit d’un ligament relativement fragile qui est soumis à de fortes contraintes sur de nombreuses situations, notamment la réception après un saut ou une prise d’appui. Si on n’est pas attentif, le genou ou plus précisément la rotule peut rentrer excessivement vers l’intérieur lors de la réception d’un saut ou d’un appui et le ligament croisé antérieur peut se rompre sur un geste complètement anodin. Certains joueurs ont même ce que l’on appelle un défaut proprioceptif ou un problème posturo-dynamique. C’est-à-dire qu’ils ont une tendance naturelle à avoir le genou qui rentre vers l’intérieur. Les femmes sont d’ailleurs plus touchées par ce type de blessures, car elles ont davantage un morphotype qui favorise cette tendance.»

Les facteurs qui augmentent les risques d’une rupture d’un des ligaments croisés

Il faut savoir que le genou est soutenu par quatre ligaments principaux : deux ligaments latéraux (le ligament collatéral tibial et le ligament collatéral fibulaire) ainsi que deux ligaments centraux qui relient le fémur (os de la cuisse) au tibia. « Le ligament croisé antérieur et le ligament croisé postérieur sont ces deux ligaments centraux dans le genou qui permettent sa stabilité. Ils ont été nommés ainsi en fonction de leur insertion sur le tibia. Ils ont des rôles différents, le ligament croisé antérieur contrôle la translation antérieure du tibia et la rotation, le ligament croisé postérieur contrôle la translation postérieure », décortique le docteur Bertand Sonnery-Cottet, qui a notamment opéré Nabil Fékir après sa rupture du ligament croisé antérieur du genou droit en 2015 et qui pourrait s'occuper personnellement de Jeff Reine-Adélaïde, qu'il a rencontré lundi.

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C’est lorsque le genou subit une torsion anormale et violente que l'un de ces deux ligaments peut se rompre. Cette rupture peut être suivi d’un son sec de craquement qui peut être très déstabilisant et traumatisant psychologiquement pour le joueur. Dans certains cas, la rupture d’un des ligaments croisés provoque même un saignement interne qui va faire gonfler le genou. « Ce genre de blessure survient souvent à la suite d’un manque de concentration dû à la fatigue. On constate généralement un pic de ce type de blessure soit en début de saison ou après une trêve, soit en fin de saison quand les matches s’enchaînent. Après, on parle de fatigue mais elle n’est pas uniquement physique, elle peut aussi être mentale », prévient Jean-Marcel Ferret. Le fait que Depay et Reine-Adélaïde se soient blessés 4 jours après la sixième journée de la phase de poules de la Ligue des champions et après l’altercation qui a suivi avec un groupe de supporteurs lyonnais n’est peut-être pas anodin... Mais une autre explication est apportée par l’ancien médecin des Gones: « les joueurs qui aiment dribbler et accélérer effectuent plusieurs actions avec un fort engagement des genoux. Ils sont donc naturellement des sujets à risque. »

Chez les amateurs, les ruptures d’un des ligaments croisés sont aussi très fréquentes et l’une des raisons pourrait être les terrains synthétiques. « Les premiers terrains synthétiques à Saint-Étienne, dans les années 1975/80, ont provoqué une épidémie de rupture d’un des ligaments croisés. En fait, les pelouses synthétiques de première génération ont tendance à complètement bloquer le pied sur chaque appui. Il n’y pas de glissance, c’est-à-dire que votre pied se bloque complètement sur chaque appui. Sur une pelouse naturelle, quand vous vous arrêtez ou posez un appui au sol, le pied va légèrement glisser grâce à l’humidité de la pelouse au lieu d’avoir un blocage net, qui est dangereux pour les articulations et qui provoque des ruptures du ligament croisé antérieur. Les dernières générations des pelouses synthétiques ont fait beaucoup de progrès et ce phénomène de blocage net a été réduit. Il n’en reste pas moins qu’aucune pelouse synthétique ne permet d’avoir la même efficacité de glissance qu’une pelouse naturelle. Et c’est donc toujours un facteur de risque selon moi, surtout si les joueurs ne jouent pas avec des chaussures adaptées au terrain. » Sur pelouse synthétique, les joueurs doivent privilégier des chaussures avec des crampons AG ou Turf (avec des petits picots). Sur pelouse naturelle sèche, les crampons FG (les crampons moulés) sont les plus adaptés tandis que les crampons SG (les crampons vissés) sont indispensables sur pelouse naturelle grasse.

Comment prévenir ou éviter la rupture d’un ligament croisé ?

Pour prévenir une rupture d’un des deux ligaments croisés, le renforcement des muscles proches des genoux est primordial. « Avoir des muscles ischio-jambiers extrêmement forts et efficaces est un atout contre ce type de blessures car ils permettent de stabiliser le genou, et notamment lors des rotations. Ces muscles doivent aussi être élastiques ou souples. On parle même de muscles raides dans le sens où quand on les étire brusquement, ils doivent pouvoir se contracter très rapidement », explique Jean-Marcel Ferret. Les risques de rupture du ligament croisé antérieur ou postérieur peuvent aussi être accentués par des défauts de position du corps sur les prises d’appuis. Dans ces cas-là, c’est au staff médical d’être attentif et de corriger ces défauts. Jean-Marcel Ferret : « En tant que médecin, c’est notre responsabilité de prévenir le joueur et de lui faire prendre conscience qu’il a un défaut postural ou posturo-cynétique (capacité à conserver l’équilibre, ndlr) sur certains mouvements comme les dribbles, les slaloms, les reprises d’appuis. Il faut lui faire prendre conscience que son schéma corporel n’est pas bon. Et cela peut se corriger via des exercices de kinésithérapie et de musculation. Globalement, les joueurs sont mieux préparés athlétiquement et il y a beaucoup moins de ruptures d’un ligament croisé qu’il y a 20-30 ans. Et cela grâce au travail de prévention et préparation physique continue. »

Comment soigner une rupture du ligament croisé antérieur ?

Après une rupture d’un des ligaments croisés, il existe plusieurs options de traitement. « Chez les patients jeunes et sportifs, on opte généralement pour une chirurgie qui donne les meilleurs résultats en termes de retour au sport et de préservation des ménisques à long terme. La chirurgie est surtout le seul traitement qui permet de restaurer la stabilité nécessaire chez les patients qui font des sports avec rotation comme le football. La rupture du ligament croisé postérieur a un potentiel de cicatrisation », explique le docteur Sonnery-Cottet. Parmi les différentes options, il existe la suture directe du ligament croisé, mais qui ne se pratique quasiment plus tant ses résultats se sont montrés peu efficaces, mais aussi différentes ligamentoplasties, qui sont des opérations qui consistent à remplacer le ligament rompu par une greffe d’un autre tendon proche du genou. Parmi les différentes ligamentoplasties, on peut citer le ténodèse du fascia-lata, la technique de Macintosh (greffe du tendon par prélèvement d’une partie du fascia-lata), la technique Kenneth-Jones (os-tendon-os) ou le DIDT (tendons droit-interne et demi-tendineux). « La chirurgie du ligament croisé antérieur se fait actuellement sous arthroscopie (caméra dans le genou). Techniquement, on prélève donc une greffe (tendons des muscles ischio-jambiers ou tendon rotulien), qui vient remplacer le ligament rompu. On fait aussi un bilan des lésions associées (ménisques et cartilage) qui seront réparées en fonction des lésions. La récupération est longue car elle correspond au temps d'intégration de cette greffe mais aussi à la récupération des déficits musculaires créent par le prélèvement du transplant », précise Sonnery-Cottet.

Même si une opération est très vivement conseillée après ce genre de blessure, certains joueurs ont fait le choix d’aller à contre-courant et de ne pas se faire opérer du tout. Ce fut le cas d’Anthony Réveillère, l’ancien joueur de l’OL, qui avait catégoriquement refusé la chirurgie après sa rupture du ligament antérieur du genou gauche survenue le 22 novembre 2008. « Ce n'est pas une décision prise sur un coup de tête. Personne ne connaît mon corps aussi bien que moi. Je me suis fié à mes sensations. J'ai passé une IRM trois jours avant la date fixée pour l'opération. J'ai constaté qu'il y avait une amélioration et, à partir du moment où la rupture n'était pas totale, c'est qu'il y avait un ligament qui avait encore une fonction. Je suis allé courir plusieurs fois au parc de la Tête-d'Or et lors du dernier footing, j'ai "envoyé" au risque de me "flinguer" un peu plus le genou. Ça s'est bien passé et après en avoir parlé avec le Professeur Moyen (son chirurgien de l’époque, ndlr), j'ai décidé de ne pas me faire opérer », avait confié l’ancien international français aux 20 sélections qui avait pu faire son retour sur les terrains seulement quatre mois après sa blessure et qui n’a pas rechuté jusqu’à sa retraite en 2015. Un renforcement musculaire des autres stabilisateurs du genou pour compenser le rôle du ligament croisé antérieur est possible, mais il faut savoir que ça ne remplacera pas les propriétés proprioceptives très importantes du ligament croisé antérieur qui permettent notamment d’envoyer des informations au cerveau pour la contraction musculaire du genou.

Longue période de convalescence et risques de rechute

Le cas de Réveillère interpelle car il est rarissime. La majorité des joueurs victimes d’une rupture d’un ligament croisé opte pour une opération qui va les éloigner des terrains durant une longue période. « Après l’opération, il faut généralement un minimum de 6 mois avant de revenir sur les terrains. Les chirurgiens préconisent même désormais des périodes de convalescence de 9 mois et, par expérience, je sais qu’il faut en général un an pour que le joueur revienne à son niveau d’avant-blessure. J’ai même constaté que la marge de progression est limitée après ce type de blessure. C’est-à-dire que le joueur blessé peut retrouver son niveau d’avant-blessure, mais il est très rare qu’il devienne meilleur qu’avant », annonce Jean-Marcel Ferret, pour qui un retour de Memphis Depay pour disputer l’Euro 2020 paraît plus que compromis. À l’instar de Réveillère, Mickaël Landreau avait déjoué les pronostics en 2009, en faisant son retour sur les pelouses seulement 3 mois après son opération du ligament croisé antérieur du genou droit. « Généralement, la reprise de l'appui est immédiate après une chirurgie du ligament croisé antérieur. Elle est possible sans attelle mais avec deux cannes. Après un mois, la marche sans canne et le vélo sont possibles. À 3-4 mois, la course est possible. À 6 mois, la reprise des sports peut se faire et, à partir de 9 mois, on peut reprendre la compétition. Il faut savoir que ces délais sont plus courts s’il s’agit d’un sportif professionnel car ils ont une meilleure préparation physique et un suivi régulier. La rééducation, quant à elle, débute autour du dixième jour post-opératoire. Il faut aussi savoir que la période de convalescence diffère un entre une rupture du ligament croisé antérieur et postérieur. Si le traitement conservateur et la rééducation fonctionnent pour le ligament croisé postérieur, la reprise est généralement de trois mois », indique le docteur Sonnery-Cottet.

Mais gare aux joueurs qui souhaiteraient précipiter leur retour, car les rechutes après une rupture du ligament croisé sont nombreuses. « Oui, les rechutes sont fréquentes. Il y a, d’une part, la récidive sur le même genou, mais il y a aussi un autre phénomène récurrent, c’est lorsque l’on se rompt le ligament croisé antérieur de l'autre genou quelques matches après son retour de blessure. Pourquoi ? Parce que souvent le joueur se focalise sur son genou blessé et oublie l’autre. En rééducation, il faut absolument s’occuper des deux genoux. Celui touché mais aussi l’autre. Il y a aussi le phénomène de compensation provoqué par la peur de se reblesser au même genou. On force davantage sur le genou sain pour préserver le genou précédemment touché. L’appréhension joue un rôle majeur dans les rechutes et c’est pourquoi il y a un gros travail de préparation mentale à faire après ces blessures. Il faut bien entourer le joueur dans tous les sens du terme », met en garde Jean-Marcel Ferret. Vous l’avez compris, il faudrait un miracle pour que Memphis Depay soit de retour pour l’Euro 2020 et pour que Jeff Reine-Adélaïde soit prêt pour les JO 2020 de Tokyo. Mais depuis le cas Réveillère, les Lyonnais ne sont plus à un miracle près...

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