Fair-play financier : les clubs de Premier League courent encore un immense danger

Par Jordan Pardon
5 min.
Todd Boehly, le propriétaire des Blues @Maxppp

Pas spécialement réputés pour leur éthique et leur docilité vis-à-vis des règles du fair-play financier, les clubs de Premier League risquent gros pour les années à venir. Après Nottingham Forest et Everton, déjà sanctionnés pour non-respect du PSR ces derniers mois, d’autres formations pourraient connaître un sort similaire.

Pour comprendre que la Premier League vit actuellement sur une autre planète financière que ses voisins européens, pas besoin d’être titulaire d’un doctorat en comptabilité et gestion. Pour les moins courageux, il suffit d’explorer le tableau des plus gros transferts réalisés l’été dernier, où 6 mouvements vers des clubs de Premier League occupent le TOP 10. Caicedo et Rice pour 116 M€ chacun, Gvardiol pour 90, Havertz pour 75, Hojlund pour 73… En remontant encore le fil, on se rend même compte que des clubs de seconde zone restent aujourd’hui bien mieux armés que des membres du TOP 3 français, allemand, ou italien. Wolverhampton, habitué à jouer le maintien ces dernières saisons en Angleterre, s’était par exemple offert l’international brésilien Cunha pour 50 millions d’euros, quand Nottingham Forest, promu en Premier League la saison d’avant, lâchait aussitôt 150 millions d’euros pour remodeler le visage de son effectif.

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C’est de notoriété publique, les clubs de Premier League vivent aujourd’hui de trois sources de revenu principales : les droits TV, estimés à plus de 2 milliards d’euros par saison, les recettes en billetterie, et enfin la vente de maillot, ou par extension tout ce qui a trait à l’aspect marketing et commercial. Depuis 1992, les clubs de l’élite anglaise ont ainsi vu leurs rétributions augmenter de façon exponentielle, avec une croissance évaluée à plus de 2800% selon les chiffres de la BBC. La saison dernière par exemple, Manchester City avait enregistré un gain de 830 M€ sur l’ensemble de la saison grâce à ces trois données (soit 100 millions de plus qu’en 2022), quand Brighton passait la barre des 220 millions. Des chiffres vertigineux, oui, mais aussi trompe l’oeil quant à la conjecture économique que traversent aujourd’hui ces clubs.

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La masse salariale, un sujet qui va encore fâcher

Selon les chiffres de la BBC et de l’expert en finance Kieran Maguire, la masse salariale représenterait aujourd’hui, et de très loin, la plus grosse dépense des clubs de Premier League. La saison dernière, on chiffrait ainsi les frais de personnel de Manchester City à hauteur de 490 millions d’euros. Même Leicester, finalement relégué en fin de saison, dépassait la barre des 200 millions avec de copieux salaires, estimés en moyenne à 100 000€ par semaine. À titre de comparaison, un joueur de Lille touchait en moyenne 95 000€ brut… par mois, la saison dernière, selon les chiffres de Sportune. En l’état actuel des choses, cela ne constitue pour les clubs anglais aucun frein pour leur participation aux compétitions UEFA, le règlement autorisant les clubs à consacrer 90% de leurs revenus aux salaires.

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Mais à partir de la saison prochaine, la donne pourrait changer puisque l’instance du football européen avait récemment acté le passage de cette marge à 80%, puis à 70 pour la saison 2025-2026. La BBC ajoute que la Premier League pourrait également réduire la voilure et voter pour un durcissement de ses règles financières pour les années à venir, alors que les salaires et les indemnités de transfert absorberaient environ 90% des revenus totaux de chaque club de Premier League. Ces derniers mois, Everton s’était déjà vu retirer 8 points pour avoir enfreint les règles du PSR (Profit and Sustainability Rules, le fair-play financier de la Premier League), et Nottingham Forest, 4 points. Sur la pile des dossiers figurent également Leicester, Chelsea et Manchester City, qui attendent toujours de savoir à quelle sauce ils seront mangés. Dans l’hypothèse où les clubs anglais devaient considérablement réduire leurs salaires alloués pour entrer dans les clous, l’EFL craindrait une baisse d’attractivité du Championnat selon le Daily Mail… Un autre danger qui guette la Premier League, même si l’idée de calquer le modèle de la NBA avec une «luxary tax» (un plafond salarial auquel les clubs devraient s’astreindre) avait récemment été évoquée.

Des pertes record pour le football anglais

Cela peut paraître paradoxal, mais lors même que les formations de Premier League dépensent aujourd’hui des sommes faramineuses sur le marché des transferts, leur santé économique n’a jamais été aussi préoccupante. Selon la BBC, de nombreux clubs continuent de perdre de l’argent au quotidien. Kieran Maguire, expert financier, cite notamment l’exemple du magnat russe et ex-propriétaire de Chelsea, Roman Abramovich, qui devait mettre au pot environ 1 million d’euro par semaine, et ce, pendant 19 ans, pour couvrir les pertes du club londonien. Dans la mesure où la valorisation des joueurs suit la loi d’un marché volatile, dérégulé, et ne répond à aucun barème universel, la BBC s’est appuyée sur un tableau des profits et des pertes des clubs de Premier League, sans prendre en compte les opérations liées à l’achat ou à la vente de joueurs. Résultat : on s’aperçoit que Brentford est le seul club de Premier League bénéficiaire (environ 5 millions d’euros en 2023).

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Les pertes globales des 20 clubs de Premier League s’élevaient, elles, à plus d’un milliard d’euros la saison passée. Chelsea a par exemple enregistré plus de 110 millions d’euros de perte, quand le champion d’Angleterre 2016, Leicester, faisait grimper la note à 170. Lorsque l’on prend uniquement en compte les dépenses liées aux transferts, l’addition est bien plus salée chez certains. Arsenal présentait une note déficitaire de 260 millions d’euros, alors que le promu Nottingham Forest frôlait la barre des 200. Au total, ce sont plus de 10 milliards d’euros qui ont été dépensés par les clubs de Premier League en indemnités transferts lors de l’exercice 2022-2023, avec à chaque fois de nouvelles pratiques plus ingénieuses les unes que les autres, à l’image de Chelsea et de ses amortissements. Aujourd’hui, la dette totale des clubs anglais s’élèverait à hauteur de 4,2 milliards d’euros, Tottenham (781 millions) et Manchester United (773 millions) représentant à eux seuls un quart de cette banqueroute… Mais pour se conformer au règlement du PSR, les clubs doivent présenter sur leur bilan comptable annuel des pertes inférieures à 122 millions d’euros sur les trois dernières années… Autant dire qu’on en est très loin pour certains.

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