De gardien de L1 à serial buteur en R3… Baptiste Reynet raconte sa folle reconversion
Gardien référencé en Ligue 1 et en Ligue 2, Baptiste Reynet s’éclate aujourd’hui comme attaquant en Régional 3. L’ex-joueur de Dijon, Nîmes ou encore Toulouse enfile les buts comme des perles depuis la saison dernière.
Pour Baptiste Reynet, passer de gardien à attaquant, c’est un peu comme apprendre un nouveau métier avec les mêmes outils. Fort de 210 matchs de Ligue 1 dans les cages, le natif de Romans-sur-Isère les fait désormais trembler sous les couleurs de l’US Mours (Drôme). La saison dernière, l’ex-portier de Toulouse avait planté 16 pions, s’affirmant comme l’un des grands artisans de la montée historique de son club de cœur en R3.
Capitaine, numéro 9 dans le dos, tireur de penalty et même de coups francs, Reynet se découvre une nouvelle vie sur le terrain, qu’il apprécie intensément. «Pendant ma carrière, je revenais souvent dans la région et j’étais toujours en contact avec le club, les bénévoles, les présidents… J’ai toujours dit que quand j’arrêterai ma carrière, je voudrais jouer attaquant à Mours. J’avais envie de finir sur quelque chose de kiffant pour boucler la boucle. J’ai commencé le foot à Mours, je finirai à Mours», explique celui qui s’est aussi lancé dans le coaching sportif et les entraînements spécifiques pour gardiens / attaquants.
Il n’a pas de pitié pour les gardiens… mais jure ne jamais tenter une panenka en match
S’il jure ne jamais tenter une panenka en match, par respect pour ses pairs, il assure se présenter face aux gardiens de R3 sans états d’âme, sans pitié, sans compassion : «de la pitié ? Ah franchement non, rigole-t-il. S’il faut enfoncer le goal pour marquer, je l’enfoncerai. Mais je vais toujours voir le gardien adverse à la fin du match pour lui souhaiter bonne continuation et parfois échanger. Par contre, il y a un truc que je ne ferai jamais, c’est une panenka. Pour moi, c’est de l’humiliation. Je l’ai vécu aux fins d’entraînement pendant ma carrière quand on s’entraînait aux penalties, et je disais aux joueurs : 'le prochain qui fait une panenka, j’arrête.’ Déjà qu’on plonge comme des cons, alors bon…»
Aujourd’hui, Reynet estime que ses années entre les poteaux lui fournissent une lecture avantageuse lui permettant de mieux appréhender son nouveau poste d’attaquant. Abreuvé aux séances vidéos durant sa carrière pro, il a pu scruter ses adversaires, jusqu’à en absorber leurs secrets. Parallèlement, son vécu de gardien lui permet de maîtriser mieux que personne les faiblesses du poste. «Quand on faisait de la vidéo, j’étais toujours attentif au moment d’observer les attaquants adverses, rembobine le serial buteur. Je regardais les déplacements, leurs zones préférentielles dans la finition… Et en tant qu’ancien gardien, je sais quelles sont les zones dans lesquelles il est plus difficile d’intervenir. Pareil sur les coups francs, où j’analyse plus rapidement comment est placé le gardien, comment est placé son mur, et où il faut placer le ballon.» Pas un hasard s’il compte déjà 3 coups francs depuis la saison dernière.
«Quand j’étais gardien déjà, j’aimais bien en tirer en fin de séance et demander aux joueurs de me mettre des centres pour faire le con aux reprises de volées», lance-t-il en souriant. Il ne partait donc pas de 0 au moment d’entamer sa reconversion sur le terrain, même s’il a dû affiner d’autres paramètres. «Je ne suis pas une flèche, donc j’ai travaillé dos au but, dans mes déviations pour lancer les mecs sur les côtés, dans ma conservation du ballon. Ça n’a pas été facile au début, parce qu’en tant qu’ex-gardien, j’ai toujours été habitué à avoir le jeu face à moi.» Mais Reynet a su élargir ses repères très vite, et le résultat se lit aujourd’hui dans ses chiffres : 4 buts en 6 matchs de R3 cette saison. S’il n’a pas pu atteindre l’objectif collectif "des maillots" en Coupe de France (son club a été battu 5-3 par Beaufort-Aouste d’entrée), ses buts permettent d’entretenir l’espoir de se stabiliser en 8e division française. Un niveau que le club n’avait encore jamais connu… Reynet non plus.
Il se fait régulièrement chambrer sur le terrain et par d’anciens pros
«Ça arrive que je me fasse chambrer en match, même par les adversaires. Des fois, certains me demandent pendant qu’on joue : 'ça ne fait pas trop bizarre de jouer contre nous alors qu’avant, tu affrontais Mbappé et Neymar (rires) ?' Mais la plupart du temps, c’est positif. Ils me disent que ce que j’ai fait est beau». Les chambrages sont aussi légion dans ses DM Instagram lorsqu’il poste les vidéos de ses buts dans sa story après les matchs. «Il y a Julio Tavares, Rémy Cabella, Benjamin Jeannot, Mickaël Le Bihan, Killian Corredor, Anthony Rouault, ou Andy Delort qui aiment bien me taquiner. D’ailleurs, j’ai dit à Delort que si Ajaccio recherchait un pivot, j’étais là pour qu’on forme un duo», se marre-t-il. Un échange de maillot est même prévu entre les deux anciens coéquipiers qui se sont fréquentés à Toulouse en 2017. «Même si Ajaccio est en R2, je connais le club. Lui, je ne suis pas sûr qu’il comprenne quand il va recevoir un maillot de Mours.»
Nolan Roux, qui fait aujourd’hui le bonheur de l’Olympique Fourquésien (D2 de District), a aussi pu lui prodiguer quelques conseils. «C’était déjà un très bon attaquant de L1 (les deux hommes ont évolué ensemble à Nîmes), donc en se retrouvant en amateur, il doit faire un carnage,», rigole Reynet. Il y a quelques semaines, Roux déclarait au micro de Ouest-France : «le foot amateur, c’est très respectueux. Je ne suis pas là pas pour montrer mes talents d’ancien pro. Juste prendre du plaisir en jouant. Aimer ce foot du dimanche. C’est de là que vient la passion.» Un discours dans lequel se retrouve l’ex-gardien : «les émotions en pro et les émotions en amateur, c’est pareil. C’est le foot qui te procure des émotions, pas le niveau. Bien sûr qu’on peut vibrer pour une montée en R3 quand on a connu une montée en Ligue 1 avant. Et à Mours, c’est encore plus particulier, c’est le club d’où je suis originaire.»
Il savoure cette nouvelle vie sans contraintes
Loin des projecteurs et des emplois du temps serrés, le foot amateur lui offre aussi un cadre de vie plus souple, et sans les contraintes d’un quotidien de joueur pro calibré au millimètre. «J’ai gardé une routine de pro, mais quand je veux me faire un McDo un mercredi soir, ou un restau le samedi soir, je peux me le permettre aujourd’hui. Mais si je continue de jouer, ce n’est évidemment pas pour être ballonné parce que je me suis couché tard la veille ou que j’ai mangé une heure avant le match. Non. Je garde un cadre, mais j’ai plus de liberté.» C’est ce qui lui a permis d’assister à la naissance de sa fille un dimanche, ce que le foot pro n’aurait peut-être pas pu lui offrir. Traverser le pays pour un match le week-end ne rythme plus non plus son quotidien.
«Le déplacement le plus long, c’est dans la Loire (Saint-Just-Saint-Rambert, à environ 1h45). Maintenant, je peux assister plus facilement aux mariages des proches, aux baptêmes, aux anniversaires… Quand j’étais à Ibiza, on partait le vendredi en déplacement pour revenir le dimanche à 23h. Aujourd’hui, plus d’entraînement tous les matins, plus de mise au vert, c’est une nouvelle vie». Mais Reynet n’est pas du genre ingrat. Il sait tous les bons côtés qu’il laisse aussi derrière lui.
«Ce qui me manque le plus, c’est l’ambiance des stades, raconte celui qui rêvait des Bleus en 2017 lorsqu’il était nommé parmi les meilleurs gardiens de L1. J’ai toujours kiffé le mouvement ultra, je regarde des vidéos sur YouTube. Nos matchs, comme celui de la montée en R3, attirent pas mal de monde mais on n’a pas de kop à Mours. S’il y a une cinquantaine de mecs qui veulent en faire un, c’est avec plaisir, plaisante-t-il, mais pas trop. Ce qui t’anime aussi quand t’es joueur pro, c’est l’adrénaline. Quand tu arrives au stade avec l’escorte, que tu vas en reconnaissance pelouse, que tu rentres à l’échauffement»… L’adrénaline n’est plus la même, mais le frisson est toujours là. Et c’est ce qui continuera de le guider tant que les cannes répondront.
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