USL Dunkerque : Dimitri Boudaud, le numéro 10 qui tient les clés du camion

Par Augustin Delaporte
5 min.
Dimitri Boudaud lors de la victoire (3-2) face à Quevilly @Maxppp

Encore chauffeur de bus il y a deux mois, Dimitri Boudaud a signé son premier contrat professionnel le 2 juillet dernier, à 33 ans. Alors que le club retrouve le monde professionnel et la Ligue 2 sur le pelouse du Stadium de Toulouse vingt-quatre années après en être sorti, le milieu offensif au club depuis 2009 est au sommet de son art.

Les quelques milliers d'âmes présentes au Stade Marcel-Tribut lors du derby face à l'US Boulogne en décembre dernier ont pu apercevoir un Dimitri Boudaud, les muscles saillants dans son maillot ajusté, envoyer une merveille de caramel de l'extérieur de la surface directement dans la musette de Simon Lugier. D'autres, en prenant le chemin du travail le lundi matin suivant, on peut être été conduits par lui, sans même le savoir. «Je travaillais le lundi matin, avec huit heures de service quand même, de 5 à 13h ou de 6 à 14h, puis j’enchaînais avec l’entraînement l’après-midi», raconte le Dunkerquois.

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Recruté en 2010 dans l’entreprise de transports en commun de son président de l'époque (Jean-Christophe Géhin), un an après son arrivée à l'USL Dunkerque, Boudaud va y travailler jusqu'en juin 2020, dans un relatif anonymat. «C’est déjà arrivé (qu'on le reconnaisse, ndlr) mais pas souvent. Je ne sais pas (pourquoi), ce n’est peut-être pas la même clientèle qui va au stade, et puis je ne le criais pas sur tous les toits. J’ai même des collègues du travail qui ne savais pas que je jouais au foot. On est plus de 250 ouvriers, la plupart ne le savait pas. Je faisais la part des choses, d’autant que je n’aime pas trop me mettre en avant. Je me faisais discret dans l’entreprise», se souvient-il modeste.

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La roue de l'infortune

Le numéro 10 de poche (1m73) passe donc quasiment 10 ans à jongler entre les montées avec l'USL Dunquerke et la descente des rues de la « cité de Jean Bart ». «Je suis arrivé à Dunkerque en 2009, et à l'issue de la première année on est descendu en CFA 2. Comme je me plaisais à Dunkerque et que j’en avais marre de bouger partout pour jouer en CFA, je me suis fait embaucher comme conducteur de bus dans l’entreprise du président de l’époque. Au départ j’étais à plein temps, quand on était en CFA 2 / CFA, puis en montant en National je suis passé à mi-temps, puis quasiment à tiers-temps en travaillant deux jours par semaine. C’est pas évident de concilier les deux. Forcément, il y a moins de récupération, parce que quand je suis au boulot, je ne suis pas en train de récupérer ou de dormir.»

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Le jeune homme de 22 ans, débarqué plein d'ambitions, s'estompe. «Les semaines étaient chargées et les copains me disaient souvent, en m'envoyant un petit snap quand j’arrivais au boulot très tôt le matin : "on va le faire, on va monter, tu seras plus obligé de travailler…"» Au point d'imaginer laisser le football à quai. «J’y ai pensé à un moment. Il y avait un poste au boulot pour être community manager. Je me disais que c’était peut être une bonne opportunité pour moi de ne plus conduire, car faire ça toute sa vie ce n’est pas facile. C’était une opportunité pour rentrer dans les bureaux. Donc j’ai postulé et, finalement, ils ont donné le poste à quelqu’un d’autre… Comme j’avais des horaires à mi-temps, ce n’était pas vraiment compatible, mais ça m’a quand même traversé l’esprit de carrément lâcher le foot pour pouvoir m’investir au boulot où je pouvais avoir un poste un peu plus confortable.»

Touché par la grâce

Jusqu'à cette année. Rétabli d'une pubalgie dont il a été opéré en 2016, associé à des joueurs avec lesquels il a des affinités et sur une pelouse flambant neuve, Dimitri Boudaud revit. «J’ai pris énormément de plaisir l’année dernière. Niveau individuel, c’est la meilleure saison de ma carrière. On produisait du jeu, on s’est régalé avec Momo Bayo (Mohamed Bayo, ndlr) qui était prêté par Clermont, Alexandre Lauray prêté par Bordeaux, Iron Gomis prêté par Amiens, Yvann Maçon qui a été transféré à Saint-Etienne, … On avait une vraie complémentarité. Je sentais que j’avais un rôle important, aussi. Et puis, c’est un petit détail, mais le club a investi dans un nouveau stade avec une pelouse hybride et forcément sur une superbe pelouse on a pu produire du jeu. A l’époque en CFA/CFA 2 c’était pas la même qualité de pelouse et je pouvais moins me mettre en valeur.»

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Une renaissance que les chiffres ne font pas mentir. Auteur de 9 réalisations et 4 caviars, le meneur de jeu est, avec Mohamed Bayo (12 buts, 5 passes) et Guillaume Bosca (11 buts, 5 passes), à l'origine de près de 80 % des buts de son équipe l'an dernier. Dans le jeu, l'impression est même encore plus criante et c'est assez logiquement qu'il a été élu meilleur Dunkerquois de la saison par ses supporters.

Sur un nuage, l'homme de 33 ans a donc mené les siens vers les cieux, un an après avoir échappé de peu à la relégation et après 7 années passées en National. Un exploit monumental qui lui a permis de décrocher son premier contrat professionnel, 15 saisons après ses débuts avec Sedan lors de ce qui reste aujourd'hui ses 20 seules minutes en Ligue 2. «C’est énorme. C’est un rêve qui se réalise. C’est l’aboutissement de beaucoup de sacrifices, de beaucoup d’années de galère. Pouvoir signer ce premier contrat pro c’est symbolique. J’ai enfin la possibilité de vivre à 200 % du foot», livre-t-il ému.

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De ce vécu découle une envie sans faille, le TFC est prévenu : «c’est excitant. C’est un match comme je n'en ai jamais joué dans ma carrière. On a hâte, on arrive avec la dalle. Le coach aime bien nous dire qu’on va se présenter à la Ligue 2. On ne vient pas sur la pointes des pieds, on a une équipe assez mature, donc on ne va pas arriver avec de la pression. On ne sera pas timorés. Tout en les respectant, on n’est pas là pour se faire marcher dessus». Ni rouler d’ailleurs.

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