Jongler entre sa vie professionnelle et sa carrière de footballeuse à Juvisy, voici ce qu'a réalisé avec succès Nadia Benmokhtar durant des années. Hyperactive, la milieu de terrain âgée de 29 ans vient tout juste de raccrocher les crampons. La raison ? Elle a fraîchement été nommée Responsable sponsoring de la marque KFC. Un nouveau défi que cette femme appliquée et impliquée n'a pas hésité à relever elle qui a toujours fait passer son plaisir avant tout. Pour Foot Mercato, elle revient sur son parcours hors norme tout en évoquant ses nouvelles responsabilités.
Foot Mercato : Comment avez-vous commencé le football ?
Nadia Benmokhtar : Comme tous les enfants, j'ai commencé à jouer avec les copains dans la cour d'école. En plus, mon père était footballeur professionnel en Algérie. Il était milieu de terrain. Il m'a un peu transmis le virus. Ensuite, j'ai un peu copié sur ma soeur qui voulait faire du foot en club. Du coup, je m'y suis mise aussi. J'avais 7 ans quand j'ai pris ma première licence. Vu que j'étais Parisienne, j'ai trouvé un club tout de suite là où la plupart des filles jouaient dans des équipes mixtes. J'ai joué à la VGA Saint-Maur où je suis restée dix ans.
FM : Le foot est une vraie passion familiale. Votre père vous donnait-il des conseils ?
NB: Tout le temps. Même encore maintenant sur les derniers matches où il venait. J'avais la chance d'avoir un père qui avait un regard objectif. Il savait dire quand c'était bien et quand c'était moins bien aussi. Il donnait de très bons conseils.
FM : Pouvez-vous nous raconter votre parcours plus en détail ?
NB : J'étais à la VGA Saint-Maur de 7 à 17 ans. À l'époque, c'était un peu le club qui était en haut de l'affiche avec Juvisy. J'ai rejoint ensuite Compiègne où j'ai joué en D2 puis en D1. C'est une équipe qui a fait un peu l'ascenseur entre les deux divisions. J'y suis restée 5 ans. À ce moment-là, j'ai croisé la route de Gaëtane Thiney qui est aujourd'hui une très bonne amie. On s'est suivi à Juvisy. Mais avant d'y aller, j'ai fait un détour par Bagneux où j'ai joué en D2. C'était à une période où j'étais en école de commerce, donc pas mal occupée par mes études. Je ne pouvais pas tout faire en même temps. Après deux ans à Bagneux, je me suis dit pourquoi pas Juvisy. C'était un pari parce que je n'étais pas internationale, je n'avais pas joué dans de grands clubs. Quand on arrive à Juvisy, c'est un peu impressionnant. Finalement, je n'ai jamais regretté car ça s'est très bien passé.
Un élément important dans le vestiaire de Juvisy
FM : Quels sont les objectifs du club cette saison ?
NB : Les objectifs de début de saison étaient de conquérir un titre ou au moins la Ligue des Champions. Malheureusement, pour le titre c'est raté comme on s'est fait éliminer de la Coupe de France. Le club avait pour objectif de terminer parmi les deux premier en championnat et faire quelque chose en coupe. Notre bilan n'est pas très positif à ce niveau-là. Le but maintenant est de terminer la saison correctement et de garder cette troisième place parce que symboliquement d'être sur le podium devant des clubs professionnels, c'est très important pour Juvisy. Il faut continuer à travailler pour l'année prochaine car le but sera toujours de reconquérir la Coupe d'Europe et de gagner des titres.
FM : Vous êtes arrivée en 2010 à Juvisy et vous n'avez plus changé d'équipe. Que représente ce club pour vous ?
NB : Il y a deux choses. Au point de vue footballistique pur, le fait d'avoir connu l'exigence maximum et d'avoir côtoyé des joueuses qui figurent parmi les meilleures joueuses de France et du monde. Quand on a la chance de s'entraîner tous les jours avec Gaëtane Thiney, Sandrine Soubeyrand, pour ne citer qu'elles, dans des conditions quasiment professionnelles, c'est quelque chose de marquant. Ce que je retiendrai surtout, ce sont les aventures humaines. En 5 ans, on a vécu de super moments. J'ai fait deux Coupes d'Europe, un 1/4 de finale de Ligue des Champions et une 1/2 finale. C'est quelque chose de marquant parce que je n'avais pas vécu d'aventures internationales avant cela. Ce sont de très bons souvenirs.
FM : Qu'apportez-vous à cette équipe ?
NB : Je pense que mes plus grandes qualités étaient mes qualités tactiques en termes de placements et de déplacements défensifs. J'étais une milieu récupératrice. Pour passer un cap, ce qu'il me manquait justement c'était cette dose de créativité en plus qui fait que les grands numéros 6 arrivent à avoir un vrai impact sur le jeu. (...) Sur le terrain, je n'étais pas forcément une cadre technique parce que je n'ai pas toujours été titulaire. Je l'ai été parfois. J'ai été beaucoup remplaçante donc mon temps de jeu à Juvisy lors des différentes saisons, a été mitigé. Je ne peux pas m'affirmer comme un leader sur le terrain parce que ce n'est pas le cas. Par contre, il est vrai que j'avais un certain rôle dans le vestiaire au niveau de l'encadrement des filles, en étant un peu plus âgée. Je suis quelqu'un qui m'entend très bien avec tout le monde. Ca permettait de faire du lien, de mettre un peu d'ambiance. Juvisy est un club très familial et ce qui est bien chez nous c'est que toutes les joueuses, peu importe leur âge ou leur statut, arrivent à trouver leur place.
Épanouie professionnellement
FM : À côté de votre carrière de footballeuse, vous êtes aussi une femme active. Quelles études avez-vous fait ?
NB : J'ai un BAC +5. J'ai fait des études de Marketing, spécialisées dans le Marketing sportif. Je fais partie d'une génération de joueuses où les filles qui jouaient avec nous, même les meilleures, n'étaient pas pros. Dans ma tête, concernant le foot même si j'avais un niveau d'exigence maximum, je n'ai jamais eu pour objectif d'en faire mon métier puisque ça n'existait pas. Je viens d'une famille avec une mère proviseur et un père qui est un intellectuel aussi, donc c'était sûr que foot ou pas foot, de toute façon le côté scolaire et professionnel passerait avant tout.
FM : Vous avez eu des expériences professionnelles enrichissantes...
NB : J'ai commencé par quelques stages et quelques expériences dans le Marketing sportif. J'avais travaillé pendant près de deux ans à la FFF. Ensuite, j'ai quitté la FFF pour rejoindre Carrefour où j'étais en charge du sponsoring. C'est notamment l'un des sponsors du foot mais aussi du Tour de France. J'y ai travaillé pendant quatre ans. Je travaillais sur l'activation de tous les partenariats sportifs. J'avais la chance en plus d'avoir un emploi du temps aménagé. J'avais un accord qui me permettait de quitter mon poste tous les jours à 16h30 afin de pouvoir m'entraîner avec Juvisy à 17h30. Ça a été une super opportunité pour moi. J'ai pu m'affirmer professionnellement, progresser et prendre de l'expérience tout en continuant à jouer et faire des performances sportives à côté. J'ai été dans cette configuration pendant quatre ans et ça m'a permis de pouvoir m'épanouir complètement sur les deux plans. Je pense que c'est très important pour une joueuse. C'est un modèle qui correspond tout à fait à Juvisy.
FM : Depuis peu de temps, vous avez pris de nouvelles responsabilités. Pouvez-vous nous en dire plus ?
NB : Là où forcément cela prend ses limites, au bout de quatre ans au même poste dans la même entreprise, j'avais envie d'évoluer. À partir d'un moment, si on veut changer d'entreprise c'est pour prendre des responsabilités plus importantes. On ne peut pas se permettre de faire l'impasse sur les horaires. J'avais besoin de me rendre beaucoup plus disponible. Ça fait un mois que je suis devenue Responsable sponsoring de la marque KFC. La marque de fast food sponsor des Equipes de France et qui est l'un des grands partenaires de la FFF. J'ai fait le choix de donner la priorité à mon évolution professionnelle. Donc ça passait par un arrêt de la compétition car c'était trop prenant. De toute façon, comme j'ai bientôt 30 ans, ça correspondait à une fin de carrière prochaine.
Toujours impliquée à Juvisy
FM : On sent que votre expérience de footballeuse vous aide aussi dans votre vie professionnelle...
NB : Déjà, il y a le lien avec le foot parce que c'est aussi lié à mes études. J'ai fait des études spécialisées dans le secteur sportif. J'ai souvent allié les deux. Au niveau des contacts, il est vrai qu'il y a peut-être des moments pour travailler à la FFF ça a été un avantage que je sois une joueuse de foot. Pour aménager mes horaires de travail à Carrefour, ça a aussi été un avantage que ce soit un partenaire de Juvisy. J'ai fait ce qu'il fallait d'un point de vue scolaire et professionnel pour avoir un boulot qui me plait. Le foot a été un élément facilitant pour trouver mon travail. Juvisy est un club qui a une vraie politique d'accompagnement. C'est l'un des objectifs du club de faire que leurs joueuses se sentent bien professionnellement. Ca a toujours été étroitement lié.
FM : Vous imaginez-vous avoir une reconversion dans le football ? Revenir plus près des terrains ?
NB : C'est déjà fait. Je m'éloigne un peu des terrains parce que je ne veux pas être dans l'entraînement sportif. Vu que j'ai des compétences en management et en marketing dans le sport, j'ai décidé de les mettre au service de Juvisy. C'est un club qui m'a beaucoup apporté et c'est le minimum de rendre ce qu'on m'a donné. J'ai pris des fonctions au sein du club. Je suis directrice générale adjointe. Je vais travailler en soutien de Marie-Christine Terroni qui est la présidente; et de Marinette Pichon, qui est directrice générale. L'idée, c'est de leur donner un coup de main dans le fonctionnement du club. Je suis notamment en charge de tout ce qui concerne l'équipe de D1. J'encadre l'équipe sur certains déplacements. Ce n'est pas une fonction très précise. C'est plus un rôle de soutien dans le fonctionnement. La transition a été très rapide. Ça va être un test sur la fin de la saison. Je serai encore plus impliquée l'année prochaine.
FM : Vous avez une vie bien remplie. Est-ce que cela vous laisse du temps pour votre vie privée ? Pensez-vous à la maternité ?
NB : Forcément, j'y pense. Après, tant que j'étais joueuse je ne me posais pas trop la question. Là, ce n'est pas le bon moment. J'ai plein de transitions en cours au niveau professionnel et social. Je dois me stabiliser là-dessus. Ce sera un projet. Mais tout est une question de priorisation. Quand ce sera le bon moment, je ferais en sorte d'aménager mon emploi du temps pour que ce soit compatible.