La Supercoupe, la nouvelle compétition qui fait polémique en Espagne

Par Max Franco Sanchez
6 min.

Mercredi soir, la rencontre entre le Real Madrid et Valence lancera cette Supercoupe d'Espagne 2020, organisée à Yeda en Arabie Saoudite. Une compétition qui fait polémique en Espagne, pour de nombreuses raisons.

Cet été, le Barça - champion national - et Valence - vainqueur de la Copa del Rey - ne se sont pas affrontées avant le début du championnat, comme il était coutume en Espagne pour la Supercoupe. Un trophée des champions qui s'est longtemps joué en aller-retour au mois d'août, avant de passer dans un format de match unique. Cette année, la Fédération Espagnole de Football a vu les choses en grand, et a décidé d'organiser un tournoi sous forme de Final Four, avec deux demi-finales et une finale. Sont qualifiés le vainqueur de la Liga, celui de la Copa del Rey, ainsi que le deuxième et le troisième du dernier championnat, à savoir le FC Barcelone, Valence, l'Atlético de Madrid et le Real Madrid. Une décision prise par le sulfureux président de l'institution qui régit le football ibérique, Luis Rubiales, et qui fait couler beaucoup d'encre de l'autre côté des Pyrénées. Premièrement, car ce nouveau format dénature la compétition, dans la mesure où les deux équipes de Madrid n'ont gagné aucun titre leur permettant, de base, de prétendre à ce trophée. Une petite injustice vis-à-vis du Barça et de Valence donc, selon bon nombre de supporters du moins.

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Ensuite, l'organisation d'un tel tournoi en plein mois de janvier est vivement critiquée. Les quatre équipes, toutes qualifiées pour les huitièmes de finale de la Ligue des Champions, font ainsi face à un calendrier surchargé, et doivent déjà composer avec des nombreux pépins physiques dans leur effectif. Les Merengues, privés de leur trio offensif Hazard-Bale-Benzema à cause de blessures, vont ainsi enchaîner tous les trois jours pratiquement jusqu'au premier week-end de mars et ce Clasico, avec des rencontres très importantes comme un derby madrilène, un match face à Séville et le match aller des huitièmes de Ligue des Champions face à Manchester City. Même cas de figure pour les trois équipes engagées, où plusieurs joueurs sont également absents pour ce tournoi : Ter Stegen, Dembélé et Arthur pour les Catalans, Rodrigo Moreno pour les Ches et Diego Costa et Thomas Lemar pour les Colchoneros. Autant dire qu'avec toutes ces absences, la compétition perd déjà un peu de sa saveur. Si les quatre entraîneurs devaient tout de même aligner des équipes plus ou moins titulaires, reste à voir l'intensité qui sera déployée sur le terrain. Seul point "positif", cette Supercoupe ne perturbera pas la Liga puisque c'est une journée de Copa del Rey qui se dispute ce week-end, et les quatre équipes impliquées sont automatiquement qualifiées pour le prochain tour.

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Une délocalisation polémique et des enjeux financiers conséquents

Mais surtout, c'est la délocalisation en Arabie Saoudite qui a du mal à passer. Premièrement, pour des raisons évidentes liées à la distance géographique et à l'organisation d'une compétition loin du territoire espagnol, ce qui est déjà considéré comme intolérable par les supporters. Depuis des années déjà, les supporters des équipes espagnoles se sentent lésés et maltraités par les institutions et les clubs, notamment à cause des horaires de la Liga et des prix trop élevés des places, et cet événement ressemble clairement à une goutte d'eau qui fait déborder le vase. Mais surtout, parce que cette Supercoupe se disputera dans un pays qui ne respecte pas les droits de l'homme. Il ne faut pas oublier qu'en 2018, la rencontre entre Séville et le Barça s'était jouée à Tanger, au Maroc, ce qui avait aussi fait s'élever quelques voix, mais rien de comparable à ce qui se passe aujourd'hui. Des associations sont montées au créneau pour dénoncer la complicité de la Fédération avec le régime saoudien, alors que la TV publique espagnole, qui diffusait habituellement la Supercoupe, a refusé d'enchérir cette année. Même si la Fédération Espagne a imposé que les femmes puissent avoir accès au stade, la Cadena COPE dévoilait par exemple que les journalistes espagnoles qui couvrent la compétition n'ont pas le droit d'utiliser les piscines et les salles de sport des hôtels dans lesquels elles séjournent.

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La délocalisation des rencontres est devenue la véritable lubie du football espagnol, et la décision de jouer cette Supercoupe en Arabie Saoudite est d'autant plus paradoxale que Luis Rubiales n'avait pas hésité à dézinguer le président de la Liga Javier Tebas lorsque ce dernier a tenté d'exporter des rencontres de championnat aux États-Unis. La justification du président de la Fédération n'a été autre que celle de vouloir aider l'Arabie Saoudite dans son processus de modernisation et d'ouverture au monde via le football, avec notamment l’organisation d’une compétition de football féminin dans le pays du Golfe. Quoi qu'il en soit, les enjeux financiers sont pour le moins conséquents, à l'heure où le football espagnol tente par tous les moyens de trouver de nouvelles sources de revenus. La Fédération a ainsi perçu 120 millions d'euros lorsqu'elle a signé son contrat avec le pays pour l'organisation du tournoi sur trois ans. Les clubs vont également pouvoir remplir leurs caisses avec de belles sommes récoltées.

Une compétition qui ne passionne pas les foules en Espagne

Le FC Barcelone et le Real Madrid toucheront rien que pour leur participation six millions d'euros chacun, l'Atlético trois millions et Valence un peu plus de 2,7 millions d'euros. Des sommes supplémentaires seront débloquées en fonction des résultats, et les deux premiers cités peuvent donc toucher jusqu'à 11,5 millions d'euros en cas de titre. Même la répartition des sommes - basée sur le palmarès et l'attractivité médiatique des clubs - fait polémique, puisque du côté de Valence, on se sent logiquement lésé. Si les dirigeants des clubs voient donc un intérêt financier indéniable dans cette compétition, les supporters eux sont bien moins enthousiastes. La preuve, seules 9% des 12.000 places mises en vente par les quatre clubs espagnols ont trouvé preneur ! 700 Merengues feront le déplacement, accompagnés par 300 Barcelonais, 50 Colchoneros et 26 Valencians. Mais si on prend en compte la distance, le prix du déplacement et des places et le fait que les demies se disputent en pleine semaine, n'était-ce pas prévisible ?

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Un échec en Espagne... mais un sacré succès en Arabie Saoudite. Le Barça-Atlético de jeudi se jouera ainsi à guichets fermés puisque les 62.000 places disponibles ont trouvé preneur, alors qu'il ne reste que quelques milliers de billets disponibles pour la rencontre entre le Real Madrid et Valence de mercredi. Les places pour la finale de dimanche, dont on ne connaît pas encore les participants, ont déjà commencé à se vendre comme des petits pains. Un succès que la Fédération n'a pas hésité à mettre en avant sur ses réseaux sociaux. Il ne reste donc plus qu'à attendre pour voir si cette première édition de la Supercoupe d'Espagne 2.0 sera une réussite, mais une chose est sûre, quel que soit le spectacle proposé par les stars présentes sur la pelouse (et elles seront nombreuses), la délocalisation de ces rencontres aura toujours du mal à passer chez les supporters privés de ces belles affiches de leur club de cœur...

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