Entretien avec… Eric Carrière : « Les Benzema, Ben Arfa, Ménez, cherchent l’exploit technique »

Par Khaled Karouri
7 min.
Eric Carrière vous dévoile son onze de rêve @Maxppp

Ancien joueur de Nantes, de l'OL, de Lens, et international tricolore, Eric Carrière a tout connu, au cours d'un parcours footballistique atypique. Pour Foot Mercato, celui qui est désormais consultant évoque sa reconversion, et jette un regard lucide sur le football actuel.

**Foot Mercato : Vous avez raccroché les crampons en 2010, après une dernière expérience à Dijon, affichant clairement votre souhait de rester dans le football. Pourquoi ce choix ?

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Eric Carrière :* Le football, c'est ma passion. Continuer dans le milieu du football, ce n'est même pas un choix (rires). Quand tu es passionné, c'est pour la vie. J'ai passé mes diplômes d'entraineur, je viens d'obtenir mon diplôme de manager général au CDES à Limoges (avec mention Très bien, Ndlr). Et quand je jouais encore à Lens, Canal+* m'avait dit que j'avais le profil pour être consultant, et m'avait demandé si je pouvais être intéressé. Je leur avais dit pourquoi pas, puis j'ai fait un essai après mon expérience à Dijon, et maintenant ça fait trois ans et demi, et ça se passe de mieux en mieux.

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**FM : Vous êtes consultant, vous avez passé vos diplômes d'entraineur et de manager général. Quel était votre but initial ?

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EC :** Quand j'ai passé mes diplômes d'entraineur, au tout début, je pensais que j'allais enchaîner rapidement par ce métier. Mais, plus ma carrière se terminait, plus je pensais que j'avais besoin de souffler, pour mon équilibre familial aussi. J'ai donc aussi une activité de vente de vin, j'ai investi dans des restaurants à Dijon. Je suis donc resté dans la bulle football avec mon activité de consultant, mais j'en suis aussi sorti et je trouve que ce n'est pas plus mal. Du coup, j'ai de moins en moins envie de repartir dans un club, avec les contraintes notamment familiales qu'il peut y avoir.

**FM : Rentrer dans un club n'est donc plus un objectif à court terme ?

EC :* Oui, c'est ça. J'ai signé avec Canal+* pour trois ans, donc ça me convient très bien. Je ne suis pas en recherche de poste dans un club, ce qui me permet d'avoir une totale liberté dans mes analyses, mes idées. Ce parcours de consultant, c'est comme quand tu es joueur, il faut faire tes preuves, faire tes matches, pour devenir titulaire (rires). Plus ça va, plus ça me plait, plus je recherche des idées au niveau de mes commentaires.

**FM : Est-ce enrichissant aussi, pour un ancien joueur, de passer de l'autre côté de la barrière ?

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EC :* Oui, c'est intéressant, comme d'autres métiers d'ailleurs. Concernant les clubs, j'ai toujours été très demandeur auprès des présidents et directeurs sportifs pour savoir comment ça se passait. Du côté des médias, je ne savais pas trop, même si j'avais participé à des émissions, j'avais été interviewé. Mais commenter un match, participer au Canal Football Club, ce n'est pas anodin. Il y a des façons de s'exprimer, d’intervenir, et ce n'est pas si facile que ça. Dans le CFC*, il faut être concis, parler pour faire en sorte que le public le plus large possible puisse comprendre.

**FM : Ce rôle de consultant a aussi été l'occasion de voir l'évolution du football. Quelles différences notez-vous entre le football actuel et celui de votre époque ?

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EC :** Le joueur a évolué. Avant, il y avait des joueurs endurants ou rapides, maintenant beaucoup de joueurs ont les deux. Au niveau athlétique, ça devient dur pour ceux qui n'ont pas d'explosivité. Mais c'est logique, l'homme évolue, devient plus fort. Je pense qu'il y a une évolution des entraîneurs aussi, qui sont plus formés qu'avant, c'est donc encore plus tactique, notamment au niveau défensif. Ça commence aussi à venir offensivement, avec notamment la domination du FC Barcelone qui a inspiré beaucoup d'équipes. On voit aussi des entraîneurs étrangers venir en France, comme Claudio Ranieri à Monaco. C'est une évolution positive. En tant que consultant, on essaie d'ailleurs d'analyser plus qu'avant la tactique. On parle de plus en plus de projet de jeu, et ça c'est intéressant.

**FM : Notez-vous également une évolution comportementale du footballeur ?

EC :** Oui, bien sûr. Le footballeur est plus égoïste, mais c'est pareil dans la vie de tous les jours. Pour prendre souvent les transports, les gens n'en ont rien à faire de ce qui se passe autour d'eux. Le footballeur reflète ce qui se passe dans notre société, c'est partout pareil. Les gens pensent à leur intérêt personnel, et en football c'est aussi lié à la surmédiatisation. Il y a plus de sites internet, de chaînes de télé, plus d'argent, et le footballeur sait qu'en marquant on le verra plus. C'est aussi aux entraîneurs et aux consultants de valoriser ce qui fait le football, les valeurs collectives.

**FM : Pensez-vous qu'en France, le comportement des footballeurs est beaucoup trop pointé du doigt ?

EC :** Je pense que le problème vient du comportement. Moi, le premier, je ne suis pas dur sur le jeu des joueurs dans mes analyses. Mais sur le comportement, notamment extra-sportif, il y a des choses que je trouve hallucinantes. Si tu fais ce métier, tu dois être passionné, et en Ligue 2 j'ai vu des joueurs n'ayant pas envie de s'entraîner. Tout ce qui est comportement contre l'arbitre, le club... Je peux être très dur, car je trouve ça illogique. Et puis c'est rassurant de voir que les gens réagissent face à ces comportements. Quand on voit tout ce qui s'est passé depuis 2010 et Knysna, les sondages ne sont pas anodins. Et puis, il ne faut pas se leurrer, quand tu as des résultats, certains mauvais comportements sont tolérés, alors qu'il ne faudrait pas. C'est ce qu'ont réussi à faire les Allemands, avec une grande discipline et un football collectif. Ça m’embête d'ailleurs de parler de football collectif, car ça devrait être une évidence.

**FM : Trouvez-vous donc, qu'en France, le football n'est pas assez collectif ?

EC :** Sans vouloir faire du tort à la DTN, on a formé en France pendant des années les joueurs individuellement, mais on en est revenus. On forme maintenant des équipes, on forme les joueurs pour qu'ils s'expriment en équipe. Avant, on leur apprenait à faire des dribbles, des petits ponts. On voit la génération des Benzema, Ben Arfa, Ménez, qui cherche l'exploit technique. Alors, c'est bien d'être en capacité de le faire, mais ce n'est pas ça la vérité. La vérité, c'est d'être efficace, c'est ce que faisait Zidane, des gestes techniques mais pour l'efficacité, pareil pour Pirès, Henry. Je me souviens, à Lens, les jeunes arrivaient à peine et ne comprenaient pas pourquoi ils ne jouaient pas en pro. Ils se pensaient plus forts que les joueurs en place, alors qu'ils n'avaient jamais joué. Avant de penser ça, il faut peut-être commencer par faire deux-trois saisons, il ne faut pas sauter les étapes.

**FM : Voyez-vous maintenant les choses revenir à la normale ?

EC :** Oui, ils leur font travailler le physique, mais avec des parties jouées, pour laisser les joueurs trouver les solutions par eux-mêmes. On leur met des problématiques tactiques et, s'ils ne trouvent pas, on les questionne pour leur permettre de comprendre. Avant, c'était plus directif, tu n'amenais pas le joueur à réfléchir. Dans les diplômes d'entraineur, il y a cette évolution, j'espère que ceux qui sont nommés entraîneur utilisent ça ensuite.

**FM : Votre carrière a été quelque peu atypique, vous n'avez pas fait de centre de formation. Pensez-vous qu'un joueur, aujourd'hui, peut encore connaitre une telle trajectoire ?

EC :** Oui. Je fais partie d'une catégorie de joueurs qui avait besoin de passer par une progression régulière, par un niveau amateur. Plutôt que de dire que les clubs ne m'ont pas repéré, je me dis qu'à cette époque je n'étais certainement pas repérable, et que si j'étais passé plus vite dans un club pro, je ne serais peut-être même pas passé. Je suis passé par la Promotion d'Honneur, la DHR, la DH, le National, le CFA2, le CFA, puis la Ligue 1 petit à petit. Mais à 19 ans, je n'avais pas le niveau pour la Ligue 1. Toulouse ne m'a pas recruté, mais je ne leur en veux pas, je pense que moi-même je ne me serais pas recruté (rires) !

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