Le Shakhtar Donetsk règle violemment ses comptes avec la FIFA et plusieurs clubs

Par Dahbia Hattabi
5 min.
Le Shakhtar à l'entraînement @Maxppp

Demain soir, le Shakhtar Donetsk va défier le Real Madrid en Ligue des Champions. L'occasion pour le directeur du football Darijo Srna de raconter le quotidien de son équipe qui doit jongler depuis plusieurs mois entre les terrains de foot et la guerre. Morceaux choisis.

Plus qu'un match. Demain soir, le Shakhtar Donetsk jouera bien plus qu'une rencontre de Ligue des Champions face au Real Madrid. Outre le résultat, l'objectif sera d'envoyer un message fort à l'Europe et au monde entier en montrant que le club est encore debout malgré la guerre qui se déroule depuis des mois et même des années entre l'Ukraine et la Russie. C'est le troisième conflit que vit d'ailleurs Darijo Srna, ancien joueur du Shakhtar devenu directeur du football à présent. «En 1991 en Croatie, en 2014 à Donetsk et maintenant dans toute l'Ukraine», a expliqué le Croate dans les colonnes de Marca.

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L'occasion pour lui de raconter le quotidien d'une formation forcément pas comme les autres. «Le début a été un désastre. On était à Kiev avec l'équipe et on s'est occupé de tout organiser, notamment avec les joueurs étrangers. Certains sont partis en voiture, d'autres en train...Nous sommes une équipe sans adresse fixe et c'est le plus douloureux. Nous avons joué à Lviv, à Odessa, à Kharkov, maintenant la Ligue des Champions à Varsovie... Ma fille m'appelle et je lui dis qu'un jour où je serai à Kiev, le lendemain à Londres... Parfois, je me réveille et je ne sais pas où je suis.»

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Une équipe sans stade fixe

Il poursuit : «samedi, nous avons joué contre le Metalist, les alarmes ont sonné avertissant d'une éventuelle attaque et nous avons dû retourner aux vestiaires pour reprendre le match 15 minutes plus tard. Nous devons changer d'hôtel, de bus, nous nous entraînons avec des sirènes, nous voyageons avec des sirènes ... C'est notre vie aujourd'hui et nous devons l'accepter. Nous devons être un exemple, tout comme l'armée l'est pour nous. Nous jouons pour nos fans et pour l'Ukraine. Je suis fier de cette équipe. Pour moi, ce sont des héros».

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Des héros qui ont dû réaliser un long voyage pour se rendre dans la capitale espagnole et y jouer le match de C1. «Aujourd'hui [hier] nous nous entraînons, puis nous avons 7-8 heures de bus pour la Pologne car il n'est pas permis de voler depuis l'Ukraine et, plus tard, 4 heures d'avion. Nous avons une vie difficile, mais aucun joueur à aucun moment ne s'est plaint ou n'a dit qu'il était fatigué». Fier de ses hommes, Darijo Srna a profité de cet entretien pour régler quelques comptes. La FIFA est notamment dans sa ligne de mire.

Srna tacle la FIFA et certains clubs

«L'UEFA, à travers Ceferin, a fait tout ce qu'elle pouvait pour nous aider, nous et le football ukrainien. La FIFA, en revanche, nous a détruits. Elle ne nous a protégés à aucun moment. Si le Real Madrid, Séville, Barcelone ou le Bayern avaient été dans notre situation, je suis sûr qu'ils les auraient aidés rapidement. Nous aussi, nous sommes une équipe et nous avons beaucoup donné au football européen au cours des 20 dernières années. J'aimerais que quelqu'un de la FIFA vienne en Ukraine, vive avec nous et d'autres équipes et ressente ce que c'est comme vivre avec des sirènes et des bombes».

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Le dirigeant du Shakhtar ne comprend pas non plus la décision de la FIFA qui avait libéré gratuitement les joueurs étrangers après le début de guerre. «Nous avions 14 étrangers dont la valeur marchande était comprise entre 150 et 200 millions d'euros et ils ont été autorisés à sortir en prêt sans geler leurs contrats. Salomon et Tetê avaient un an et demi sur leur contrat, ils sont allés à Fulham et à Lyon et à leur retour, il ne leur restera plus que six mois pour être libres. C'est inacceptable (...) Tout le monde a dit qu'ils allaient nous aider, qu'ils ne voulaient pas nos joueurs gratuitement... mais il y a des équipes qui ont profité de notre situation. Il ne se passe rien. La vie est longue et c'est comme un boomerang, tu le lances et cela vous revient».

Le dirigeant est fier de ses "héros"

Le Shakhtar, qui a perdu plusieurs joueurs brésiliens (Tetê, Neres, Dodo, etc...), tente de tenir le coup. «On a peut-être perdu une certaine identité, mais Mudryk est meilleur que tous les Brésiliens qui sont passés par ici». Il a aussi félicité Lassina Traoré, seul joueur étranger à être resté au sein d'une formation en chantier. Personne ne croyait qu'on rejouerait, on ne savait pas ce qu'il adviendrait des équipes... Bon, on a perdu 14 joueurs, on ne garde que 2-3 titulaires par rapport à il y a un an... mais nous avons créé une bonne équipe, très jeune, avec un entraîneur très ambitieux (Igor Jovicevic). Lors du succès 6-1 contre Metalist, pour la première fois en 20 ans, nous avons aligné 11 Ukrainiens dès le départ et 90% venaient de notre Académie.

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De quoi rendre fier un club qui se reconstruit jour après jour. Leader du championnat avec 13 points (4 victoires, 1 nul), le Shakhtar, qui a débuté sa campagne de Ligue des Champions par un succès contre Leipzig et un nul face au Celtic, prouve qu'il est toujours là.« Lorsqu'il a été annoncé que nous entrions directement dans la phase de groupes, beaucoup de gens s'attendaient à ce que nous ne marquions aucun point. "Ce n'est plus le même Shakhtar qu'avant", ont-ils dit. C'est logique. Nous avons perdu 14 joueurs et notre technique staff, mais quand même, on est en Ligue des champions et on a quatre points. Aller en huitièmes de finale serait incroyable, mais c'est difficile».

Les Ukrainiens n'ont rien à perdre

Il a ajouté : «cette équipe a du caractère et du courage. Nous n'avons peur de personne (...) Nous avons un président exemplaire. Il avait ses affaires à Donetsk puis a subi un attentat à Marioupol. Il a perdu plus que quiconque, entre 10 et 15 milliards... mais le Shakhtar, c'est sa passion, sa vie, sa famille. Il paie les salaires à temps. Il nous appelle tous les jours pour voir comment va l'équipe... Je suis fier de travailler avec lui depuis plus de 25 ans (...) Nous espérons retourner à Donetsk. Nous y croyons. Nous continuerons à nous battre pour cela... et nous vaincrons». Un message fort de la part de Srna, qui a prévenu les Merengues. «Ce sont les favoris, mais nous voulons montrer notre football et, j'insiste, nous n'avons rien à perdre». Le message est passé !

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