De la guerre en Ukraine à protégé de Pep Guardiola, l’incroyable destin d’Oleksandr Zinchenko

Par Aurélien Macedo
7 min.
Oleksandr Zinchenko dans le viseur du FC Barcelone @Maxppp

Parfois le football se joue sur des détails. Souvent il dépend de la volonté et de la persévérance. Oleksandr Zinchenko en est un exemple concret. Suite à la guerre du Donbass, il a vu sa carrière être remise en question. Devant fuir pour la Russie et le FK Ufa, le milieu offensif a vu Manchester City se présenter à lui rapidement. Bloqué avec les Sky Blues, il s'adaptera sans broncher aux exigences de Pep Guardiola et deviendra un solide latéral gauche. S'il n'est pas toujours titulaire, il reste un joueur important dans le groupe de Pep Guardiola et ne cesse de monter en puissance.

Alessandro Florenzi a certainement mal dormi après l'élimination du Paris Saint-Germain contre Manchester City en demi-finale finale de la Ligue des Champions. Auteur d'une prestation calamiteuse, le latéral droit italien a surtout dû avoir un sacré mal de crâne en voyant deux Kevin De Bruyne débouler dans son couloir et faire des appels dans son dos. Car oui le Belge et son sosie non officiel Oleksandr Zinchenko ont fait très mal à l'arrière-garde parisienne. Crédité d'un 6,5, le natif de Radomychl a montré à Pep Guardiola qu'il avait bien eu raison de le laisser débuter à la place de Joao Cancelo.

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«Très performant sur son couloir gauche, il a multiplié les courses aussi bien offensivement que défensivement. C’est lui qui partait parfaitement en profondeur sur l’ouverture du score des Citizens (11e). Dans son duel avec Di Maria, il a largement dominé. C’est lui qui sortait sans trembler une frappe de Neymar (54e). Très belle prestation» a-t-on écrit pour qualifier sa prestation. En route pour un troisième sacre en quatre ans en Premier League et finaliste de la Ligue des Champions 2020/2021, l'Ukrainien n'a pourtant pas toujours eu un parcours rectiligne.

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Un départ sous l'Ukraine en guerre

Enfant de Polésie, une région au nord de l'Ukraine qui borde la Biélorussie, Oleksandr Zinchenko est né à Radomychl, une ville située à un peu moins de 150 kilomètres du lieu tristement célèbre de Tchernobyl. Passé au Monolit Illichivsk lors de sa formation, il va rejoindre ensuite l'académie du Shakhtar Donetsk. Une référence en Ukraine au sein de laquelle il va briller. Obtenant même le capitanat avec l'équipe U-19, le milieu offensif atteindra les huitièmes de finale face à Arsenal (défaite 3-1). Pourtant alors que tout semble bien se dérouler, les ennuis arrivent à l'été 2014. Suite à la Guerre du Donbass qui éclate, le football se retrouve touché dans le pays. Donetsk particulièrement touché, car en zone de conflit, va en subir les conséquences.

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Encore aujourd'hui, le Shakhtar joue à Kharkiv pour évoluer dans des conditions bien plus sécuritaires. Cependant, Oleksandr Zinchenko est une victime collatérale de la situation politique et va connaître de longs mois d'inactivité. «C'était une situation difficile, car à ce moment-là j'avais un contrat avec le Shakhtar Donetsk, mais c'était très dangereux en Ukraine. C’est pourquoi mes parents ont déménagé. Je venais m'entraîner tous les jours par moi-même dans les rues de Moscou» avait-il expliqué au Guardian en février 2018. Pour autant, le jeune talent ukrainien ne perd pas espoir et tente de rebondir en Russie : puis mon manager m'a trouvé Rubin Kazan. Je suis donc allé pour la pré-saison avec eux en Italie. Tout allait bien et après la pré-saison j'étais à Kazan et ils m'ont dit que je devais attendre un peu et ensuite nous pourrons signer un contrat. À ce moment-là, j'avais encore un an et demi sur mon contrat au Shakhtar.

Passant quatre mois sans jouer et face à la longue attente de signer au Rubin Kazan il a perdu patience : «j'ai donc déménagé et quelques jours plus tard, Ufa a appelé mon manager et m'a tout de suite donné un contrat. J'ai signé le contrat et je suis allé en pré-saison avec eux. Pour être honnête, j'étais très heureux à ce moment-là, car je n'avais pas joué depuis un an et demi. Au Shakhtar, la situation était très difficile pour moi. Il me restait deux ans sur mon contrat et ils m'ont dit que je devais continuer avec eux.» S'engageant le 13 février 2015 avec Ufa, il va reprendre le plaisir de jouer en Russie. Retrouvant progressivement les terrains et du temps de jeu lors de ses premiers pas à Ufa, Oleksandr Zinchenko deviendra titulaire la saison suivante. Il y fera alors valoir sa polyvalence en jouant milieu offensif, milieu droit, milieu gauche, milieu central et même latéral gauche, poste qu'il occupe aujourd'hui à Manchester City.

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Une arrivée sur la pointe des pieds à Manchester City

Véritable couteau suisse, il va découvrir la sélection ukrainienne. Marquant le 29 mai 2016 contre la Roumanie (victoire 4-3), il se distinguera en devenant le plus jeune buteur de l'histoire de la sélection dépassant un certain Andriy Shevchenko. Il participera ensuite à l'Euro 2016 en France. Si l'Ukraine déçoit avec 3 défaites, 0 point et une dernière place dans le groupe de l'Allemagne, la Pologne et l'Irlande du Nord, cela donne encore plus d'exposition à Oleksandr Zinchenko. Manchester City flaire la bonne affaire et le recrute moyennant 2 millions d'euros. Alors qu'il est l'un des premiers achats de l'ère Pep Guardiola, il va logiquement devoir s'aguerrir.

Envoyé au PSV Eindhoven pour se perfectionner en tant que milieu de terrain, il va peu à peu perdre sa place dans l'équipe et jouera la fin de la saison 2016/2017 avec la réserve. Son adaptation au football européen est compliquée comme souvent avec les joueurs russes et ukrainiens. Pourtant Oleksandr Zinchenko persévère. Quitte à avoir un temps de jeu réduit et malgré des possibilités de partir, l'Ukrainien cire le banc avec Manchester City ne se contentant que des apparitions en Coupe de la Ligue Anglaise pour commencer, il va de plus en plus souvent jouer en tant que latéral gauche. Bloqué au milieu de terrain, il est repositionné à ce poste pour combler les absences de Benjamin Mendy et face aux difficultés de Fabian Delph à s'adapter à cette position. Un peu léger physiquement et un peu balbutiant, il connaît des débuts assez compliqués.

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Entre blessures et fulgurances

Même si la présence de Fernandinho dans l'effectif - qu'il a côtoyé au Shakhtar Donetsk et qui parle russe - lui permet de s'affirmer doucement, sa situation n'évolue pas et Benjamin Mendy redevient titulaire. À l'époque, il évoquait d'ailleurs avec humour le fait qu'il n'était pas assez considéré par les supporters : «Kevin De Bruyne. Je l’ai entendu tout le temps, croyez-moi. Tout le monde m'appelle «Kev». Quand je prends le bus, les fans crient: «Kev, est-ce que je peux avoir une photo?» Puis je me retourne et ils se disent : «Oh, ce n'est pas Kevin.» De loin peut-être que nous ressemblons à des jumeaux, mais, quand nous sont ensemble, je ne pense pas. Je suis plus beau que lui, définitivement (rires).» Jouant peu et souvent blessé lors de la saison 2018/2019, il reviendra plus fort au meilleur des moments.

Excellent le 10 février contre Chelsea pour son retour, il participe activement à la victoire 6-0 des siens. Devenant même le titulaire de Pep Guardiola il aura une importance dans le titre de champion d'Angleterre acquis de justesse devant Liverpool. Si l'aventure d'Oleksandr Zinchenko semblait lancée à ce moment-là, les blessures vont le freiner en plein vol. Assez fragile, l'Ukrainien a connu 17 blessures et a manqué 60 matches à cause de pépins physiques. Ne disputant que 25 matches la saison dernière, il fait mieux cette fois avec 28 apparitions. Surtout, il se fait une place malgré la concurrence puisque trois latéraux jouent beaucoup à Manchester City : Kyle Walker, Joao Cancelo et Oleksandr Zinchenko. Ayant un autre concurrent que Benjamin Mendy, le joueur de 24 ans a su élever son niveau. Bien plus rigoureux défensivement. Il est très attentif aux exigences de Pep Guardiola.

Une grosse abnégation

Interrogée par le média russe Sport-Express, l'épouse du joueur Vlada Shcheglova avait mis en avant le côté studieux d'Oleksandr Zinchenko : «il prend des notes sur Guardiola. Il prend des notes sur les changements tactiques, les phases de l’entraînement ou les nouveautés. Il note tout cela et le partage avec moi. On a un grand cahier de notes à la maison, un grand classeur où il écrit tout.» Ne laissant rien au hasard et travaillant beaucoup, Oleksandr Zinchenko a su gagner au fil des années la confiance de Pep Guardiola.

Content de pouvoir compter sur lui, Pep Guardiola n'avait d'ailleurs pas manqué de le valoriser en janvier dernier : «pour notre construction, il est fondamental, il comprend parfaitement le jeu. Il sait jouer au football et prendre des décisions. Il joue à un bon niveau, sa cohérence avec le ballon en particulier est ce dont nous avons besoin de lui et toujours tactiquement, même défensivement, il est si intelligent, si intelligent. Il accorde beaucoup d'attention, il ne fait pas d'erreur sur ce qu'il doit faire pour aider les défenseurs centraux et les autres.» de plus en plus stable à Manchester City, il peut remporter un magnifique triplé League Cup, Premier League, Ligue des Champions. En outre, il disputera l'Euro 2020 cet été avec l'Ukraine. Peut-être le meilleur moyen de faire valoir qu'il est bien plus qu'un simple rouage dans la machine concoctée par Pep Guardiola.

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