De victime de la guerre en Ukraine à attraction du mercato, l’histoire folle de la pépite Georgiy Sudakov

Par Aurélien Macedo
6 min.
Georgiy Sudakov célèbre un but. @Maxppp

En pleine génération dorée, le football ukrainien peut se targuer de placer de nombreux joueurs dans les cinq plus grands championnats à l’image de Mykhaylo Mudryk à Chelsea, Oleksandr Zinchenko à Arsenal ou le duo Viktor Tsygankov - Artem Dovbyk qui roule sur la Liga avec Girona. Néanmoins, une autre pépite pourrait vite débarquer par la grande porte, il s’agit de Georgiy Sudakov.

Mykhaylo Mudryk parti à Chelsea l’hiver dernier et Benfica arrachant Anatoliy Trubin cet été, le Shakhtar Donetsk a perdu rapidement deux des joueurs les plus talentueux de son centre de formation. Pourtant les Mineurs brillent cette saison en Ligue des Champions avec déjà 6 points en 4 journées et surtout une victoire brillante contre le FC Barcelone (1-0). Quatrième de son championnat à six points du leader (mais avec deux matches en moins), l’équipe basée dans le Donbass, mais qui doit évoluer à Kiev (sur la scène locale) ou à l’étranger (Hambourg pour la Ligue des Champions) s’appuie de plus en plus sur sa dernière pépite Georgiy Sudakov. Déjà incontournable la saison dernière avec 5 buts et 11 offrandes en 39 matches, il a pris encore plus de poids cette saison, affichant 3 buts et 1 offrande en 14 rencontres. Plus que les statistiques, son génie créatif métamorphose totalement son équipe. Face au FC Barcelone, il ne marque pas, n’est pas passeur décisif lors de la victoire 1-0, mais tout part d’une transversale de génie comme aime le faire le natif de Bryanka.

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Élégant milieu offensif de taille moyenne (1m77), Georgiy Sudakov commence seulement à voir son nom dépasser les frontières, mais son potentiel a pourtant toujours été certain. Dans le groupe ukrainien pour l’Euro 2020 alors qu’il n’avait que 18 ans, il ne jouera pas la moindre minute de cette compétition, mais vivra cette épopée jusqu’en quart de finale. «Tout d’abord, j’aime son attitude, sa mobilité, son mouvement. Il a été inclus dans la liste parce qu’il a l’air bien. Ce sont nos observations d’entraîneur» expliquait sobrement son sélectionneur Andriy Shevchenko à l’époque. Le principal intéressé qui avait connu trois capes auparavant était heureux de connaître un tel destin : «c’est le rêve de tout footballeur de jouer pour l’équipe nationale. C’est une expérience et un défi formidables pour moi. À cet âge, je dois apprendre et acquérir de l’expérience. De plus, à côté de joueurs de football de haut niveau et avec un tel staff. Les émotions sont incroyables.» S’il n’avait que 14 petits matches à son actif à l’époque, il compte désormais 81 apparitions avec le Shakhtar Donetsk où il a profité des départs de la diaspora brésilienne au moment de la guerre initiée par la Russie pour vraiment faire son trou.

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Coincé dans un bunker

Si le statut de pépite lui a vite été attribué et que l’éclosion de Mykhaylo Mudryk lui a permis de grandir avec un peu moins de pression au Shakhtar Donetsk, Georgiy Sudakov a vécu des moments très compliqués au moment de la guerre. Lors des bombardements russes, il s’est retrouvé coincé dans un bunker avec sa compagne qui était enceinte. «Sudakov est un gamin avec un énorme potentiel, qui a le niveau pour jouer à Barcelone ou à Manchester City. Il est le plus grand talent que j’ai coaché en 20 ans de carrière et l’un des liens les plus forts que j’ai. Sur mon téléphone portable, je garde une photo d’avant le conflit de lui et de sa petite amie, qui est enceinte. Il y a quelque temps, il m’en a envoyé une autre d’eux, coincés dans un bunker et tristes. Des rêves à réaliser, arrachés par un bunker pour une guerre insensée. Oui, je pleure et je prie pour ce couple et pour tous les jeunes joueurs et amis que j’ai laissés derrière moi dans une Ukraine qui m’a rendu heureux pendant deux ans. Mon cœur est brisé» expliquait son ancien coach en réserve Fernando Valente à As.

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Récemment, le joueur est revenu sur cette période très difficile à vivre pour lui et sa compagne dans un long entretien pour The Telegraph. Toujours un peu sous le choc, le football était devenu totalement secondaire pour lui compte tenu de la gravité de la situation : «quand la guerre a commencé, ma femme était enceinte de sept mois. Nous avons déménagé chez nos parents à Kiev et nous y sommes restés. Et quand il y avait des attaques aériennes, nous descendions au refuge, mais ce n’était pas un véritable refuge parce que le pays n’était pas prêt pour cette invasion à grande échelle. Nous sommes allés juste sous la maison, c’était comme un donjon, et nous y restions une heure à la fois jusqu’à ce que ce soit fini, puis nous rentrions ensemble dans la maison. Nous considérions Lviv comme étant un peu plus sûre. Normalement, il nous aurait fallu environ cinq heures de route pour y arriver, mais cela nous a pris deux jours à cause de la guerre et nous avons dû passer la nuit dans une autre ville. Le premier mois, je n’ai pas du tout pensé au football, ma seule préoccupation était la sécurité de ma femme et de ma famille. J’ai fait ma première séance d’entraînement un mois après l’invasion. Mais le premier mois, c’était difficile de penser au football ou à autre chose. Finalement, après l’accouchement de ma femme, nous avons décidé de retourner à Kiev.»

Des cadors européens sur les rangs

Revenu plus fort que jamais suite à cet épisode marquant de sa jeune vie, Georgiy Sudakov est devenu depuis incontournable en club et parvient aussi à le faire en sélection où il est titulaire depuis 8 matches. Une sacrée prise de pouvoir de la part du joueur dont l’intérêt grandit. Alors qu’il est sous contrat avec le Shakhtar Donetsk jusqu’en juin 2028, il voit la Juventus prendre la température. Le directeur sportif Cristiano Giuntoli a d’ailleurs dépêché des scouts du club turinois lors de la victoire des Ukrainiens contre Antwerp lors de la deuxième journée de la Ligue des Champions (3-2). Un intérêt auquel il a répondu avec humour dans un entretien pour la Gazzetta dello Sport : «je suis conscient de l’intérêt, je suis content. Je suis la Juventus sur Tik Tok (rires), Mais ce sont les clubs qui choisissent les joueurs, pas moi.», Mais la Vecchia Signora ne sera pas seule sur ce dossier.

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Arsenal, Chelsea ou encore Brighton où officie son ancien coach Roberto De Zerbi sont sur les rangs. C’est également le cas de Benfica comme le rapporte Tribuna. Disposant d’une sacrée cote, le joueur a aussi l’occasion de qualifier ce lundi son pays pour le quatrième Euro de son histoire, le quatrième d’affilée. «L’Italie est très forte, elle est championne d’Europe en titre, j’ai un grand respect, mais nous nous battrons pour gagner et ferons de notre mieux. Alors battre l’Italie et se qualifier pour l’Euro, c’est notre rêve. Après la paix», évidemment a-t-il évoqué auprès du journal italien aux pages roses. Toujours victime de la guerre et ne pouvant rendre visite à sa compagne ainsi qu’à sa petite fille de 1 an et demi qu’une fois par mois, Georgiy Sudakov vit un quotidien très difficile. Dépassant néanmoins ses limites pour atteindre ses rêves, il démontre que l’espoir sera toujours gagnant face à l’horreur de la guerre …

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