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Info FM : À la découverte de Bilal Hadraoui, le défenseur-buteur du FC Metz qui frappe à la porte du monde professionnel !

Par Mathieu Rault
8 min.
Metz @Maxppp

Il est des joueurs qui doivent batailler un peu plus que les autres pour toucher leur rêve du bout du pied. Bilal Hadraoui est l'un d'eux. Obsédé par le football depuis son enfance au Maroc, malmené par l'école, ce jeune milieu offensif reconverti défenseur central a bravé le froid et les lignes de trains de la banlieue parisienne pour transformer une idée en réalité. Bousculant les codes de la formation parfois, il est arrivé aux portes du groupe professionnel du FC Metz. Pour Foot Mercato, il raconte son histoire.

C'est à Berkane, ville de 100 000 habitants située à l'extrême nord-est du Maroc, à quelques kilomètres de la frontière avec l'Algérie, que naît Bilal Hadraoui, le 28 mai 1999. Au début des années 2000, la Renaissance sportive de Berkane, club de la ville du même nom, alterne entre deuxième et troisième division marocaine. Bilal, lui, ne s'intéresse pas au championnat national. Trop petit. Il préfère taper le ballon dans les rues de la ville, comme tous les autres enfants de son âge. « J'avais commencé à jouer là-bas, mais je n'étais pas licencié. On se contentait de jouer sur les routes, » raconte celui qui du haut de ses 18 ans a déjà avalé des kilomètres.

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À sept ans, c'est avec ses parents, ses deux grands frères, sa grande sœur et le petit dernier qu'il quitte le Maroc pour la France. Et c'est en Seine-Saint-Denis, du côté de Tremblay-en-France, que Bilal et sa famille posent leurs valises. Cité du Boulevard. Trop petit, le joueur qui aura 19 ans dans quelques mois ne se rappelle pas de ses premiers pas dans ce qui était devenu chez lui. « J'étais petit, pas vraiment conscient. J'ai le sentiment qu'on m'a bien accueilli. » S'il se souvient avoir redoublé le CP, « le temps de m'acclimater », c'est de son premier club de foot qu’il garde un souvenir heureux. « À peine arrivé, mes parents m'inscrivent au club de la ville. C'était nouveau pour moi, mais un langage que je n'avais pas de mal à appréhender, » raconte Bilal.

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RER A, B, C...

Après avoir fait ses classes chez les marine-et-jaune du Tremblay FC, Bilal prend le chemin de la JA Drancy. Une évolution logique dans le paysage du football local. « Je prenais le train, je partais tout seul, j’ai toujours tout fait tout seul, » raconte le joueur, sans fierté particulière mais conscient que l’effort n’était pas à la portée de tous. Une saison et puis s'en va. Il quitte déjà Drancy. Pressé. Celui qui évolue alors au milieu de terrain rejoint le Centre de Formation de Football de Paris (CFFP). Ses parents mettent leurs économies dans l’internat, à une heure et demi du domicile familial. Mais l’année suivante, ces derniers ne peuvent plus suivre. Bilal rentre à la maison. Pas question pour autant d’abandonner. Les trajets s’allongent, la motivation reste intacte. Trois heures de trajet dans la journée pour aller taper le ballon à Orly, où le centre est installé.

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Après sa première année chez les U17 du CFFP, Bilal sent le vent tourner. « J’ai vu que ça n’avait rien donné. Je me suis dit que c’était le moment de changer de club. Après quelques mois sans club, grâce à une connaissance, j’ai réussi à trouver un stage au Paris FC. C’est là que l’on m’a intégré au groupe des U17 Nationaux, » raconte le jeune joueur, avec la voix d’un vieux baroudeur. Alors que le club parisien est sur une série de défaites qui semble interminable, l’arrivée de Bilal coïncide avec le renouveau de l’équipe. « Ils étaient derniers. Dès que j’ai eu ma licence, que j’ai commencé à jouer, la spirale s’est inversée. On ne faisait que gagner. C’était une superbe expérience de contribuer à la dynamique positive d’un nouveau club. » Les U17 du Paris FC terminent finalement la saison à la troisième place du Championnat de National.

Un retour au pays qui marque un tournant

Comme un succès n'arrive jamais seul, dans la continuité le joueur est appelé en sélection du Maroc. Une sélection avec son pays natal qui sonne déjà comme le tournant de sa jeune carrière de footballeur, il y a tout juste deux ans. La ligne de train Paris-Rabat n'ayant pas encore été construite, c'est par la voie des airs que Bilal retrouve son pays natal. Là-bas, il met un terme à sa carrière de numéro 10. « Au rassemblement, il manquait un défenseur. Les coaches nous ont dit qu'ils avaient besoin d'un défenseur et demandé qui se sentirait de jouer à ce poste. J'ai instinctivement levé la main, motivé par le défi qui s’offrait à moi. » Bilal réalise une très belle prestation et conquiert le sélectionneur des Lions de l'Atlas U17.

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À son retour du Maroc, il reprend les entraînements avec le Paris FC. Ses dirigeants ont vent de ses performances à ce nouveau poste. Les semaines qui suivent, c'est en tant que défenseur central qu'il évolue. Alors qu'une rencontre de championnat face au RC Lens est programmée le samedi, il apprend que le même jour un rassemblement va avoir lieu au Bourget. Le FC Metz cherche de nouveaux talents en Seine-Saint-Denis. « Je voulais vraiment y aller. J'ai appelé mon coach et je lui ai expliqué que je ne pourrais pas venir au match contre Lens. Il m'a dit "tu fais ce que tu veux, mais si tu vas là-bas et que tu n'es pas au match alors que je t'ai pris dans le groupe, ne reviens pas." J'ai donc fait un choix. » Bilal a pris sa décision. Il sèche la convocation du Paris FC et prend le train pour le Bourget.

Le défenseur-buteur ravit la Moselle

Là-bas, des dizaines de joueurs sont présents. Bilal dispute plusieurs matches sous le regard des recruteurs grenats, avant de rentrer à Tremblay et d'attentre patiemment l'appel du FC Metz, sans excès de confiance mais plein d’espoir. Et le téléphone ne tarde pas à sonner. Invité à effectuer un stage au Centre de Formation du FC Metz, c’est par le train qu’il rejoint Metz, il y a deux étés. Gare de l’Est. Une heure trente de TGV. Le voici en Moselle. Département qu’il n’a plus quitté depuis. Au club depuis un an et demi, Bilal se sent bien et ne regrette pas son choix. À l'origine très offensif, technique, doté d'une bonne vision du jeu, Bilal peut également compter sur un physique imposant. Son mètre quatre-vingt-six et ses soixante-dix-huit kilos ont penché dans la balance au moment de le repositionner en défense centrale.

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Pour sa première année à Metz, avec les U19 Nationaux, Bilal n'en oublie pas ses premières amours. Le néo-défenseur inscrit la bagatelle de dix buts sur la saison, meilleur scoreur des siens à ce poste. Sur coups de pieds arrêtés, à la conclusion d'actions construites, Bilal monte rarement pour rien aux avant-postes. Il se souvient d'un match lors duquel il inscrit un triplé. Fait rare pour un défenseur central. S'il lui arrive de regretter la liberté qu'il incarnait au milieu du terrain, Bilal se sent comme un poisson dans l'eau dans son nouveau rôle. « Je me sens bien. À l'aise techniquement. Je ne dégage pas n'importe comment. J'ai encore la possibilité de servir mes partenaires en essayant de faire les bons choix. »
 

À pieds dans Metz

Pour progresser, il s'inspire des meilleurs à son poste. Et de deux joueurs en particulier. Sergio Ramos et Mehdi Benatia. « En toute modestie bien sûr, mon jeu se rapproche du leur. Ils sont propres, ils relancent bien et sont dans la réflexion. Forts physiquement, ils ne dégagent pas pour autant n'importe comment. » Milieu créateur de formation, le néo-défenseur ne cache pas non plus qu'il puise son inspiration chez Zinedine Zidane. Si Bilal allait naître quelques mois après que le natif de Marseille ne place ses deux coups de tête légendaires en finale de la Coupe du Monde, un soir de juillet, au Stade de France, il semble que l'influence du désormais coach du Real Madrid n'ait jamais quitté la Seine-Saint-Denis.
 
Ramos, Zidane... pas étonnant que pour Bilal « il n'y ait que le Real Madrid qui compte. » Enfin... du point de vue du football. Très attaché à sa famille, le joueur regrette aujourd'hui de ne plus avoir le temps de rentrer à la maison. Où il a aussi laissé un groupe d'amis. « Une dizaine, avec qui j'ai grandi à Tremblay-en-France. Toujours les mêmes. Ils n'ont jamais changé. » Un grand frère aussi. D'un an son aîné. Avec lequel il passait tout son temps. Un manque qu'il tente de combler comme il peu en Moselle, où il construit sa vie d'adulte dans un F3 du centre-ville. Un appartement qu'il partage avec son coéquipier et ancien parisien Rémi Cabral. « On est propres (sic), on va déjeuner au centre de formation à midi, on est obligés. On va à l'entraînement à pied, parce qu'aucun de nous n'a le permis pour l'instant. » Pas de voiture, mais plus de train pour Bilal.

Un contrat pro en ligne de mire

C'est avec un discours empreint de reconnaissance que Bilal évoque le FC Metz. « J'ai eu beaucoup de soucis avec l'école. Ils m'ont beaucoup aidé. Ils m'ont appris des choses. Dirigeants, coaches, toute l'administration, je pense que je leur serai toujours reconnaissant. » Le Responsable technique de la formation, Sébastien Muet, sort du lot. « Dur mais juste », il reste l'un des acteurs clés du développement de Bilal. Cette année, le joueur a franchi un nouveau palier au club et presque logiquement tapé dans l’œil du coach du groupe pro, Frédéric Hantz, arrivé sur le banc en octobre. Il s'entraîne avec les Grenats et se voit convoqué pour les rencontres de Coupe de France face à Tours et Caen, puis en Ligue 1 face à Montpellier. Il ne quitte pas le banc de touche mais apprend, patiemment, conscient de la chance qui lui est offerte.

Alors que son contrat aspirant se termine à la fin de la saison, Bilal Hadraoui espère que le club qui lutte actuellement pour le maintien en Ligue 1 lui ouvrira les portes du monde professionnel. S’il n’ignore pas que des clubs français et étrangers, en Allemagne notamment, le suivent de très près, il ne s’en préoccupe pas, uniquement focalisé sur le terrain. « J'ai failli tout arrêter, j'en avais assez de faire tous ces efforts. Metz est venu me chercher, m'a aidé et m’a fait confiance. Aujourd'hui mon objectif est de débuter avec les pros à Metz, de faire mon trou là-bas. » A l'heure actuelle, plus question de voyages en train pour le jeune défenseur franco-marocain, qui n’a qu’une seule idée en tête, briller au plus haut niveau avec les Grenats.

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