L’équipe de France a-t-elle vraiment besoin de Karim Benzema ?

Trois ans après sa dernière sélection en équipe de France, Karim Benzema a rouvert la porte à un retour. Mais les Bleus ont-ils vraiment besoin du Ballon d’Or 2022 aujourd’hui ?

Par Jordan Pardon
6 min.
Benzema @Maxppp

En ouvrant grand la porte à un retour en Bleus à l’aube de la Coupe du Monde, Karim Benzema savait que ses mots feraient naître un puissant mouvement d’opinions. «Qui n’a pas envie de jouer la Coupe du monde ? Tout le monde a envie de jouer cette compétition. Si tu me dis d’aller en équipe de France pour jouer une Coupe du monde et que je te dis non, je suis un menteur», confiait-il hier au journal L’Équipe. Même s’il rejette l’idée d’un parcours «inachevé» en bleu, le Ballon d’Or 2022 sait que son histoire avec la Coupe du Monde a souvent pris la forme de rendez-vous manqués. Il n’en a disputé qu’une seule, sur quatre possibles au cours de sa carrière (en 2014).

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Après avoir tout raflé en club, on peut donc concevoir aisément son désir de triompher dans la compétition reine un jour. Mais en gardant un regard distancié avec la vérité, un retour de KB Nueve en Bleus ferait-il vraiment sens d’un point de vue purement sportif ? La pesée des raisons ferait plutôt pencher la balance du côté du non. Didier Deschamps semble avoir trouvé son équilibre offensif avec cette animation en 4-2-3-1. Un dispositif qui laisserait déjà peu de place à Benzema, dans la mesure où le poste de numéro 9 revient aujourd’hui à Kylian Mbappé. En supposant que toutes les forces soient réunies, Michael Olise sera le titulaire au poste de numéro 10, quand Ousmane Dembélé occupera un rôle d’ailier droit très intérieur, sa zone préférentielle aujourd’hui. Autrement dit, la hiérarchie offensive s’est construite sans dépendre d’un profil comme celui de Benzema au cours des derniers mois. Cette hiérarchie semble se composer de la sorte, avec Kylian Mbappé en titulaire indiscutable, Marcus Thuram et Hugo Ekitike en remplaçants naturels, et Kolo Muani et Mateta à l’affût pour une dernière petite place dans le groupe.

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Quel message pour la nouvelle génération ?

Pour Didier Deschamps, rappeler le Ballon d’Or 2022, ce serait aussi un peu se trahir. En 2021, le retour de l’ex-Madrilène répondait bien plus à une logique sportive qu’aujourd’hui. Elle servait l’intérêt collectif, et ce statut de meilleur joueur de la planète légitimait sa convocation malgré le passif entre les deux hommes. Depuis, l’équipe de France a montré qu’elle savait atteindre des derniers carrés de compétition, même sans Benzema (finale en 2022, demi-finale à l’Euro 2024). À l’heure où DD a aussi souvent répété son souhait de "réoxygéner" son groupe, parfois même en déboulonnant les statuts, rappeler KB9 trancherait avec cette volonté. Sa stratégie est davantage tournée vers l’avenir, et ce n’est pas un hasard s’ils ont presque une dizaine de joueurs à avoir connu leurs premières sélections depuis 2023 (Zaïre-Emery, Doué, Barcola, Kalulu, Akliouche, Cherki, Olise, Manu Koné, Ekitike, Mateta…).

Karim Benzema doit-il participer à la Coupe du Monde 2026 ?
Génération de l'image en cours

Kanté a toujours occupé une place de choix aux yeux de Deschamps, d’où son récent retour en sélection, Thauvin a été rappelé pour compenser une avalanche de forfaits en attaque, mais sinon, les retours d’anciens se font exceptionnels. Corentin Tolisso est par exemple toujours suspendu dans l’attente malgré sa forme du moment. Rappeler Benzema, qu’est-ce que cela signifierait aussi pour la nouvelle génération ? Hugo Ekitike est un fan absolu du joueur, et a déjà révélé avoir reçu des conseils de son idole, mais faire revenir Benzema, c’est aussi limiter ses chances. L’attaquant de Liverpool a donné envie d’être revu sur ses dernières sorties en bleu, et les récentes productions de Jean-Philippe Mateta, buteur à deux reprises en trois sélections, lui ont également donné un certain crédit.

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Se pose aussi la question du statut de Benzema. La légende tricolore déclarait dans son interview hier : «ce n’est pas une histoire de ne plus avoir envie de revenir en équipe de France. Mais il faut se poser la question : je viens faire quoi en équipe de France ?» Benzema fait bien d’en parler : quel rôle Deschamps serait à même de lui offrir aujourd’hui ? Réintroduire un joueur d’un tel statut, d’une telle envergure, c’est s’exposer au risque de bousculer des équilibres déjà consolidés. On ne met pas un Ballon d’Or sur le banc, à moins que Benzema lui-même accepte ce rôle.

Un retour en Bleus pourrait aussi avoir des avantages

Si certains peuvent légitimement s’interroger sur la condition physique du Français, ses performances en Arabie saoudite sont plutôt rassurantes : 7 buts sur ses 5 derniers matchs en évoluant dans une équipe en grande difficulté (Al-Ittihad est 7e de Saudi Pro League). Son coéquipier Fabinho déclare au micro de L’Équipe : «il a un gros niveau, il est encore le meilleur numéro 9 français actuellement. Karim est très fort, il fait la différence ici, pour marquer mais aussi pour créer. C’est Karim quoi… Il nous impressionne encore à l’entraînement. Il y a des matches difficiles ici à cause de la chaleur, mais on n’a l’impression que ça n’a pas d’effet sur lui. Il court et il travaille beaucoup.» En observant les matchs de N’Golo Kanté à Al-Ittihad, Didier Deschamps n’a donc pas pu ignorer ceux de Benzema, d’autant plus dans un championnat fréquemment mis en valeur par le sélectionneur des Bleus.

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À bientôt 38 ans (il les fêtera en décembre), Benzema pourrait encore certainement apporter un gain qualitatif. Se passer d’un attaquant comme Marcus Thuram - aussi bon soit-il à l’Inter Milan - ne serait pas un crève-coeur vu son rendement en sélection. Mais ça le serait un peu plus pour Randal Kolo Muani, impactant dans les matchs qui comptent quand Deschamps a fait appel à lui. «Benzema est un vrai numéro neuf. L’Équipe de France n’en a toujours pas. On a beau me dire que Mbappé c’est le numéro neuf, qu’il marque beaucoup de buts, etc, ça ne reste pas Karim Benzema, qui a été numéro neuf Ballon d’Or. C’est certain que l’Équipe de France aurait besoin d’un Karim Benzema», estimait hier Benoît Trémoulinas dans L’Équipe de Greg. Benzema bénéficie aussi de la reconnaissance des plus jeunes, à l’image d’Ekitike ou de Cherki, dont il dit apprécier le profil. Au sein d’un vestiaire où il ne serait plus "la tête d’affiche", accepterait-il de se mettre au service du collectif ? A en croire ses propos, oui.

«Mon rôle (en Arabie saoudite), c’est aussi développer le pays, aider les jeunes joueurs saoudiens ici, explique Benzema. Leur montrer ce qu’on peut faire, ce qui se fait en Europe. Avec mon expérience, leur montrer le bon chemin à prendre. Moi, je suis là pour eux (les joueurs locaux). Je leur donne beaucoup de conseils et la voie à suivre. Je n’ai pas leur âge, mais ils voient que je travaille plus qu’eux, donc ils demandent des conseils.» Son vécu resterait un atout de poids dans n’importe quel vestiaire, comme ses qualités sur le terrain. Toutes proportions gardées, il est encore ce joueur capable de débloquer une situation sur une inspiration. D’un point de vue purement subjectif, l’imaginer finir sur une bonne note en bleu ne laisserait pas non plus l’opinion publique indifférente. DD n’a jamais aimé les listes à rallonge, mais dans cette Coupe du Monde à 48 où l’idée de permettre aux sélectionneurs d’appeler 30 joueurs gagne du terrain, les plus grands fans de Benzema peuvent se prendre à rêver…

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