Entretien avec… Frédéric Hermel : «Zidane entraîneur du Real ? Ça ne fait absolument aucun doute»
J-1 avant le Clasico. Foot Mercato est parti à la rencontre de Frédéric Hermel. Correspondant à Madrid de L’Équipe et de RMC, ce journaliste de 44 ans est très connu de l'autre côté des Pyrénées, où il est chroniqueur à AS et pour le programme espagnol « El Chiringuito ». Ce véritable spécialiste et passionné de foot espagnol s'est exprimé au sujet du Clasico, de Benzema, de Zidane ou encore d'Ancelotti. Entretien.
Foot Mercato : Dimanche, c'est le Clasico. Quel regard portez-vous sur ce match ?
Frédéric Hermel : C’est toujours quelque chose de spécial quelque soit le classement. Un Madrid-Barça, un Barça-Madrid, c’est un match à part dans la culture footballistique pas espagnole, pas européenne, mais mondiale. C'est le match qui plaît le plus au monde. Le match de championnat qui va avoir le plus de téléspectateurs dans le monde. Mais c’est vrai que là, en plus, c’est quand même la Liga qui va se jouer. Une victoire du Real Madrid écarterait totalement le Barça de la course au titre. Donc c’est un match qui, footballistiquement, va être de haut niveau, ça c’est évident. Et en plus, c’est une rencontre à enjeux ce qui ne gâche rien à la fête.
FM : Quels sont les ingrédients d’un bon Clasico selon vous ?
FH : Il n’y a rien qui fait un bon Clasico. Un Clasico, c’est toujours bon même quand c’est moche. Parce qu’il y a une telle atmosphère, une telle tension, une telle implication de tous les joueurs, qu’un Clasico quoi qu’il arrive est bon. Alors bon footballistiquement ? Aujourd’hui, il sera toujours bon footballistiquement. Pourquoi ? Parce qu’il y a deux entraîneurs qui aiment jouer au football. Ni Ancelotti, ni Martino ne vont refuser de jouer au football. (...) Mais d’un point de vue purement footballistique, il y a tellement de joueurs extraordinaires, il y a tellement deux entraîneurs qui aiment le beau jeu, que ça va être fantastique ça c’est clair.
FM : La Liga va se jouer entre le Real Madrid, le Barça et l'Atlético Madrid cette saison. Qui va l'emporter et quelles sont les forces et les faiblesses de chacun ?
FH : Les forces pour le Real sont les points d’avance, l’état physique parfait des joueurs, le système 4-3-3 avec Alonso, Modric et Di Maria qui est fantastique au milieu de terrain. Pour le Barça, le retour de Messi, c’est la grande force. Messi est bien physiquement. Avec un type comme ça tout est possible. La faiblesse, c'est Martino qui n’arrive pas à faire fonctionner son équipe. C’est-à-dire que si les joueurs dans les grands matches arrivent à s’arranger entre eux, quand il y un peu de relâchement de la part des joueurs, Martino n’arrive pas à trouver la solution tactique ni émotionnelle pour pouvoir changer l’équipe. C’est peut-être ça le problème. C’est que Guardiola n'est plus l'entraîneur du Barça et ça se sent. Pour l'Atlético, la force c’est son entraîneur justement. C’est Simeone. Mais on se demande comment ils vont pouvoir tenir physiquement jusqu’au bout. (...) Tout est ouvert aujourd’hui. Personne ne peut affirmer qui va gagner la Liga. Tout est ouvert, mais un petit avantage pour le Real.
FM : Comment expliquez-vous la fracture entre le Real Madrid et Barcelone et les autres clubs de Liga ?
FH: On n’en parle pas parce qu’on se trompe. Les gens ne voient pas assez le foot espagnol. Je suis désolé de l’annoncer mais la réalité fait que le football espagnol domine totalement l’Europe du foot. Les clubs espagnols sont ultra présents en Europe. Ils sont très forts. La Liga est très compétitive. On voit des matches hallucinants ici. Ce n’est pas qu’on parle plus du Barça et du Real en Espagne. C’est qu’on en parle plus dans le monde. Ce sont les clubs qui ont le plus de supporters dans le monde avec Manchester United. Mais quand on regarde les clubs les plus riches du monde, ceux qui ont le plus de recette car ils vendent le plus de maillots car ils ont plus de supporters. Numéro un, le Real. Numéro deux, Manchester ou le Barça. C’est une réalité.
Benzema, le meilleur joueur français
FM : Karim Benzema devrait être apte pour ce choc. Que pensez-vous de sa saison ?
FH : On n’était pas beaucoup à y croire. Moi, je me souviens que je me suis fait pas mal insulter par des gens qui vous expliquent qu’un tel n’est pas bon. On ne peut pas douter du talent. Il y a une expression espagnole qui dit : « On ne peut pas demander des poires à un arbre qui ne donne pas de fruits ». Mais Benzema a des fruits. Benzema est quelqu’un qui a un talent magnifique. C’est le meilleur joueur français. Alors ça ne marchait pas forcément bien pour plein de circonstances. C’était de sa faute, de la faute de Mourinho. Jouer au Real est très compliqué. Mais là il y a Zizou qui a beaucoup parlé avec lui. Il y a Ancelotti qui lui a donné beaucoup de temps de jeu, qui lui a fait confiance même quand Bernabéu le sifflait. Benzema montre enfin ce qu’il est. Un joueur exceptionnel. C’est le meilleur joueur français quoi qu’on en dise. Techniquement, c’est le joueur le plus doué qu’on ait. Là, il est en train de prendre une dimension fantastique au Real Madrid parce qu’il joue.
FM : Zinedine Zidane est l’adjoint de Carlo Ancelotti. Le voyez-vous entraîner les Merengue dans le futur ?
FH : J’ai un peu de mal à parler de Zidane. Ma relation avec lui est tellement spéciale. J’ai passé cinq ans de ma vie tous les jours avec lui entre 2001 et 2006 quand il est venu au Real Madrid. On a un grand rapport de confiance. Je suis très heureux de son évolution, qui m’a surprise parce que lui me disait qu’il ne serait jamais entraîneur. Je me souviens d’une discussion qu’on avait eu en 2004-2005 sur le parking de l’entraînement. On parlait tous les jours. Et on avait commencé à parler de ça et il me dit « Tu sais il n’y a que deux joueurs de France 98 qui pourront être de bons entraîneurs. C’est Deschamps et Blanc. » Je lui dis « Et toi ? ». Il me dit « Oh non surtout pas ». Les choses évoluent. Il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis. Il a découvert qu’il pouvait faire ça, que ça l’intéressait, qu’il avait envie d’exister encore dans le football et d’avoir de l’influence dans le football. Il veut prendre des décisions qui se voient et qui ont une vraie influence. Entraîneur, c’est parfait pour lui. En plus, il est tellement intelligent. Il a passé ses diplômes de Manager Sportif, d’entraîneur. Il s’est formé. Avoir comme prof et comme maître, un type comme Carlo Ancelotti qui le connaît depuis 1999 quand ils étaient ensemble à la Juve, lui en tant que joueur et Carlo en tant qu’entraîneur, c’est la meilleure préparation possible. Zidane pourrait être entraîneur de n’importe quel club s’il le voulait. Mais non il veut se former, il veut être prêt. Entraîneur un jour du Real ? Ça ne fait absolument aucun doute.
FM : Vous parliez de Carlo Ancelotti. Son Real Madrid est-il meilleur que celui de Mourinho selon vous ?
FH : Ancelotti est la meilleure chose qui est arrivée au Real depuis très longtemps. Parce que c’est un entraîneur intelligent. Il est respecté par les joueurs. Il a été un très grand joueur. Il a gagné deux Ligue des Champions avec Milan comme joueur. Donc après la tornade Mourinho, il y avait besoin d’un peu plus de calme et un peu plus de légitimité dans le vestiaire. Non pas que Mourinho n’était pas légitime en tant qu’entraîneur. Mais comme ancien joueur, il ne l'a quasiment pas été. Parfois il avait du mal dans la communication avec les joueurs. Ancelotti a une autorité naturelle. Il n’a pas besoin d’élever la voix parce qu’il a été un grand joueur. Comme entraîneur aussi il a gagné plein de choses. Deux Ligue des Champions comme joueur. Deux Ligue des Champions comme entraîneur. Carlo Ancelotti est quelqu’un qui sait manier la communication, la psychologie. Qui tactiquement est très fort aussi. C’est le Real qui joue le mieux depuis très longtemps.
FM : Que pensez-vous du président Florentino Pérez ?
FH : Florentino, c’est mon pote. C’est un type qui a perdu des cheveux, qui a perdu de l’énergie, qui a pris des rides en dirigeant le Real Madrid alors qu’il est dirigeant de la deuxième entreprise de construction de travaux publics au monde, qu’il a 150 000 employés dans le monde. Ceux qui lui donnent des soucis, ce sont les vingt-trois qui sont dans l’équipe première. Aujourd’hui, il a moins de soucis parce qu’il a un super entraîneur. Mais être président du Real, c’est une pression énorme. Il n’est pas payé. C’est un bénévole. Le club appartient aux socios, aux membres qui élisent un président tous les quatre ans. C’est un type qui a mis au service ses talents d’homme d’affaires, pour sauver le Real financièrement. Aujourd’hui, le Real est le club le plus sain et le plus riche au monde. Il garantit au Real d’avoir l’indépendance financière, de rester un club qui appartient à ses supporters et qui ne deviendra jamais une entreprise, une société anonyme donc qui ne pourra jamais être acheté par quelqu’un d’extérieur et ça c’est quelque chose de basique pour les socios. Même si le Real ne gagnait aucun titre, Florentino continuerait à être élu parce qu’il garantit que le club va rester indépendant et va rester une association à but non-lucratif qui appartient à ses membres. C'’est le grand succès de Florentino.
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