La Turquie est en train de faire exploser le mercato européen
Alors que l’Euro 2032 se profile à l’horizon et que la Turquie le coorganisera avec l’Italie, les clubs turcs multiplient les offensives sur le marché des transferts. Galatasaray, Fenerbahçe ou encore Besiktas ciblent de grandes stars internationales, misant sur des investissements privés colossaux et des sponsors puissants pour rivaliser avec les cadors européens. Malgré une économie instable, la Süper Lig affiche une ambition grandissante.

Pendant longtemps, la Süper Lig turque a été vue comme un refuge doré pour les stars du football en fin de carrière. Dans les années 2000, elle a accueilli des noms prestigieux comme Nicolas Anelka, Roberto Carlos, Didier Drogba ou encore Wesley Sneijder — autant de joueurs qui ont offert au championnat une visibilité internationale sans pour autant lui donner une réelle compétitivité durable. Le football turc se caractérisait alors par une gestion parfois approximative, des clubs structurellement fragiles, et des scandales à répétition, comme celui des matchs truqués en 2011 qui avait ébranlé la crédibilité du championnat. Cette combinaison d’instabilité financière et d’affaires judiciaires a conduit, dans les années 2010, à une perte de vitesse significative. Moins compétitif en Europe, avec une baisse d’attractivité sur le marché des transferts, le championnat turc semblait condamné à un rôle secondaire.
Et pourtant, la passion du football n’a jamais faibli dans le pays. Les tribunes continuent de se remplir avec ferveur, les rivalités historiques entre Galatasaray, Fenerbahçe et Besiktas électrisent encore chaque saison, et les supporters restent parmi les plus engagés d’Europe. Depuis quelques années, la Süper Lig semble entamer une véritable mue. L’arrivée de nouveaux investisseurs, de sponsors puissants, et le soutien discret — mais bien réel — de l’État turc ont permis à certains clubs de retrouver une ambition européenne. Le niveau de jeu s’est relevé, les infrastructures ont été modernisées, et le recrutement s’oriente de plus en plus vers des joueurs compétitifs, parfois en pleine force de l’âge. Même si des problèmes structurels subsistent — endettement massif, dépendance à la monnaie étrangère, interventions politiques —, la Turquie affiche désormais une volonté claire : faire de sa ligue un véritable tremplin pour revenir dans le concert des grandes puissances du football continental.
La Süper Lig attaque fort !
Depuis quelques saisons, le football turc affiche une ambition renouvelée sur le marché des transferts, et l’été 2025 en est l’illustration éclatante. Plusieurs clubs de la Süper Lig, notamment les géants d’Istanbul – Galatasaray, Fenerbahçe et Besiktas – mènent une politique offensive pour attirer de grands noms du football européen. Le Fenerbahçe, fort de l’influence de son entraîneur José Mourinho et de la médiation de Jorge Mendes, est proche de recruter Marco Asensio ainsi que Leon Bailey et a devancé l’AC Milan pour Archie Brown. De son côté, le Galatasaray rêve d’associer définitivement Victor Osimhen à son attaque arpès un prêt fructueux, profitant de solides sponsors comme la SOCAR Group pour financer l’opération. Même le Besiktas, en quête de renouveau, cible des joueurs d’expérience comme Mehdi Taremi et a notamment signé Tammy Abraham. Ce regain d’activité s’inscrit dans un contexte où la Turquie, coorganisatrice de l’Euro 2032 avec l’Italie, cherche à s’imposer comme un acteur central du football européen. Cette stratégie ambitieuse repose en grande partie sur des capitaux privés et des sponsors internationaux très puissants. Le Fenerbahçe bénéficie de l’appui de la famille Koç, l’une des plus riches de Turquie, qui injecte depuis des années des centaines de millions dans le club. Galatasaray, quant à lui, s’appuie sur des partenaires comme Sixt, le Pasifik Group, et surtout la compagnie pétrolière SOCAR, capable de proposer à Osimhen des contrats très lucratifs sous forme de primes ou de droits d’image. Toutefois, cette dynamique repose sur une économie fragile. Les revenus issus des droits TV sont en forte baisse, tandis que les dettes accumulées par les grands clubs dépassent les deux milliards d’euros. L’inflation galopante – qui a atteint 80 % avant de redescendre à 35 % – et la chute de la livre turque rendent les salaires en devises étrangères de plus en plus difficiles à gérer.
Face à ce risque systémique, le gouvernement turc a favorisé une restructuration de la dette via les grandes banques nationales. Malgré ce contexte économique instable, la Turquie poursuit sa montée en puissance, en misant sur des stratégies d’achat plus raisonnées. La tendance est aux prêts avec options d’achat ou aux recrutements de joueurs en fin de contrat, comme l’ancien prodige bavarois Leroy Sané, ou à bas coût, comme Eldon Shomurodov à Başakşehir et Jhon Duran au Fenerbahçe. Le mercato reste dynamique avec des transactions importantes même sur les options d’achat levées : Sofyan Amrabat pour 12 millions au Fenerbahçe, Ismaël Jakobs pour 8 millions à Galatasaray, ou encore Paul Onuachu pour près de 6 millions à Trabzonspor. Le Besiktas prépare également un gros coup avec Orkun Kökçü, évalué à 25 millions. Globalement, les dépenses de la Süper Lig pour la saison 2024-2025 ont atteint un peu plus de 200 millions d’euros, confirmant une progression continue par rapport aux années précédentes. Bien que le championnat turc reste loin derrière les géants européens en termes de valeur (la Premier League étant à 12 milliards d’euros contre environ 1 milliard pour la Turquie), la volonté de réduire l’écart est manifeste. Le football turc entend bien faire de la Süper Lig un tremplin crédible vers l’élite continentale. Si la Turquie n’a pas encore la puissance financière des grandes ligues européennes, son dynamisme, soutenu par des mécènes influents et une stratégie de recrutement plus ciblée, pourrait bien faire basculer l’équilibre du football continental dans les années à venir. Un pari à haut risque, mais à fort potentiel.