Serie A : le gouvernement italien va dynamiter le Calcio

Par Valentin Feuillette
5 min.
Andrea Abodi, ministre des Sports italien @Maxppp

La bataille continue de faire rage entre les institutions sportives italiennes et le gouvernement de Giorgia Meloni. Un nouveau projet de loi est actuellement en cours de négociations à Rome et les répercussions sur l’avenir du Calcio pourraient être sans précédent.

La guerre continue de battre son plein entre les différents acteurs du football italien, à l’heure où le Calcio continue d’encaisser de mauvaises nouvelles entre une importante crise économique, un grand nombre de stades délabrés, une faible utilisation des jeunes joueurs, une équipe nationale en reconstruction. L’Italie a bien du mal à faire évoluer son football qui était pourtant, jadis, l’un des plus glorieux d’Europe et depuis plusieurs mois, l’environnement néfaste autour du football italien ne cesse d’empirer avec l’arrivée massive du gouvernement de Giorgia Meloni dans les débats. La candidature à l’Euro 2032 en collaboration avec la Turquie est d’ailleurs toujours en grand danger en raison des nombreux problèmes mentionnés en préambule de cet article. Et la politique italienne n’est pas près de se retirer des questions autour de l’avenir du football.

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Voilà maintenant plusieurs mois que le ministre des Sports, Andrea Abodi, et le président de la Fédération italienne de football (FIGC), Gabriele Gravina, se lancent des tacles entre presses interposées. Le politicien de Fratelli d’Italia (parti d’extrême droit) avait déjà attaqué le chef du football italien, alors accusé de blanchiment d’argent par le tribunal de Rome : «Le cas Gravina ? Cela m’inquiète beaucoup. Face à ce chiffre, nous avons besoin de prudence et de garanties. C’est un moment dans lequel l’actualité nous place devant une série de facteurs critiques, puis l’actualité des prochains mois nous expliquera à quel point il y a de réalité dans ce qui est rapporté aujourd’hui. Nous devons faire de ce moment difficile non seulement un moment de réflexion mais de décision». Et l’heure des grandes décisions est arrivée pour Abodi et ces prochaines semaines risquent d’être explosives avec une réforme à 18 clubs pour le championnat toujours d’actualité et un bras de fer constant autour de l’arbitrage italien.

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Un organisme parlementaire

Le gouvernement de Giorgia Meloni veut supprimer le Covisoc, la commission de surveillance de la FIGC des clubs de football professionnels qui surveille aujourd’hui les finances des clubs, dans le but de le remplacer par un organisme public qui décidera qui pourra s’inscrire au championnat. Il prendra la forme d’un instrument politique composé de 30 nouveaux sièges pour un coût global de 2,5 millions d’euros payés par les clubs italiens. La nouvelle agence sera composée d’un président et de deux membres, nommés par Meloni et Abodi, pour un mandat de quatre ans non renouvelable, d’un secrétaire général et d’un effectif total de trente salariés. Ce projet de loi proposé par Abodi a été envoyé aux bureaux de la fédération de football et du Comité olympique italien (Coni) ces derniers jours, créant beaucoup de mécontentement même face à l’absence totale d’aides financières du gouvernement ces dernières années. À cet égard, le président de la FIGC, Gabriele Gravina, a convoqué une réunion fédérale d’urgence, prévue demain lundi 6 mai à 18 heures.

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Cet organisme portera le nom d’«Agence de tutelle économique et financière des clubs sportifs professionnels», elle aura compétence non seulement sur le football, mais aussi sur le basket-ball : un organisme public basé à Rome et placé sous la tutelle du Palazzo Chigi (équivalent du Palais de Matignon) et du Ministère des Sports. Il disposera d’une autonomie réglementaire, contrôlera les budgets des équipes, indiquera les mesures correctives à apporter, pourra ordonner le dépôt de documents et procéder à des contrôles au siège des clubs. Et il aura le pouvoir de convoquer les dirigeants de la FIGC et des ligues sportives et ainsi exprimer un pouvoir autoritaire total, contraignant aussi les inscriptions aux championnats. La Ligue italienne veut toujours la création d’une autorité totalement indépendante ou dans le pire des cas, d’un système hybride comme celui déjà existant en Italie pour le dopage. Et s’il fallait que cette autorité existe sous l’égide du gouvernement, les dirigeants ne comprennent pas pourquoi les 2,5 millions d’euros par an prévus pour soutenir cette nouvelle agence de contrôle, organisme public non économique, devraient être payés par les clubs et non par l’État.

Un scandale national

Le texte pourrait bientôt être inclus dans le giron d’une disposition gouvernementale, mais il suscite déjà des discussions pour au moins deux raisons. La première pour le fond, car elle vide le CONI et les fédérations sportives du pouvoir de contrôle de gestion et menace le principe d’indépendance et de neutralité du sport par rapport à la politique : une agence nommée par le gouvernement qui décide de qui peut jouer en Serie A et qui ne le peut pas fait aujourd’hui couler beaucoup d’encre. La seconde pour la forme, car ce projet de loi contournerait les exigences de nécessité et d’urgence requises pour poser un décret-loi. Le gouvernement prévoit ainsi de corriger le texte pour éviter des accusations d’ingérence politique par la FIFA et l’UEFA : «Nous améliorons le texte et je suis sûr que le Parlement apportera d’autres contributions précieuses. Avec cette Agence, nous ne voulons en aucun cas porter atteinte à l’autonomie du sport, mais le modèle actuel non seulement ne garantit pas une concurrence loyale, mais a un impact économique significatif sur l’ensemble du système sportif qui mérite une autre approche», a promis Abodi qui s’est dit prêt à écouter les arguments.

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Dans le système actuel, le contrôle économique et financier relève évidemment des fédérations elles-mêmes : le CONI établit des méthodes et des principes généraux, les statuts de chaque fédération déterminent le système de contrôle et les mesures associées. Dans le football, la fonction de contrôle est actuellement déléguée au Covisoc, composé d’un président et de quatre conseillers, nommés à la majorité qualifiée par le conseil fédéral : les dirigeants sont choisis par la fédération, mais c’est un organe autonome qui effectue des contrôles périodiques tout au long de la saison. La décision finale concernant l’admission aux championnats appartient alors au conseil fédéral. Ce grand projet devrait être officiellement présenté au Parlement italien la semaine prochaine et les députés devront ainsi trancher dans le vif. Rien ne va plus dans le football italien et la bataille est loin d’être terminée. Le Calcio considère cette initiative comme une invasion du terrain par un gouvernement.

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