Serie A : les clubs italiens déclarent la guerre à la fédération et au gouvernement !

Par Valentin Feuillette
7 min.
Gabriele Gravina, président de la FIGC @Maxppp

Alors que le paysage du football européen est en constance mutation ces dernières années, l’Italie pourrait bien connaître plusieurs révolutions dans son quotidien footballistique. Des réformes sont actuellement discutées, mais les clubs italiens doivent faire face à la fédération d’un côté et au gouvernement de l’autre.

Crise économique, stades délabrés, faible utilisation des jeunes joueurs, équipe nationale en reconstruction… L’Italie a bien du mal à faire évoluer son football qui était pourtant, jadis, l’un des plus glorieux d’Europe. Les heures dorées du football italien semblent désormais bien lointaines. L’époque où la Serie A s’érigeait en meilleur championnat du monde avec la Juventus, l’AC Milan, l’Inter Milan, l’AS Rome ou encore le Parma Calcio n’est qu’un agréable souvenir perdu. Le Calcio vit des moments bien sombres depuis plusieurs années et peine à assimiler la modernité du football. Mais le président de la FIGC, Gabriele Gravina, a plusieurs idées pour révolutionner le Calcio mais avant de lancer sa politique de grands travaux, il doit convaincre les acteurs majeurs, à commencer par les clubs : «Ce sera l’année de la réforme, le chemin est tracé. Je ne parle pas de celui des championnats, qui est une conséquence, je fais référence aux nouvelles règles. La durabilité économique, la relation entre les clubs, les footballeurs et les entraîneurs et la valorisation de la chaîne d’approvisionnement des jeunes, tels sont les thèmes centraux sur lesquels se joue l’avenir du football italien. J’ai plusieurs propositions à mettre sur la table, le moment est venu pour chacune Je demande au député de faire un pas en arrière pour faire cinq pas en avant en tout»

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Une réunion informelle a eu lieu le 10 janvier entre le président de la FIGC, Gabriele Gravina, et les représentants des clubs de Serie A pour commencer à discuter de la réforme du football italien que la Fédération envisage de mettre en œuvre. A la fin de la réunion, qui a duré environ trois heures, Giuseppe Marotta, le président de l’Inter Milan, a voulu faire un bref commentaire, affirmant qu’il s’agissait d’une «réunion constructive». «On a parlé de réforme des championnats et pas seulement de cela, mais aussi d’un ensemble de réformes qui concernent le football professionnel en général. C’était une rencontre très utile, qui se poursuivra dans les prochains jours», a ajouté le président de Bologna, Claudio Fenucci. Plusieurs entretiens vont avoir lieu durant l’année 2024 entre les institutions italiennes et les présidents des clubs dans l’espoir de s’accorder sur une feuille de route à respecter pour faire grandir le football italien. La date du 11 mars 2024 est d’ores et déjà clef, ce jour pourrait rentrer dans les mémoires du Calcio pour différentes raisons.

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Conflit avec la FIGC et la Lega

La réforme des championnats italiens rencontre encore une forte opposition de la part des clubs de Serie B et Serie C et d’une partie de ceux de Serie A. Pour la rendre plus acceptable, une solution doit être trouvée avec tous les protagonistes du football italien, afin de mieux installer la réduction officielle des équipes pour chaque championnat. Le président de la FIGC, Gabriele Gravina, le président de la Lega, Lorenzo Casini, et les dirigeants des clubs italiens ont notamment discuté de cette réduction drastique du nombre d’équipes professionnelles par championnat, à l’heure où 100 clubs sont actuellement répartis en trois championnats. La réduction s’appliquerait à ces trois échelons professionnels : la Serie A, la Serie B et la Serie C seraient alors allégées à 18 équipes. L’autre idée qui circule actuellement dans les couloirs de la FIGC est d’intégrer un système de Playoffs, soit des séries éliminatoires entre les trois championnats. Pour assurer sa montée aux échelons supérieurs, le dernier de Serie A rencontrerait le premier de Serie B et le dernier de Serie B avec le premier de Serie C - si l’instauration d’une Lega Pro avec une troisième division unique à 18 équipes est confirmée puisque aujourd’hui, la Serie C est répartie en trois poules régionales pour un total de 60 équipes. L’hypothèse d’un retour de la Serie C2 comme quatrième division semi-professionnelle est envisagée.

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Pour l’instant les positions au sein de la Ligue italienne restent encore assez disparates : les grandes écuries du Calcio seraient favorables à une réduction à 18 équipes, ce qui permettrait de faire face aux nombreux engagements des prochaines saisons du football mondial (dont la Ligue des Champions élargie et le Mondial des Clubs à 32 équipes), tandis que les équipes plus petites visent naturellement à maintenir le format actuel de 20 participants dans l’espoir de ne pas risquer de perdre une place à la table des grands, à l’heure où l’Italie est en tête du classement des coefficients des clubs de l’UEFA Association après la phase de groupes des compétitions européennes cette saison. Pour adopter une réforme officielle, la Serie A aura besoin d’une majorité de 14 voix, ce qui semble pour l’instant difficile à obtenir. La prochaine rencontre entre les clubs italiens est prévue le 26 janvier prochain. Pendant ce temps, la Fédération de football continue sur sa lancée : Gravina a manifesté à plusieurs reprises son intention de réformer le système du football et a fixé son objectif au 11 mars, date à laquelle est prévue une réunion extraordinaire du Conseil fédéral. Si un accord n’est pas trouvé, l’obligation qui permet aux différents acteurs de bloquer la réforme pourrait disparaître, mais évidemment l’objectif de tous est de trouver une solution partagée d’ici les deux prochains mois.

Bras de fer avec Giorgia Meloni

Au-delà des changements purement sportifs décidés par les instances footballistiques, les clubs italiens doivent également encaisser des choix politiques récents votés par le gouvernement de Giorgia Meloni, présidente du Conseil des ministres italien. En effet, dans les dernières semaines de l’année 2023, les clubs italiens ont appris une nouvelle inattendue : la fin officielle du decreto crescita. Introduit en 2019 en Serie A, ce coup de pouce fiscal, introduit en 2019, permettait d’exempter d’impôt 50% du revenu salarié des joueurs étrangers. Si jusqu’alors ces allégements fiscaux permettaient d’attirer des stars étrangères (Ibrahimovic, Lukaku, Pogba, Di Maria, Mourinho…) ou des Italiens ayant résidé à l’étranger pendant au moins 2 ans, cette décision gouvernementale rebat totalement les cartes. A noter la fin du décret est officiellement entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Une aberration pour beaucoup de dirigeants italiens, à commencer par Giorgio Furlani, le président de l’AC Milan : «Le Decreto Crescita est la seule loi qui nous a aidé en Italie. S’en débarrasser est une folie. Le football n’est pas un jouet, c’est une industrie qui attire les capitaux étrangers et dont le pays tire un rendement important. Grâce au Decreto Crescita, nous pouvons attirer des talents qui ont connu du succès en Europe. Cela nous a permis de maintenir le même niveau de droits TV et a attiré des investissements dans les infrastructures de capitaux étrangers». Pour rappel, l’Italie s’apprête à organiser, conjointement avec la Turquie, l’Euro 2032 et inutile de dire que l’écosystème du football turc semble aujourd’hui bien plus solide et pérenne que celui du Calcio.

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«Sur cette question, la FIGC a toujours pensé que le décret de croissance n’était pas le bon instrument pour garantir des bénéfices économiques aux clubs professionnels, avec le ministre Abodi nous partageons tous les dossiers pour le développement du football italien dans le respect mutuel et une grande collaboration. Cependant, les problèmes les plus délicats touchent l’ensemble du Gouvernement et l’ensemble du Parlement. En 2024, le football et la politique devraient signer un pacte pour permettre à notre secteur d’exprimer au mieux tout son potentiel, dans l’intérêt du pays», a récemment affirmé Gravina qui essaye de maintenir un dialogue avec Giorgia Meloni et son ministre des Sports, Andrea Abodi. Interrogé à ce sujet, le président du Torino, Urbano Cairo, a taclé les politiciens italiens qui délaissent totalement le milieu : «On dirait presque que le gouvernement veut détruire le football, c’est incroyable. L’Etat n’apporte pas la moindre aide, vous avez vu ce qui s’est passé avec le décret croissance qui était aussi un avantage pour le pays. En le supprimant, le football a été pénalisé sans que personne en profite. Ensuite, il y a la question des paris qui valent 16 milliards d’euros et sur lesquels on ne prend pas un centime. Enfin, les stades : il y a des équipes qui veulent les construire mais n’y arrivent pas. L’État doit également aider le football, car celui-ci emploie des centaines de milliers de personnes et contribue au trésor public à hauteur de 1,3 milliard par an, sans compter l’ensemble du front des paris. Pourquoi veulent-ils détruire le football, qui est une industrie importante qui fournit du travail à tant de personnes ?». En tout cas, l’Italie a besoin de grandes réformes pour redevenir et retrouver son fauteuil de grande nation du football…

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