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Bilal El Khannouss, Stuttgart : «aucun club n’a voulu payer ma clause»

Après un été mouvementé et un mercato compliqué, le jeune Bilal El Khannouss a posé ses valises à Stuttgart en Bundesliga. Depuis, le milieu de terrain marocain a démarré très fort sa saison et espère bien vivre une CAN parfaite avec la sélection marocaine. Entretien.

Par Hanif Ben Berkane
13 min.
Bilal El Khannouss @Maxppp

Foot Mercato : 18 matches, 5 buts, 4 passes décisives avec Stuttgart pour tes débuts, on peut dire que c’est une acclimatation plus que réussie, non ?

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Bilal El Khannouss : Bien sûr, comme je l’ai déjà dit, je me sens très bien ici. C’est un bon club, une bonne philosophie et j’ai un très bon coach, ce qui me convient le mieux. J’avais besoin de faire ce pas pour grandir en tant que joueur. Ce qui me manquait, je pense, c’était des statistiques. J’espère que je vais faire une grosse saison ici.

FM : À quel point le championnat allemand correspond à tes qualités ?

BEK : C’est un championnat ouvert, il y a beaucoup d’occasions par match, beaucoup d’espaces. Ça joue beaucoup homme contre homme aussi. Donc il y a les pour et les contre. Mais c’est un championnat qui me convient, le style aussi. Donc je suis content d’être dans cette équipe. J’espère en profiter au maximum.

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FM : Tu insistes sur le fait de te sentir bien dans ce groupe. Un groupe soudé qui n’a pas hésité à prendre récemment la défense d’Angelo Stiller, moqué pour son physique par un adversaire en Ligue Europa…

BEK : Oui, on a un très bon groupe, avec énormément de qualités. Il y a de très bons joueurs comme Stiller, Bouanani ou encore Leweling et Assignon. On a un groupe de qualité et on l’a montré dans pas mal de matches. Et on est tous unis parce qu’au final, on joue tous avec le même but : celui de gagner et d’avoir des résultats et pourquoi pas gagner des trophées.

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FM : Au niveau personnel, tu as eu un été mouvementé sur le mercato. Raconte-moi un peu comment tu l’as vécu avec notamment ce transfert à la dernière minute vers Stuttgart ?

BEK : Je connaissais le coach depuis les Jeux Olympiques. Ça ne s’était pas fait l’été d’avant. Donc j’ai fait une saison à Leicester. Et cet été, ça a été un peu difficile avec la relégation. J’ai eu pas mal d’intérêts de clubs mais du concret seulement de certains clubs qui ont finalement pris la décision de ne pas vouloir mettre une certaine somme sur moi ou quelque chose comme ça. Moi je suis un gars qui se remet en question. Donc je me suis regardé dans le miroir et je me suis demandé quel était le souci avec moi. Je pense que c’était aussi au niveau des statistiques. Je n’ai pas fait une mauvaise saison, j’ai plutôt fait une bonne saison dans une équipe qui tournait difficilement. Mais cet été, honnêtement, je n’ai pas compris le mercato, comment il s’est passé. Après, c’est le football d’aujourd’hui. Beaucoup de choses rentrent en compte. Je suis marocain, je suis africain, ça joue aussi beaucoup.

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FM : Pour la CAN c’est ça ?

BEK : Il y a la CAN mais aussi… voilà. Mes parents m’ont toujours dit qu’il fallait travailler deux fois plus. Comme je l’ai dit, ça a été un été mouvementé et difficile, mais je suis finalement content d’être à Stuttgart. On me fait confiance et j’ai un très bon coach, qui a des idées très claires. Dieu fait bien les choses. Je vais tout casser ici et faire un grand pas dans les années à venir.

FM : Tu as évoqué le fait de te regarder dans le miroir, tu as douté ?

BEK : Non, il n’y a jamais eu de doutes. Je sais le joueur que je suis et les gens le savent. Il n’y a jamais eu de doutes sur moi. Il faut juste savoir se remettre en question et savoir dans quel football on est aujourd’hui. Le football d’aujourd’hui, c’est performer et avoir des statistiques. Jouer de bons matches, ce n’est plus assez. Quand j’ai compris ça… On ne va pas se mentir, cette saison il y a des matches où je n’ai pas été bon… Mais tu ressors au final avec une passe décisive ou un but et on va retenir que ça : "Bilal a fait une passe décisive, Bilal a marqué". C’est ce que j’ai compris. Maintenant, le plus important pour moi c’est de savoir faire les deux : jouer un bon match et être décisif. Parce qu’à mon poste, c’est ce qu’on demande : faire marquer et marquer.

FM : Sur le mercato, tu as été très courtisé en Angleterre notamment, tu te voyais rester là-bas ?

BEK : Bien sûr, la Premier League a été ma priorité pour le dernier mercato. J’ai été en contact avec pas mal de clubs, j’ai même été en négociations avancées avec certains clubs. Mais ça n’a pas abouti. Et Stuttgart a toujours été là, donc c’était le bon moment. Je leur ai fait confiance, eux aussi, donc c’était le bon match.

FM : À ton arrivée à Leicester, beaucoup étaient sceptiques sur ton intégration avec ton profil, comment ça s’est passé ?

BEK : Niveau qualité, je ne pense pas que c’est un souci, on ne va pas se poser de questions sur ça. C’est surtout sur l’intensité qu’il faut s’acclimater. Quand tu passes d’un championnat à la Premier League, ça va à 2000, ça sprinte de partout. Je pense que c’était une acclimatation sur les deux premiers mois. Après, je pense que j’ai montré à pas mal de gens qu’ils ont eu tort sur le fait que je ne pouvais pas évoluer dans ce championnat. J’ai montré que je n’ai rien à envier à personne.

FM : On a entendu de nombreuses rumeurs sur ton départ avec notamment Tottenham ou United, c’était concret ?

BEK : Non, ces clubs-là n’ont pas été vraiment concrets. Tu connais le football aussi, dans le mercato, il y a des listes. Top 1, top 2, top 3, j’étais dans pas mal de listes. Mais niveau concret, c’était surtout Crystal Palace et Newcastle aussi un petit peu. Au final, ça n’a pas abouti. Ce que je n’ai pas compris, surtout, c’est que ça n’a pas abouti en sachant que j’avais une clause libératoire. Aucun club n’a voulu la payer. On a réussi à trouver un deal avec Stuttgart. Et je suis content même si les choses n’ont pas été faciles cet été pour être honnête. C’était difficile de trouver une porte de sortie avec Leicester qui n’a pas rendu la tâche facile.

FM : Tu ne te voyais pas rester en Championship dans une année de CAN et de Coupe du monde alors que Leicester espérait te conserver pour monter ?

BEK : C’est exactement ça. Le nouveau coach est arrivé à Leicester. On avait repris depuis deux semaines. Il a voulu m’expliquer son projet mais j’ai été clair dès le début avec le club et le coach. Je ne me voyais pas rester en Championship, je vise beaucoup plus haut que ça tout en respectant le championnat. Je voulais jouer en Premier League, en Bundesliga, au haut niveau. Disputer des Coupes d’Europe comme un jeune de mon âge le veut. J’ai dit que je voulais partir. Et ils m’ont dit que si tout était aligné niveau deal, ils allaient le faire. Au final, sur la fin de mercato, ils ont dû avoir un peu plus d’espoir que je reste. C’était hors de question pour moi et je leur avais dit. Je ne me voyais vraiment pas rester une année de plus à Leicester.

FM : Il y a aussi la sélection marocaine et cette CAN. Comment tu abordes la compétition ?

BEK : C’est la compétition la plus importante de l’histoire du Maroc. Une CAN à la maison. On a tout en place pour faire une bonne compétition. On a un top coach, un top groupe, de bons supporters. On joue à la maison, il n’y a pas d’excuses. On va tout faire pour gagner inch’Allah.

FM : Tu es à un poste avec une très grosse concurrence, comment tu te sens dans ton rôle avec le groupe ?

BEK : On a un groupe de qualité. La concurrence, il y en a partout que ce soit en club ou en sélection. Mais c’est différent. Quand tu arrives en sélection, jouer pour le Maroc c’est une fierté. Que tu sois sur le terrain ou non. Tu dois être fier de représenter ce pays. Comme je l’ai toujours dit, on veut tous jouer, c’est logique, on a de l’ambition, on est des professionnels. Mais il n’y a que onze joueurs qui peuvent être sur le terrain. On ne peut pas être 30. Il va falloir l’accepter. Que je sois titulaire, remplaçant, réserviste, pas de souci. C’est le pays avant tout. J’accepterai.

FM : Vous avez récemment battu le record de victoires de suite, est-ce qu’avant de le battre c’était quelque chose dont vous aviez parlé ?

BEK : Bien sûr, c’était vraiment un objectif pour tout le monde. Le coach l’a dit, le groupe l’a dit. On joue pour écrire notre nom dans l’histoire. On l’a fait avec cette série de victoires. Et vous l’avez vu je pense, la manière dont on a célébré ce but face au Bahreïn, beaucoup peuvent se dire que ce n’est pas bien etc. Mais tu bats un record donc je trouve que c’est totalement logique et normal de le célébrer.

FM : Inconsciemment, est-ce que ça vous a un peu fait peur ?

BEK : Non je ne pense pas. Tout le monde savait qu’on jouait pour ce record. Mais je ne pense pas que ça changeait quelque chose en termes de pression. On joue pour gagner des matches, on est le Maroc. Qu’on joue X, Y ou Z, il n’y a aucune pression. Cela n’avait rien à voir avec le record. Certaines choses dans les matches font que ça se passe plus difficilement. Des équipes viennent jouer avec un bloc très bas. Surtout quand tu vois les qualités qu’on a… Je pense que la plupart des équipes font ça : un bloc très bas, en essayant de jouer la contre-attaque, certains vont essayer de presser. Chaque match est différent. Mais je ne pense pas que ça rajoute une pression.

FM : Vous avez souvent joué contre des blocs bas ces derniers mois. Vous vous attendez à ça pour la CAN ?

BEK : Oui bien sûr. Quand tu vois les qualités qu’on a, je pense qu’il y a pas mal d’équipes qui vont nous attendre en bloc bas. Ils vont essayer de jouer la contre-attaque. On est prêts pour ça. On s’est bien préparés, on sait gagner des matches comme ça maintenant. Il y a parfois des matches qui s’ouvrent sur des exploits individuels, des coups de pied arrêtés. C’est pour ça qu’on a des joueurs de qualité. Ce ne sera pas un souci, on est prêts pour ça.

FM : Au niveau de l’actualité du Maroc, il y a aussi la récente blessure d’Achraf Hakimi. Comment vous l’avez vécue ?

BEK : Je regardais le match à la maison. Dès que j’ai vu le tacle et que je l’ai vu pleurer, ça m’a fait mal. Ça fait mal de voir Achraf comme ça. On est très contents de l’avoir déjà vu recommencer à courir. Sur le moment, je lui ai envoyé un message, à son frère aussi. Ce n’est pas facile de voir un joueur, un coéquipier, un frère se blesser quelques semaines avant une compétition sachant l’importance de cette compétition. Surtout connaissant aussi l’importance d’Achraf dans notre groupe. C’était dur mais al hamdoulilah, on est contents qu’il puisse reprendre.

FM : Il y a une très grosse attente de la part des supporters et des critiques sur le niveau de jeu du Maroc aussi…

BEK : Franchement, on a déjà assez de pression sur la compétition donc il ne faut pas s’en rajouter. On sait ce que le peuple et le pays attendent de nous. Tout le monde le sait et a ça en tête. On va commencer la compétition avec une seule idée : garder le trophée à la maison. Il n’y a pas de doutes là-dessus. Ce n’est vraiment pas facile de jouer contre des blocs bas. Il faut essayer de trouver des espaces, faire bouger le ballon, jouer vite de droite à gauche. Il y a beaucoup de choses à prendre en compte. On a de très bons joueurs et je pense qu’on est confiants là-dessus.

FM : Il y a 3 ans en interview avec nous tu nous disais que le Maroc était un choix du cœur. Tu fais partie de ces jeunes qui n’ont pas douté avant de choisir la sélection. Tu as conscience que ce choix a pu inspirer ?

BEK : Bien sûr, moi ça a toujours été un choix du cœur. Ça n’a jamais été quelque chose d’autre, le sportif ou autre. J’ai pensé à ma famille et tout ce qui va avec. Je pense que ça a pu inspirer d’autres jeunes joueurs mais je ne l’ai pas fait pour cette raison. Ce n’était pas conscient, je ne me suis pas dit que j’allais influencer la nouvelle génération. Mais ça leur donne une idée de représenter leur pays d’origine. Que ce soit le Maroc, le Sénégal, l’Algérie ou la Côte d’Ivoire, je pense que l’Afrique a énormément de talents. Si on choisit tous nos pays africains, l’Afrique peut devenir très grande. Il y a énormément de talents ici et si on continue, on pourra montrer ce que l’Afrique vaut.

FM : De plus en plus de binationaux choisissent le Maroc, tu le vois comment de l’intérieur ?

BEK : C’est un classique. Chacun fait son choix et personne ne doit influencer quelqu’un. Si tu veux jouer pour le Maroc, tu dois venir par toi-même. C’est un choix du cœur. Il ne faut pas être influencé, à toi de faire ton choix. Je l’ai fait par moi-même, personne ne m’a dit d’aller à gauche ou à droite. Il ne faut pas avoir de regrets et moi je suis très content d’avoir fait ce choix-là, et c’est ma plus grande fierté.

FM : Tu ne vas pas essayer de convaincre un coéquipier ou ami ?

BEK : Non, c’est un choix à faire tout seul. Bien sûr, tu peux donner ton avis. Par exemple, avec Chemssdine Talbi, il devait faire son choix. Et je n’ai pas été quelqu’un qui voulait l’influencer. Je lui ai juste expliqué comment la sélection marocaine fonctionnait. Après c’est à lui de faire son choix, je ne lui ai pas dit A ou B. Je lui ai montré les infrastructures, comment le coach travaillait, comment le groupe vivait.

FM : Tu as grandi en Belgique, tu suivais le football belge forcément. Est-ce que tu as aussi suivi le foot français ?

BEK : Quand j’étais plus jeune, je suivais beaucoup le football belge. Je jouais à Anderlecht. Il y avait énormément de joueurs que j’aimais bien dont Mbark Boussoufa qui était mon joueur préféré là-bas. J’ai suivi le foot français avec énormément de bons joueurs, des grands clubs comme l’OM ou le PSG. C’est un bon championnat. J’aimais beaucoup certains joueurs. À l’OM, tu avais Nasri, au PSG, j’aimais bien Zlatan Ibrahimovic. De grands joueurs ont joué ici. Et j’en observais forcément beaucoup.

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