Équipe de France féminine : les raisons d’une crise inédite

Par Lucas Billard
5 min.
Corinne Diacre @Maxppp

Les cadres de l’équipe de France féminine ont décidé de frapper fort en se mettant en retrait de la sélection. Leur objectif : faire tomber Corinne Diacre, qui a doucement, mais sûrement fragilisé sa position auprès de ses joueuses, et dont la gestion remet en cause les décisions de Noël Le Graët.

C’est un véritable raz-de-marrée qui est en train de submerger l’équipe de France féminine, remettant, par la même occasion, un sacré coup de massue sur la Fédération française de football. Ce vendredi, Wendie Renard (32 ans), capitaine emblématique des Bleues (141 capes, 34 buts), a surpris tout le monde en annonçant sa mise en retrait de la sélection, qu’elle représente depuis 2011. « C’est un jour triste mais nécessaire pour préserver ma santé mentale. C’est avec le cœur lourd que je viens par ce message vous informer de ma décision de prendre du recul avec l’équipe de France. Je ne ferai malheureusement pas cette Coupe du monde (20 juillet-20 août) dans de telles conditions. […] Je n’ai plus envie de souffrir », indiquait alors la défenseure de l’OL, invoquant des raisons sportives pour se justifier, elle qui ne cautionne plus « le système actuel bien loin des exigences requises pour le très haut niveau. » Un vrai coup dur pour Corinne Diacre, qui a appris qu’elle ne pourrait donc pas compter sur Wendie Renard en Australie et en Nouvelle-Zélande cet été.

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Mais un malheur n’arrivant jamais seul, la joueuse de l’OL a été imitée dans la foulée par ses coéquipières Marie-Antoinette Katoto (24 ans), la sensation du football français, et Kadidiatou Diani (27 ans), qui évoluent toutes deux au PSG. « Les paroles de notre capitaine Wendie m’amènent à mon tour à parler de la situation en Équipe de France. Les événements de 2019, la blessure de 2022 puis les récents événements me montrent que je ne suis plus en adéquation avec le management de l’Équipe de France et les valeurs transmises. Je prends donc la décision de mettre entre parenthèses ma carrière internationale tant que les changements nécessaires ne seront pas appliqués », expliquait alors l’attaquante aux 27 buts en 34 capes avec la France. De quoi véritablement pointer du doigt la sélectionneuse, pour ceux qui avaient encore des doutes. Car le mal est bien plus profond que cela chez les Bleues et la crise couvait déjà depuis un long moment, au fur et à mesure des choix pris par l’ancienne coach du Clermont Foot 63.

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Le malaise Diacre s’intensifiait chez les Bleues

En poste depuis le 30 août 2017 sur le banc de l’équipe de France féminine, Corinne Diacre avait déjà rapidement choqué Renard en lui enlevant le brassard de capitaine, qu’elle portait depuis 2013, au profit d’Amandine Henry. Mais l’une des premières folies de la technicienne de 48 ans restera sûrement la mise à l’écart surprenante de cette même Amandine Henry, en novembre 2020, et ce alors que la joueuse avait évoqué, auprès du président de la FFF Noël Le Graët, l’ambiance « pesante et négative » qui régnait en sélection. « Je voyais des filles pleurer dans leur chambre, moi je pleurais dans ma chambre. Ça a été un chaos total », précisait la milieu de l’OL par la suite. Juste avant, Sarah Bouhaddi, la gardienne française, avait annoncé qu’elle ne reporterait plus le maillot frappé du Coq tant que Diacre serait là. Preuve qu’un malaise s’intensifiait en interne et que les joueuses n’appréciaient pas du tout la gestion humaine de Diacre.

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Pourtant, en plein milieu de ce marasme, et alors même que l’équipe de France féminine peinait à briller sur la scène internationale (élimination en quart de finale du Mondial 2019, élimination en demies de l’Euro en 2022), le patron du football français a toujours soutenu la sélectionneuse des Bleues. Diacre a d’ailleurs été prolongée jusqu’en août 2024, juste après l’échec de l’Euro 2022. Jamais le dirigeant breton n’a penché en faveur des joueuses, donnant sûrement l’impression de ne pas vouloir entendre leur parole et leur ressenti émanant du vestiaire. Ajoutez à cela des problèmes liés à la gestion tactique et sportive de la technicienne (séances pas assez poussées sur le terrain ou en vidéo, échauffements trop longs, systèmes tactiques incompréhensibles, selon RMC Sport), et vous obtenez un cocktail explosif. De quoi frustrer, au point d’exploser. Le timing de ce tremblement de terre touchant l’équipe de France est d’ailleurs loin d’être anodin et pourrait bien avoir un lien avec la situation compliquée de NLG.

Les joueuses reboostées par un Le Graët fragilisé

Pris dans un scandale de grande ampleur à cause de présumés comportements déplacés et sexistes dénoncés par plusieurs employés de la 3F, Noël Le Graët est au pied du mur après le rapport d’audit commandé par le ministère des Sports. Son avenir à la tête du football français s’assombrit au fil des jours, en attendant le Comex de la FFF, le 28 février prochain, qui pourrait bien sonner la fin de l’aventure pour le Breton. La position fragilisée de Le Graët pourrait-il avoir donné des ailes aux joueuses de l’équipe de France pour tenter de faire bouger les choses, en l’occurrence de faire partir Corinne Diacre ? La question a forcément le mérite d’être posée. « La FFF a pris connaissance des déclarations de Wendie Renard, Kadidiatou Diani et Marie-Antoinette Katoto. Son Comité exécutif, réuni le 28 février, se saisira de la question à cette occasion. La FFF tient à rappeler qu’aucune individualité n’est au-dessus de l’institution Équipe de France », a en tout cas sobrement réagi la FFF à ce sujet, ce vendredi.

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Reste maintenant à savoir si Corinne Diacre peut bel et bien survivre à cette nouvelle onde de choc qui secoue le football français, surtout à quelques mois de la Coupe du Monde 2023, où, sans ses stars, la France aura évidemment beaucoup moins de chances de performer. Au regard de la position ferme de la Fédé, il est possible que les joueuses ne soient pas soutenues. Mais l’avenir de Noël Le Graët pourrait tout changer et donner l’envie aux décideurs du foot tricolore de faire table rase du passé et de repartir à zéro, laissant les "erreurs" du passé derrière eux. Ce qui pourrait donner lieu à un changement de sélectionneuse sur le banc des Bleues, afin de donner à la France ses meilleurs atouts, et de mettre les joueuses dans les meilleures dispositions possibles. Les prochains jours seront donc décisifs dans cette nouvelle affaire qui n’a pas fini de faire couler de l’encre.

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