De remplaçant à Arsenal à héros de l'Argentine, l'incroyable destin d'Emiliano Martinez

Par Aurélien Macedo
9 min.
Emiliano Martinez a étincelé dans le but de l'Argentine lors de la Copa América 2021 @Maxppp

Longtemps considéré comme le remplaçant du remplaçant à Arsenal, Emiliano Martinez s'est affirmé à la fin de la saison 2019/2020 en suppléant magnifiquement Bernd Leno, qui était blessé. Enchaînant ensuite avec un transfert réussi à Aston Villa, il est devenu le gardien qui a porté l'Argentine vers sa première Copa América depuis 28 ans.

Il suffit parfois d'un domino qui tombe pour que tout ce qui suit soit chamboulé. L'effet papillon n'est pas juste une métaphore, il peut clairement se produire et certaines histoires dans le football le démontrent. C'est le cas de Damián Emiliano Martínez Romero, passé en un an d'un simple remplaçant au rôle de héros local. Rien ne le prédestinait à une telle éclosion, rien ne le prédestinait à devenir footballeur. Né dans les bidonvilles de Mar del Plata, une ville qui borde l'Océan Atlantique, Emiliano Martínez n'a pas eu une enfance facile. «Tous ces moments difficiles, ce que j'ai subi, voir mon père pleurer parce que nous ne pouvions pas payer les factures. C'est tout ce que je n’ai jamais su» expliquait-il avec émotion à The Independent en octobre dernier.

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Comme de nombreux jeunes enfants pauvres d'Amérique du Sud, il trouvera son salut dans le football. Après des essais infructueux dans les deux grands clubs du pays, à savoir Boca Juniors et River Plate, Emiliano Martinez rejoindra une autre équipe de Buenos Aires soit Independiente. Dans un club où Sergio Agüero, Diego Forlan, Esteban Cambiasso ou encore Gabriel Milito ont su grandir, Emiliano Martinez va faire ses premières gammes avant d'épouser très vite un destin européen. Arsenal se propose à lui dès l'été 2010 et se présente comme une bénédiction. Il n'a pas encore 18 ans qu'il traverse l'océan, change de continent et découvre la Perfide Albion. Grandissant tout doucement avec la furent compliqués. N'arrivant pas encore à parler la langue, il se frayait que trop peu de temps de jeu pour sa première saison (3 matches). Pour autant, il ne va pas lâcher et jouera un peu plus lors d'un prêt pour Oxford, qui lui permettra de débuter au niveau professionnel en mai 2012.

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Le bonheur n'est pas toujours dans le prêt

Quelques mois après son expérience à Oxford, Emiliano Martinez revient à Arsenal en tant que quatrième gardien derrière Wojciech Szczesny, Lukasz Fabianski et Vito Mannone. Le chemin s'annonce encore long pour lui, mais il connaîtra enfin plus de protagonisme. Le 26 septembre 2012, il réalise sa grande première avec Arsenal lors d'un match de League Cup remporté face à Coventry (6-1). Quelques semaines plus tard, il va vivre un des matches les plus fous de l'histoire des Gunners avec une victoire 7-5 en prolongations face à Reading toujours en League Cup. Il jouera ensuite uniquement avec les réserves et s'en suivra une belle série de prêts. Envoyé à Sheffield Wednesday (D2 anglaise), il ne jouera pas beaucoup et reviendra la saison 2014/2015 avec Arsenal. Troisième portier derrière Wojciech Szczesny et David Ospina, il gagne en crédit sans pour autant pouvoir changer la hiérarchie. Il bénéficiera néanmoins des absences des uns et des autres pour disputer 4 matches de Premier League, 2 matches de Champions League avant de finir les deux derniers mois de la saison en prêt à Rotherham United.

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Encore une fois écarté de l'équipe, il prendra le chemin de Wolverhampton en prêt. Nouvelle expérience en Championship pour la saison 2015/2016 et nouvelle désillusion. Titulaire en première partie de saison, il ne rejouera plus à partir de novembre en championnat. Conservé la saison suivante par Arsenal, il ne peut pas avoir un meilleur rôle que numéro trois, derrière David Ospina et Petr Cech. Disputant seulement cinq matches, il connaît un prêt la saison suivante et arrive à Getafe. Remplaçant de Vicente Guaita (désormais titulaire à Crystal Palace), il vit encore une expérience douloureuse et doit se contenter de six matches. Telle une histoire sans fin, il retourne à Arsenal la saison suivante et endosse encore le rôle de numéro trois derrière Bernd Leno et Petr Cech. Utilisé une seule fois, il finira la fin de saison à Reading, où son prêt sera enfin positif puisqu'il sera titulaire avec la formation de Championship. Profitant de la retraite de Petr Cech, il devient enfin doublure pour la saison 2019-2020 et les choses vont enfin changer. Disputant la phase de poules de la Ligue Europa, il va briller avec les Gunners et montrer qu'il peut avoir un vrai rôle avec le club londonien. Et enfin, le 20 juin 2020 est arrivé.

Neal Maupay a involontairement lancé sa carrière

Alors qu'on dispute la 30e journée de Premier League avec un match entre Brighton & Hove Albion et Arsenal, Neal Maupay entre en collision avec Bernd Leno et le blesse gravement. Emiliano Martinez qui n'avait alors dû se contenter des matches de coupes entre en jeu et terminera l'exercice titulaire. S'il ne peut pas empêcher la défaite face au Seagulls ce jour-là (2-1), il va multiplier les grosses performances. On pensera notamment à la FA Cup où il guidera les siens jusqu'à la victoire contre Chelsea (2-1). Également aligné titulaire à la reprise contre Liverpool pour le Community Shield, il endossera le costume de héros pour faire gagner un deuxième trophée aux siens (1-1, 5-4 aux TAB). Pour autant, Arsenal ne souhaite pas trancher avec Bernd Leno malgré la montée en puissance de l'Argentin. Ce dernier décide de partir le 16 septembre pour Aston Villa contre un chèque de 17,4 millions d'euros.

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«J'aime tout à propos d'Arsenal. Je les aime toujours et je regarde toujours les matches, mais j'avais juste l'impression qu'ils ne me faisaient pas confiance comme ils auraient dû. C'est la réalité parce qu'ils n'arrêtaient pas d'acheter des gardiens pour aller devant moi et j'étais le gardien de l'académie. Quand j'étais au sommet, j'avais toujours l'impression qu'ils ne me méritaient pas à cause de la façon dont ils me traitaient. Alors, après 10 ans, j'ai décidé de partir, et c'était très difficile. Ma famille ne comprenait pas pourquoi je partais alors que j'étais à un si bon niveau à Arsenal, mais c'était ma décision de partir et je suis vraiment fier de l'avoir fait. C'était un pari, mais je pense toujours que si vous restez dans la zone de confort, vous n'atteindrez jamais rien dans la vie. J'ai décidé de franchir le pas» expliquait-il peu après sa signature pour le club de Birmingham à Sky Sports.

L'explosion avec Aston Villa

Après de longs moments difficiles au cours de sa carrière, Emiliano Martinez débarque comme incontournable à Aston Villa et endosse le costume de titulaire dés son arrivée avec un match remporté contre Sheffield United (1-0). Enchaînant les prestations solides, il maintiendra pendant longtemps son équipe dans la première partie de tableau. S'affirmant comme l'un des meilleurs gardiens de Premier League, il terminera l'exercice avec 15 clean-sheets. Seuls Ederson Moraes (19, Manchester City) et Édouard Mendy (16, Chelsea) auront fait mieux. Mis en confiance par son coach Dean Smith, bien aidé par ses défenseurs Tyrone Mings et Ezri Konsa, il va aussi bénéficier du soutien de Neil Cutler son entraîneur des gardiens.« L'une des raisons pour lesquelles nous avons gardé autant de clean sheets, c'est grâce à lui. Il m'a aidé depuis le premier jour à avoir la confiance que j'avais à Arsenal. Quel que soit le nombre de matches sans encaisser de but que nous avons atteint au cours de la saison, Neil en est une grande partie» expliquait-il plein de reconnaissance.

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Fier de son parcours, Emiliano Martinez a toujours su se montrer positif et conquérant. Il n'a aussi pas oublié les personnes qui ont été là pour lui, comme son épouse : «à certains moments au cours d'une période de prêt à Getafe, j'ai cessé d'aimer le football parce que le talent que j'avais, je ne pouvais le montrer à personne. C'est pourquoi j'étais frustré, mais j'avais ma femme pour me relever tous les matins.» Dean Smith et Aston Villa lui ont également beaucoup apporté : «il aurait pu dire que vous avez besoin de temps pour vous installer et que vous jouez plus tard dans la saison. Mais il m'a fait jouer lors du premier match de la saison et il m'a fait confiance. Et quand quelqu'un me fait autant confiance, je lui en retour de réaliser de bonnes performances. C'est ce que mérite ce club. Le meilleur d'Emi Martinez.» Rendre la confiance au centuple, celui qu'on surnomme «Dibu» aime le faire et ce n'est pas Lionel Scaloni qui dira le contraire.

La Copa América comme cerise sur le gâteau

Appelé en sélection en octobre 2019 pour la première fois depuis sa seule convocation en 2011, Emiliano Martinez sait qu'il y a une place à prendre dans les buts argentins. Régulièrement convoqué, il devra patienter jusqu'au 4 juin dernier et un match contre le Chili (1-1). Juste avant le début de la Copa América, il se montre performant et passera la compétition titulaire. Encaissant un but lors d'une phase de poules bien maîtrisée, il vit un quart de finale assez tranquille contre l'Équateur (3-0). Son tournoi prend un tournant en demi-finale contre la Colombie. Dans une rencontre équilibrée, le score est de 1-1 après 90 minutes de jeu et une séance de tirs au but a lieu. Dans un climat de tension entre les deux équipes et alors que Yerry Mina s'était moqué de l'Uruguay au tour précédent, Emiliano Martinez va s'affirmer en tant que héros et repoussera les tentatives de Davinson Sanchez, Yerry Mina et Edwin Cardona et se distinguera avec une célébration assez équivoque.

Après la rencontre Lionel Messi lui rendait hommage : «nous avons Emi, qui est un phénomène. Nous lui avons fait confiance. Nous avons atteint l'objectif de pouvoir jouer tous les matches et maintenant nous allons en finale.» Le sélectionneur Lionel Scaloni était aussi sous le charme : «nous sommes très heureux de la performance d'Emiliano, non seulement à cause des pénaltys, mais aussi à cause de la sécurité qu'il transmet.» Manquant la naissance de sa fille pour disputer la finale de la Copa América, il sortira encore une fois la cape de sauveur pour conserver l'avantage 1-0. Vainqueur de la 15e Copa América de l'histoire de l'Argentine, la première depuis 1993, «Dibu» a aussi été élu meilleur gardien du tournoi. Il n'y a pas de mots pour expliquer ce moment. C'était un rêve que j'avais quand j'étais petit. «Je suis allé à Arsenal quand j'avais 17 ans à la recherche d'une vie meilleure pour ma famille et après tant d'efforts, ce moment est arrivé, le Maracanazo» lâchait-il plein d'émotion après la rencontre. Le destin se joue sur des détails, celui d'un pays tenait sans doute entre les gants d'Emiliano Martinez.

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