Le Bayer Leverkusen, les coulisses d’un sacre historique

Par Victor Garlan - Jordan Pardon - Josué Cassé
7 min.
Xabi Alonso avec le Bayer Leverkusen  @Maxppp

Ce dimanche, le Bayer Leverkusen a conjuré le sort en glanant le premier titre de champion d’Allemagne de son histoire. Une juste récompense pour l’écurie allemande qui aura marché sur la Bundesliga du début à la fin. Grâce à une remarquable régularité et un jeu spectaculaire, l’équipe de Xabi Alonso s’est donnée les moyens d’écrire une nouvelle page de son histoire tout en s’ouvrant vers une nouvelle ère de succès. Analyse de cet exploit historique.

C’est un jour à marquer d’une pierre blanche pour les pensionnaires de la BayArena. Pour l’année de ses 120 ans, le Bayer Leverkusen s’est offert le plus beau des cadeaux : un premier titre de champion d’Allemagne dans son histoire. Jouissant jusqu’ici d’une réputation peu flatteuse outre-Rhin en raison de son palmarès très maigre (une Coupe de l’UEFA en 1988 ainsi qu’une Coupe d’Allemagne en 1993) et pour être passé à deux doigts de s’offrir un triplé historique lors de la saison 2002, la formation de Rhénanie du Nord-Westphalie peut désormais chasser son surnom encombrant de "Neverkusen" qui lui collait tant à la peau. S’il prive également le Bayern Munich d’un douzième titre d’affilée, ce succès vient surtout récompenser l’incroyable parcours des hommes de Xabi Alonso. Certes, personne ne s’attendait à voir les Werkself détrôner les Bavarois et décrocher le Graal (surtout à six journées de la fin), mais les supporters avaient tout de même de quoi se montrer optimistes au regard du début de saison réalisé par leurs joueurs.

La suite après cette publicité

Un rythme à 100km/h pour faire craquer le Bayern Munich !

Tandis que la saison précédente s’était achevée par une série de sept matchs sans victoire, le demi-finaliste de la dernière Ligue Europa a réalisé une entame d’exercice record en engrangeant 31 points sur 33 possibles (égalant ainsi le record détenu par le Bayern Munich de Pep Guardiola en 2015-2016 après 11 journées). Tel un rouleau compresseur, le Bayer Leverkusen continuait d’écœurer la concurrence tout en profitant des faux pas de ses principaux rivaux pour creuser l’écart en tête du classement. Ainsi, la confiance commençait à gagner les rangs des Pillendreher. «Si nous pouvons continuer comme ça, alors nous sommes sur la bonne voie pour faire une bonne saison», concédait à ce titre Xabi Alonso en marge d’une nouvelle démonstration de pouvoir contre Cologne (3-0). Affichant 45 points à l’issue de la phase aller, soit quatre de plus que le Bayern Munich, le Bayer Leverkusen s’assurait le titre honorifique de champion d’automne. Toujours en course en Ligue Europa ainsi qu’en Coupe d’Allemagne, le B04 devait désormais confirmer sur la durée. Passant le début de l’hiver sans encombre, les joueurs de Xabi Alonso envoyaient un énième signal à la concurrence en giflant le Bayern Munich à la BayArena (3-0, 21e journée de Bundesliga), qui ne pouvait que constater la supériorité de son adversaire au sortir d’une telle débâcle.

À lire Le Bayer Leverkusen prévient le Bayern Munich pour Jonathan Tah

Il était d’ailleurs difficile pour les protégés de Thomas Tuchel de se relever par la suite. S’enfonçant progressivement dans une crise de résultats, ces derniers cédaient du terrain sur leur rival à mesure que les journées s’égrenaient. Toujours invaincu, le Bayer Leverkusen poursuivait son petit bonhomme de chemin, et ce, malgré les nombreux intérêts des cadors européens pour son entraîneur - logiquement victime de son succès - qui aurait pu considérablement perturber sa folle saison. Il n’en fut rien. Tandis que Xabi Alonso clarifiait une bonne fois pour toute son avenir en mars dernier, Leverkusen s’envolait vers le titre. Au sortir d’une nouvelle contre-performance contre le Borussia Dortmund, le Bayern Munich abandonnait tout espoir de titre et tirait son chapeau au rival westphalien. «Félicitations au Bayer Leverkusen !», déclarait Thomas Tuchel avant d’être rejoint par Thomas Müller : «D’un point de vue émotionnel, on ne va pas se mentir, c’était un coup dur de voir que Leverkusen, une fois de plus, a gagné. Avec dix points de retard, on a déjà besoin d’un miracle, et ils parviennent encore à gagner.» Du début à la fin, le Bayer Leverkusen aurait démontrer une régularité dont seul Xabi Alonso semble en avoir le secret.

La suite après cette publicité

Xabi Alonso, l’architecte qui a imposé rapidement sa patte

En débarquant au pied levé il y a un an et demi, Xabi Alonso ne s’attendait sûrement pas à ce que la greffe prenne aussi vite. 17e à son arrivée, Leverkusen a finalement terminé la saison européen avec une 6e place longtemps inaccessible. Une saison de rodage, de paramétrage, qui avait fait naître quelques motifs d’espoirs, mais pas dans les proportions d’aujourd’hui. Forcément, l’entraîneur espagnol et son 3-4-3 sont indissociables de cette réussite (42 matches sans défaite cette saison). Fidèle à ses convictions, Xabi Alonso a mis en place un système porté vers l’offensive, avec un jeu de transition épousant parfaitement les qualités de ses pistons, fondamentaux dans l’animation de son équipe. Surtout, le champion du monde 2010 réaffirme fréquemment son désir de laisser de la liberté à ses joueurs, car pour lui, le talent s’exprime tout seul.

C’est de cette façon qu’on peut parfois retrouver Florian Wirtz, l’artiste de cette équipe, en position d’ailier ou de faux numéro neuf. En termes de communication, Alonso a aussi montré qu’il savait tirer sur la corde sensible pour convaincre. Du Carlo Ancelotti, parfois, dans le texte. «Lorsque l’on parle de convaincre des joueurs, ou comment avoir une bonne relation avec les joueurs, Carlo Ancelotti est un maître pour tout le monde», déclarait-il à l’AFP en novembre dernier. Mais chaque maître a un disciple, et à l’évidence, celui d’Ancelotti se nomme Alonso, dirigé par l’Italien au Real Madrid en 2014. Le sens de l’histoire voudrait d’ailleurs que le passage de témoin se fasse entre les deux hommes sur le banc madrilène à l’avenir. Mais pas pour la saison prochaine, c’est certain, car Alonso a bien la tête à Leverkusen.

La suite après cette publicité

Un groupe talentueux avec des individualités impressionnantes

Guide providentiel d’un collectif offensif, Xabi Alonso a aussi pu compter tout au long de la saison sur un groupe talentueux. Si la symphonie a, jusqu’à présent, été joué sans aucune fausse note, certains éléments des Pillendreher ont endossé le rôle de chef d’orchestre. Dans cette optique, comment ne pas évoquer le retour en grâce de Florian Wirtz. Coupé dans son élan après une grave blessure, le natif de Pulheim fait, aujourd’hui, partie des références à son poste. Convoité par les plus grands cadors d’Europe, le jeune milieu offensif de 20 ans peut ainsi se targuer de 14 buts et 18 passes décisives en 40 matches toutes compétitions confondues. Véritable maître à jouer de cette formation, le droitier d’1m77 ne cesse de briller par ses capacités techniques au-dessus de la moyenne et une vision du jeu étincelante. Dans son sillage, Victor Boniface a, lui aussi, longtemps porté l’attaque des pensionnaires de la BayArena. Si une blessure a freiné ses ardeurs, le transfuge de l’Union Saint-Gilloise, arrivé l’été dernier, aura eu le mérite de parfaitement lancer la saison des siens. À la tête de 17 buts et 9 offrandes en 26 matches toutes compétitions confondues, il restera, à ce titre, l’un des grands artisans de cette saison historique.

Pour conclure, si Leverkusen a aussi eu son lot de défis à relever avec des absences importantes en défense en raison de la Coupe d’Afrique des nations, le rendement affiché par les pistons du club fondé en 1904 demeurera, lui aussi, comme un facteur explicatif de cette retentissante réussite. Dans un système de jeu à trois défenseurs, les latéraux Alejandro Grimaldo (9 buts et 12 passes décisives) et Jeremie Frimpong (8 réalisations et 8 offrandes) ont, en effet, éclaboussé cet exercice 2023-2024 de leur talent. Derrière Victor Boniface (10 buts en Bundesliga), il s’agit d’ailleurs des deux hommes les plus prolifiques du collectif mené à la perfection par Xabi Alonso. Plus que des individualités impressionnantes, ce Bayer, porté vers l’offensive, se sera enfin distingué par son supplément d’âme. Adepte des coups de Trafalgar, presque mystiques, le nouveau champion d’Allemagne aura finalement régulièrement récupéré de précieux points sur le gong alors que tout semblait perdu. Un art rappelant finalement la signature des plus grandes écuries européennes comme le Real Madrid ou Manchester United à l’époque de Sir Alex Ferguson. Désormais, Wirtz et consorts devront veiller à ne pas s’égarer en route pour tenter d’accrocher deux titres supplémentaires - Coupe d’Allemagne et Ligue Europa - à leur palmarès tout en prolongeant leur folle série d’invincibilité.

La suite après cette publicité

Fil info

La suite après cette publicité