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EA Guingamp, Mehdi Merghem : « j’ai un accord avec ma direction pour partir »

Par Josué Cassé
13 min.
Mehdi Merghem en action avec l'EAG. @Maxppp

Leader technique et pilier essentiel du collectif de l’EA Guingamp, Mehdi Merghem, sous contrat jusqu’en juin 2025 et libre de s’engager avec le club qu’il souhaite dès le mois de janvier prochain, s’est longuement confié avant d’affronter Saint-Étienne dans le cadre de la 36e journée de Ligue 2. De ses débuts sous les couleurs Rouge et noir à ses ambitions pour le futur en passant par certains moments clés de sa carrière, dont la disparition de son ancien coéquipier Nathaël Julan, celui qui dispose aujourd’hui d’un bon de sortie n’a éludé aucun sujet. Entretien.

À l’ère de la data et de la place des statistiques dans le football, Mehdi Merghem a choisi son camp. Véritable esthète du ballon rond, le milieu offensif de l’EA Guingamp, aujourd’hui âgé de 26 ans, a juré fidélité à la beauté du geste. «Le beau, c’est la splendeur du vrai», scandait d’ailleurs Platon. Tel un artiste peintre prêtant davantage attention à la pureté de ses courbes qu’aux profits de son œuvre, l’enfant d’Aubervilliers a alors fait de cette splendeur un puissant mantra. Le talent pour le différencier, il s’est ainsi adonné à ses premières broderies, confectionnées balle au pied, du côté de Châteauroux, son club formateur, avant d’exporter son talent sur les Côtes-d’Armor. Sous le maillot de l’EA Guingamp, où il s’est engagé en janvier 2019, le franco-algérien a finalement découvert l’élite. D’abord piloté par Jocelyn Gourvennec, professeur de son art en qui il voue encore à ce jour un profond respect, le gaucher d’1m85 a rapidement transcendé les quelque 19 000 habitués du Roudourou de ses plus belles arabesques. Oui mais voilà, après neuf apparitions en Ligue 1, une passe décisive pour Yeni Ngbakoto contre l’OM et une finale de Coupe de la Ligue perdue contre Strasbourg au terme d’un parcours historique en 2019, le transfuge de La Berrichonne a vu ses rêves écorchés par une relégation et sa trajectoire affectée. Orphelin de son mentor, limogé dans la foulée de cette descente, le numéro 10 guingampais a, en effet, découvert les méthodes de Patrice Lair, ancien entraîneur de Niort et des équipes féminines de Lyon ou encore du PSG. Résultat ? Une relation plus que jamais conflictuelle, un transfert avorté au FC Lorient, une mise à l’écart suivie d’un prêt à l’AS Nancy avant de voir sa vie basculer…

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De l’air pur à Lair dur…

Victime d’une rupture des ligaments croisés quelques jours après son arrivée dans la banlieue nancéienne puis freiné par le souffle aussi violent qu’impromptu d’une pandémie mondiale, le Guingampais pleurait encore la mort de son ancien coéquipier et meilleur ami Nathaël Julan, décédé à la suite d’un terrible accident de la route le 3 janvier 2020… Profondément marqué par cette disparition soudaine mais porté par le soutien inconditionnel de ses proches - à commencer par son père, ancien footballeur devenu entraîneur - le joyau de l’EAG, décrit par son conseiller comme un joueur rare, élégant, à la technique pure et mettant son aisance au service du collectif, se rappelait alors de son alliance éternelle avec la beauté. À la mémoire de son plus fidèle allié et l’esprit revanchard - après avoir appris en juillet dernier que l’EAG souhaitait se passer de ses services - celui qui dispose désormais d’un bon de sortie s’est alors fixé un objectif : réaliser une saison pleine et ainsi relever un nouveau challenge excitant. Une ambition couronnée de succès. Aujourd’hui à la tête de 4 buts et 1 passe décisive à trois journées de la fin du Championnat, Mehdi Merghem, leader technique du collectif breton et liant parfait entre les différentes générations du vestiaire, est l’un des grands artisans de la belle saison réalisée par les Rouge et noir, toujours en course pour les play-offs. De quoi attirer les convoitises de plusieurs clubs français, espagnols, italiens et émiratis. Oui, un souvenir ne meurt jamais, il s’endort simplement et le génie a ressurgi.

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Foot Mercato : bonjour Mehdi Merghem, vous avez rejoint Guingamp en janvier 2019, avant de revenir sur votre actualité, pouvez-vous nous parler de ce choix de carrière et comment jugez-vous votre trajectoire sous ce maillot ?

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Mehdi Merghem : j’ai commencé ma carrière professionnelle à Châteauroux donc le fait de rejoindre Guingamp à cette époque, qui évoluait en Ligue 1, c’était pour moi un bond en avant. Je suis arrivé et j’ai rencontré un super coach, Jocelyn Gourvennec. J’ai vraiment progressé avec lui, il a toujours été à l’écoute, il m’a aidé et m’a fait confiance. J’ai fait mes premiers pas en Ligue 1 et tout s’est vraiment bien passé. Malheureusement, quelques mois après mes débuts, le club est descendu en Ligue 2 et c’est à partir de là que les choses ont changé. Il y a eu un changement de coach avec l’arrivée de Patrice Lair qui m’a clairement fait comprendre que je n’entrais pas dans ses plans. C’était une période vraiment difficile, il ne comptait pas sur moi…

FM : au point de remettre votre avenir en jeu ?

MM : oui clairement, à ce moment-là (Patrice Lair est arrivé au club en mai 2019, ndlr), Lorient est arrivé en plus et souhaitait me recruter mais malheureusement le deal n’a pas pu se faire et là encore Patrice Lair n’a pas été clair dans ses intentions. J’étais en train de discuter avec Lorient, ça ne se passait pas bien avec le coach, il m’avait clairement dit que je ne jouerai pas, mon départ était inévitable mais une semaine avant la fin du mercato, il est revenu vers moi pour me dire que finalement il comptait sur moi, il m’a appelé dans le groupe pour un match contre Lens. Moi je savais que j’avais cette proposition de Lorient, j’ai accepté car je me suis dit que c’était une possibilité de faire mes adieux de la meilleure des manières possibles mais après avoir accepté, Patrice Lair est allé voir le président pour dire qu’il n’y avait plus de problème, que tout était réglé. Au final, une fois le mercato fermé, j’ai été envoyé à la cave et j’ai vécu une saison très difficile. J’ai commencé la saison 2019-2020 à la cave et en janvier 2020 j’ai appris le décès de Nathaël Julan (l’attaquant passé par le HAC et Guingamp est décédé à l’âge de 23 ans dans un accident de la route, ndlr)…

«Nathaël Julan ? Je sais que depuis ce jour-là ma vie a changé !»

FM : est ce que vous souhaitez revenir sur ce moment douloureux ?

MM : sincèrement, ça me fait du bien même d’en parler, ça me fait plaisir de savoir que les gens se rappellent de son nom. C’était plus qu’un ami, ça dépassait le football, je le considérais vraiment comme mon frère. On est tous les deux du 19 juillet, on s’entendait vraiment bien.

FM : comment s’est faite votre rencontre ?

MM : quand je suis arrivé à Guingamp, Nathaël n’était pas encore là, il était en prêt à Valenciennes à ce moment-là mais moi je m’entendais très bien avec Guessouma Fofana et eux deux sont originaires du Havre donc quand Nathaël est revenu de prêt à l’été 2019, on a rapidement crée ces liens. Après ça, on ne s’est pas lâché. Il faut savoir aussi qu’à Guingamp, nous étions dans la même situation compliquée. On était à la cave avec Guessouma, Nathaël et Félix Eboa Eboa donc on a traversé cette période ensemble. On s’est soutenu, on était soudé, un groupe de quatre, très lié. Mais pour revenir sur Nathaël, c’était une personne loyale et un très grand footballeur.

FM : quelle image gardez-vous de Nathaël Julan ?

MM : j’ai connu quelqu’un d’exceptionnel. Il était toujours souriant, il avait la vanne facile, il était doux à vivre. A côté de lui, la vie était belle, tu passais toujours des bons moments. Je me souviens que même sur le terrain, on avait encore cette complicité et ces rires. C’était un moment de notre carrière difficile et cette complicité nous a permis de nous évader quelque peu. Il avait un coeur immense et je peux le dire car il a traversé des moments très difficiles à Guingamp mais malgré ça, il n’a jamais causé de torts à personne. Il n’a jamais été impacté, il restait motivé, même quand il était envoyé en réserve, il conservait cette envie. Il avait une vraie force mentale et au-delà de ça, c’était un footballeur très talentueux. C’est le genre de personne rare, nous n’avions pas besoin de parler, on se comprenait avec un regard. C’était vraiment une relation qui dépassait le cadre du football. Je me reconnaissais en lui, on était pareils, on avait les mêmes centres d’intérêts, c’était fort et beau.

«Mon aventure à Guingamp, elle s’est arrêtée en même temps que le décès de Nathaël»

FM : j’imagine que sa disparition vous a profondément marqué…

MM : c’est choquant. Très choquant. Quand j’ai appris la nouvelle, je n’ai pas voulu y croire, j’étais au téléphone avec lui le matin même, au téléphone, avant que ça arrive et quand j’ai appris ça, je me suis dit que ça aurait pu être moi tellement on partageait des choses communes. Je sais que depuis ce jour-là ma vie a changé, j’ai remis énormément de choses en question que ce soit sur le plan du football ou dans ma vie d’homme. Ma perception de la vie a changé, il y a eu un switch. J’ai appris ça, quelques mois après, il y a eu le Covid, et après ça encore je me suis fait les croisés. Toutes ces nouvelles, je les ai connues en 6 mois d’intervalle donc en sortant de toutes ces épreuves, j’ai eu la sensation d’être quelqu’un de différent…

FM : comment avez-vous su rebondir ?

MM : je sais que maintenant je rentre sur le terrain, je regarde le ciel et je me dis ‘vas y on le fait ensemble mon frère’. J’ai envie d’accomplir les choses pour lui aussi, il n’a pas pu aller au bout des choses mais on va y aller tous les deux et sincèrement, mon aventure à Guingamp, elle s’est arrêtée en même temps que le décès de Nathaël.

«Pour moi, le football, c’est le beau geste, cet instinct et cette envie de faire briller le partenaire»

FM : vous êtes d’ailleurs prêté à Nancy à l’été 2020…

MM : oui malheureusement, quelques jours après mon arrivée alors que je respirais à nouveau et que je retrouvais pleinement mon football, je me fais les croisés et je fais une saison blanche quasiment. Je suis donc revenu à Guingamp et j’ai décidé de prolonger mon aventure avec l’EAG. Entre-temps, le coach avait changé (Patrice Lair a été suspendu de ses fonctions en septembre 2019, ndlr), il y avait aussi une nouvelle direction donc j’ai retrouvé un environnement plus sain. Il n’y avait plus personne avec qui j’étais en froid par le passé. Stéphane Dumont était arrivé sur le banc et moi, de mon côté, avec tous ces événements, j’ai eu la sensation d’être un meilleur homme et un meilleur joueur.

FM : l’arrivée d’une nouvelle direction et de Stéphane Dumont sur le banc a relancé un nouveau cycle pour vous ?

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MM : je suis arrivé dans cet état d’esprit oui. Il faut savoir que mon passé à Guingamp a vraiment été douloureux. J’ai vécu des premiers mois exceptionnels sous les ordres de Jocelyn Gourvennec, j’étais heureux mais la suite a été très difficile. Forcément quand je suis revenu de Nancy à l’été 2021, j’avais des craintes sur le contexte du club mais j’ai vu que tout le monde était dans un bon état d’esprit. On m’a laissé m’exprimer et j’ai réalisé une bonne saison en terminant dans la peau d’un titulaire. L’année dernière j’ai connu un exercice en demi-teinte et cette saison je suis vraiment performant avec la pleine possession de mes moyens. Concernant Stéphane Dumont, c’est un bon coach, j’ai une bonne relation avec lui, il m’a aidé et ça se passe très bien.

FM : vous êtes désormais un cadre du collectif, vous êtes décisif (4 buts, 1 passe décisive) et vous apportez un vrai plus au secteur offensif de l’EAG, comment expliquez-vous ce retour au premier plan ?

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MM : j’ai toujours pu compter sur le soutien de ma famille, notamment de mon père qui était footballeur, il est entraîneur aujourd’hui et il continue à me donner de précieux conseils. Je me suis marié aussi et cet environnement stable me permet aujourd’hui d’être performant. Ma femme me donne ce confort et ce supplément d’âme. J’ai aussi eu un esprit revanchard. Il faut savoir qu’en juillet dernier malgré ma situation en demi-teinte, des clubs étaient intéressés et le club souhaitait me vendre. J’ai commencé la saison remplaçant mais je n’ai rien dit, j’ai travaillé dur et la tendance s’est inversée. J’ai marqué aussi contre Annecy dès la première journée, lors de mon entrée en jeu et ce but m’a fait du bien. C’était aussi l’occasion de montrer que j’étais plus que jamais de retour.

«J’ai un accord avec ma direction pour partir depuis l’été dernier»

FM : aujourd’hui vous avez un vrai rôle de leader au sein de l’effectif guingampais avec une expérience de la Ligue 1…

MM : oui après je n’aime pas les choses autoproclamées, ce sont des choses qu’on te fait ressentir, ce n’est pas forcément à moi de le dire, je pense, oui, être un leader technique, en tout cas c’est ce que l’équipe me fait ressentir, le coach aussi. Je prends ce rôle à coeur et j’essaie de tirer tout le monde vers le haut. Je reste l’un des cadres du vestiaire, je suis le seul qui est encore là depuis la période Ligue 1 donc j’amène cette expérience.

FM : pour nos lecteurs, vous êtes milieu offensif de formation même si vous évoluez plus souvent dans un rôle d’ailier droit, est ce que vous pouvez nous en dire plus sur votre profil ?

MM : je me qualifierais comme un joueur créatif, je reste un joueur assez technique et polyvalent. Je joue, avant tout, pour l’équipe. J’aime trouver ces décalages, cette dernière passe. Après je dois le dire aussi, je ne suis pas forcément partisan de ce football lié au data, à la statistique. Pour moi, le football, c’est la beauté, c’est le football qui se joue dehors avec cet instinct, les beaux gestes, cette envie de faire briller le partenaire à côté, voilà ce qui m’anime. Pour le reste, je m’épanouis plus dans un rôle axial après aujourd’hui, il y a de moins en moins de dispositifs avec un vrai numéro 10 mais ce qui compte, pour moi, c’est d’être sur le terrain. C’est la seule position qui compte, on est toujours meilleur sur le terrain que sur le banc (rires).

«Je souhaite rester en France, j’ai un goût d’inachevé en Ligue 1 !»

FM : parlons désormais de votre avenir, vous êtes sous contrat jusqu’en juin 2025 et libre de vous engager dans le club que vous souhaitez en janvier prochain, qu’en est il de votre futur ?

MM : ma décision est prise, je souhaite m’en aller et le club est au courant. J’ai un accord avec ma direction pour partir depuis l’été dernier, un bon de sortie, et je le sais depuis juillet quand j’ai appris que Guingamp souhaitait me vendre. A partir de là, je voulais vraiment faire une belle saison cette année pour avoir de belles opportunités. C’est le cas et maintenant les choses doivent se faire en intelligence pour que toutes les parties soient gagnantes. D’un côté que le club puisse récupérer de l’argent et que je puisse, de mon côté, relever un nouveau défi excitant.

FM : dans cette optique, avez-vous justement une destination privilégiée ?

MM : je souhaite rester en France, j’aimerais encore faire des choses ici, j’ai un goût d’inachevé en Ligue 1 où je n’ai disputé que neuf matches et je sais que j’ai encore des choses à faire dans ce championnat.

FM : pour terminer, vous vous apprêtez à jouer Saint-Etienne dans le cadre de la 36e journée de Ligue 2, comment appréhendez-vous ce rendez-vous ?

MM : jouer contre Saint-Etienne, c’est toujours une belle source de motivation, ça va être une belle soirée de football contre une belle équipe qui pourrait monter en Ligue 1 d’ici la fin de saison. De notre côté, on va faire le maximum pour l’emporter. Il reste trois matches et je vais tout donner pour le club. J’ai envie de partir la tête haute.

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