Liga : les clés du miracle Eibar

Par Max Franco Sanchez
7 min.
Eibar @Maxppp

Actuellement 6e de Liga, le plus petit budget du championnat n'en finit plus d'impressionner. Foot Mercato décrypte les clés du succès du club d'Eibar, petite ville perdue dans les vallées basques.

Jusqu’à l’an dernier, le nom d’Eibar était probablement inconnu de la plupart des fans de football. Après tout, on parle d’une petite bourgade de 28,000 habitants coincée entre deux montagnes dans le Pays Basque profond, loin du glamour de Saint-Sébastien ou de l’activité économique et industrielle de Bilbao. À Eibar, pas de Musée Guggenheim et pas de Plage de la Concha, ni même de restaurants ou d’hôtels bien cotés, mais un petit musée destiné à l’industrie des armes, spécialité de la ville, d’où son surnom de "ciudad armera". Depuis le départ de la dernière manufacture d’armes en 1997, les habitants de la ville se sont tournés vers l’industrie du métal, principalement destinée à l’automobile ou à l’électroménager. Une reconversion compliquée, puisque même si le taux de chômage de la ville (16%) reste relativement bas par rapport à la moyenne espagnole, il est bien au-dessus de la moyenne régionale (13%). Eibar a d’ailleurs perdu 1,500 habitants depuis le début des années 2000.

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À l’image de la ville, la Sociedad Deportiva Eibar est un club plus que modeste. Peu de grands joueurs sont passés dans les rangs eibarrenses, si ce n’est David Silva ou Xabi Alonso, en prêt bien évidemment, pendant la première partie des années 2000. Le club a fait ses débuts en Liga la saison dernière, après avoir enchaîné deux montées en deux ans. Jusqu’à ce que le club débourse 1 million d’euros cet hiver pour s’offrir les services de Gonzalo Escalante, jusqu’ici prêté par Catania, le transfert le plus élevé de l’histoire du club s’élevait à 300.000€ et date de l’été dernier, quand les Basques avaient recruté le Japonais Takashi Inui. Comme à Vallecas, le stade d’Eibar, Ipurua, est l’un des rares bastions du "football vrai". Les deux tours qui permettent aux voisins de regarder les matchs de leur balcon lui donnent une identité forte, et la rénovation des tribunes en juillet 2015, ont fait d’Ipurua un stade rural, petit, mais moderne, à l’image de ce qu’on a l’habitude de voir dans les divisions inférieures anglaises. On notera qu’Eibar est la seule équipe de Liga qui n’a pas de centre d’entraînement propre !

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Places privilégiées pour les voisins !

Une ascension fulgurante

Pour leur première saison en Liga, les hommes de Gaizka Garitano avaient impressionné, avec beaucoup de joueurs qui étaient là depuis le début de l’aventure en Segunda B (D3), avant de s’écrouler peu à peu en deuxième partie de saison. Le manque d’expérience et de talent individuel a finalement pesé, et les Basques ont terminé à la 18e position. Le départ de Raul Albentosa pour la D2 anglaise, où on lui proposait un salaire bien plus élevé qu’à Eibar en cours de saison avait également fait énormément de mal à l’équipe. Jota Peleteiro, meilleur joueur de la saison 2013/2014, avait lui aussi préféré signer en deuxième division anglaise pendant l’intersaison estivale plutôt que de découvrir la Liga ! C’est dire à quel point les salaires proposés par le club étaient relativement bas, même si cette saison ses moyens ont augmenté. La relégation administrative d’Elche a finalement permis à Eibar d’être repêché en Liga. Cette saison, les dirigeants du club n’ont pas fait les mêmes erreurs, et ont mis l’expérimenté José Luis Mendilibar aux commandes. Quinze joueurs recrutés l’été dernier, dans lesquels on en compte huit arrivées libres de tout contrat, six en prêt et Inui comme seule recrue payante. Le club a avant tout réussi à conserver ses meilleurs éléments, comme Dani Garcia ou Saul Berjon, avant de faire un savant mélange entre joueurs expérimentés comme Aitor Riesgo et Adrian Gonzalez (fils de Michel) et meilleurs joueurs de deuxième division. Ainsi, les Armeros sont allés chercher Borja Baston et Sergi Enrich, 23 et 16 buts en Liga Adelante la saison dernière, Keko, ancien espoir de l’Atlético qui a ressuscité à Albacete, ou David Juncà, prometteur latéral de Girona. Un cocktail explosif qui a déjà tout d’une réussite.

Si la gestion sportive du club est admirable, sa gestion économique l’est encore plus. Mené d’une main de maître par Alex Aranzabal, le club n’a aucune dette. En l’espace de trois saisons, Eibar est passé d’un budget de 1 million d’euros à un budget de 32 millions ! Une transition extrêmement délicate que le club a parfaitement négociée, avec l’entrée de 10.000 nouveaux actionnaires minoritaires lors d’une augmentation de capital de 2,1 millions d’euros imposée par la LFP pour pouvoir jouer en Liga à l’été 2014. Même si la situation socio-économique de la ville est loin d’être catastrophique, surtout quand on compare au sud du pays, l’apparition d’une équipe dans l’élite du football espagnol est une aubaine pour Eibar. « Eibar, en jouant en première division, touche 18 millions d’euros sur les droits TV, et en laisse donc 4 à la région avec la TVA. Au total, en additionnant tous les impôts, le club paie environ 10 millions d’euros à toutes les institutions publiques », expliquait récemment Alex Aranzabal, dans des propos rapportés par Mundo Deportivo. Les commerces, hôtels et restaurants du coin ont également bénéficié de l’explosion du club au plus haut niveau. Le football pourrait donc bien devenir l’un des principaux moteurs de la ville si Eibar réussit à se maintenir en première division pendant les années à venir.

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Des perspectives d'avenir encourageantes

Le nom de la petite ville est désormais connu aux quatre coins du monde. La preuve, parmi les actionnaires du club, on retrouve plus de 69 nationalités différentes, et le club compte déjà un groupe de supporters aux États-Unis, en Chine ou à Chypre par exemple. Les supporters du club maintiennent également des liens assez serrés avec l’Écosse. Le principal groupe de supporters eibarrenses, "Scotland The Brave", est né suite à un voyage des fans dans le nord du Royaume-Uni, et le groupe avait même demandé à rencontrer la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon pour renforcer les liens entre le club et l’Écosse. Le Celtic s’est d’ailleurs déplacé pour le match des 75 ans du club basque cet été, et la formation de Glasgow avait reçu un superbe accueil de la part des habitants de la ville. Le but du club est maintenant de se développer à l’international, exploitant notamment le marché asiatique, sur lequel la Liga travaille intensément depuis plusieurs années pour combler son retard avec la Premier League.

La principale difficulté pour les dirigeants sera maintenant de pouvoir retenir les meilleurs joueurs de l'équipe, qui ne vont pas manquer de prétendants dans les mois à venir. Keko est déjà convoité par le FC Séville, pendant qu'Ander Capa est dans l'agenda de l'Athletic depuis deux ans déjà. Mais l'avenir du club devrait s'écrire sous le signe de la stabilité. Les nouveaux droits TV de la ligue espagnole vont permettre au club, qui ne touche que 13,8 millions aujourd'hui, de tripler ses revenus, et ainsi clairement renflouer les caisses et permettre aux dirigeants d'être actifs sur le marché européen. Des nouveaux fonds qui devraient aussi permettre à Eibar de renforcer sa formation. Aujourd'hui, les meilleurs jeunes du club armero rejoignent la Real Sociedad, et dans des cas plus rares, l'Athletic. Ces deux clubs exercent d'ailleurs une mainmise totale sur tous les clubs formateurs de la région. Eibar pourrait ainsi devenir la 3e puissance basque et sortir de nouveaux jeunes pour l'équipe première, ce qui faciliterait aussi son développement économique. Les Rouge et Bleu s'installent peu à peu parmi les valeurs sûres du championnat espagnol, et, quelle que soit leur position à la fin de la saison, sont clairement un des clubs les plus passionnants à suivre en Liga.

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