Le gouvernement de Giorgia Meloni se déchire sur un décret qui métamorphoserait le football italien !
Alors que le décret Sport entre dans une phase décisive au Sénat, le gouvernement tente de sauver son volet le plus controversé : la création d’une commission chargée de surveiller les finances des clubs professionnels. Derrière cette mesure phare soutenue par Andrea Abodi, c’est tout l’équilibre entre État, fédérations et justice sportive qui est en jeu, sur fond de tensions croissantes entre le gouvernement Meloni et le Quirinal.

Le Décret Sport, soutenu par le gouvernement de Giorgia Meloni et porté par le ministre des Sports Andrea Abodi, s’inscrit dans une volonté de refondation institutionnelle et économique du système sportif italien. Il vise à instaurer une série de réformes structurelles : création d’une commission indépendante de surveillance financière des clubs professionnels, nomination d’un commissaire extraordinaire pour les infrastructures sportives, régulation plus stricte des candidatures aux grands événements internationaux, limitation des mandats des présidents de fédérations, et révision du cadre légal du sponsoring lié aux jeux d’argent. Derrière ces mesures se dessine une stratégie claire : remettre de l’ordre, renforcer la transparence, alléger les blocages administratifs, et moderniser l’écosystème sportif italien en vue d’échéances majeures (Euro 2032, Jeux Méditerranéens 2029, America’s Cup…). Pour le gouvernement, c’est un levier d’image, de compétitivité et de cohésion territoriale.
Mais ce décret provoque d’intenses débats politiques et institutionnels, car il touche des équilibres sensibles entre l’État, les fédérations, et les institutions républicaines. Le Quirinal, siège de la présidence de la République représenté Sergio Mattarella, s’est montré réservé, notamment face à des amendements comme celui sur l’autonomisation de la Serie A, jugés contraires à la neutralité exigée par les statuts du sport international. A l’inverse, le Palais Chigi, siège du Conseil représenté par Giorgia Meloni, défend une vision plus interventionniste : pour Meloni et Abodi, l’État ne peut plus rester passif face à des dérives systémiques. Le décret est aussi perçu comme une tentative de recentralisation politique, qui suscite des tensions même au sein de la majorité, notamment entre technocrates et représentants régionaux, et alimente la méfiance des fédérations sportives, qui craignent de perdre leur autonomie. Ce bras de fer révèle une ligne de fracture plus large sur la place que l’État italien doit occuper dans la gouvernance du sport — simple arbitre, ou acteur moteur.
Une semaine décisive pour le Décret Sport
Cette semaine a été très décisive pour l’avenir du Décret Sport, rappelle le Corriere della Sera, relayé par Calcio e Finanza. Le texte, après un parcours parlementaire agité, arrive au Sénat pour une deuxième lecture, sous la pression du temps. S’il n’est pas promulgué avant le 29 août, il expirera. Mais l’enjeu dépasse le contenu sportif du décret. C’est une véritable course contre-la-montre politique, car le Quirinal a exprimé des réserves constitutionnelles sur plusieurs articles, menaçant de renvoyer le décret au Parlement même après un vote favorable. Andrea Abodi et Giorgia Meloni tentent donc d’ajuster le texte à la dernière minute pour éviter un blocage institutionnel. Deux mesures sont ciblées : une concernant les modalités de recrutement du personnel au sein de la future commission de surveillance financière des clubs, l’autre sur la compétence des juridictions appelées à trancher les litiges avec cette commission. Ces tensions reflètent le rapport de force entre le Palais Chigi et le Quirinal, dans un contexte de saturation des décrets-lois estivaux, qui irrite le président Mattarella. Si les correctifs apportés ne suffisent pas, le décret pourrait être recalé, forçant le gouvernement à rouvrir l’ensemble du dossier au cœur de l’été, un scénario que la majorité veut à tout prix éviter.
Et au lendemain d’intenses négociations institutionnelles, le gouvernement Meloni a été contraint de céder face aux objections du Quirinal sur plusieurs points clés du Décret Sport, vidant partiellement le texte de ses dispositifs les plus controversés. Ce retournement s’est produit après une journée marquée par les retards, les tensions politiques et les désaccords internes à la majorité. En plus des deux dispositions déjà ciblées, l’exécutif comptait préserver un article majeur : celui confiant à la société publique «Sport e Salute» la gestion élargie des événements sportifs dépassant 5 millions d’euros de financement public. Mais cette mesure a suscité la réaction la plus ferme du président Mattarella, qui l’a jugée non conforme aux critères d’urgence imposés aux décrets-lois. Face à l’inflexibilité du Quirinal, et malgré la résistance d’Abodi, le ministre des Relations avec le Parlement, Luca Ciriani, a été chargé de transmettre la ligne rouge présidentielle. Une tentative de repli via un projet de loi spécifique a été envisagée, puis bloquée par l’opposition. Le soir même, un amendement a été adopté pour supprimer l’article sur «Sport e Salute», scellant un net revers pour le gouvernement.
Le décret, désormais amputé de ses trois articles les plus politiques, a été approuvé dans la soirée au Sénat à main levée, et devra encore passer une dernière fois à la Chambre des députés pour être définitivement promulgué. Mais il sort affaibli et dépolitisé : la suppression des dispositions litigieuses neutralise les ambitions du gouvernement de structurer une gouvernance centralisée des grands événements sportifs à travers «Sport e Salute», tout en freinant les tentatives de réforme accélérée de la fonction publique sportive. Pour l’exécutif, le texte reste symboliquement important, mais perd son volet stratégique sur le contrôle institutionnel du sport. Le gouvernement compte désormais revenir à la charge à l’automne, en déposant un projet de loi plus structuré, cette fois hors du cadre d’urgence, pour faire adopter ces mêmes mesures après la pause estivale. Ce recul, contraint par la vigilance du Quirinal, marque un moment de tension institutionnelle fort dans les relations entre le président Mattarella et le gouvernement Meloni.
Un impact direct sur le foot
Le Décret Sport introduit un dispositif inédit de surveillance financière des clubs professionnels via une commission indépendante, placée sous l’égide de l’État et non plus uniquement des fédérations sportives. Cette mesure cible directement les dérives comptables fréquentes dans le football italien, marqué par des clubs fonctionnant à perte, avec des bilans opaques, des arriérés fiscaux, ou des investissements à risque. La commission aurait le pouvoir d’analyser les comptes des clubs de Serie A, B et C, d’alerter en cas de déséquilibres graves, voire d’imposer des sanctions sportives ou administratives (refus de licence, restrictions de mercato). Pour certains, cela pourrait professionaliser durablement le secteur, réduire les faillites et protéger l’écosystème. Pour d’autres, cela introduit une tutelle étatique qui pourrait entrer en conflit avec l’autonomie des ligues. En tout état de cause, cela obligerait les clubs à plus de rigueur budgétaire, ce qui freinerait peut-être les investissements immédiats, mais renforcerait leur solidité à moyen terme.
Un autre pilier du décret concerne la rénovation des infrastructures sportives, historiquement l’un des points faibles du football italien. Avec la désignation d’un commissaire spécial aux stades, le gouvernement veut débloquer des projets souvent bloqués depuis des années par les lenteurs administratives ou les conflits de compétence entre clubs, municipalités et autorités régionales. L’objectif est double : permettre à l’Italie d’être prête pour l’Euro 2032 (qu’elle co-organisera avec la Turquie), mais aussi doter les clubs de stades modernes, rentables, et conformes aux standards UEFA. Cela permettrait aux clubs de générer des revenus structurels plus stables (billetterie, hospitalité, naming, événements extra-sportifs) et d’attirer des investisseurs étrangers. Mais cette transition nécessite des ressources importantes, et le décret ne garantit pas un financement public massif : les clubs devront souvent trouver des partenaires privés ou autofinancer les rénovations, ce qui pourrait accentuer les inégalités entre clubs du nord (Inter, Milan, Juventus…) et ceux plus périphériques ou du sud.
Enfin, le décret envisage une révision du cadre réglementaire autour des sponsors liés aux paris sportifs, en assouplissant le très strict «Décret Dignità» de 2018, qui interdisait la publicité de bookmakers dans le sport. Cette interdiction avait privé les clubs italiens — notamment de Serie A — de dizaines de millions d’euros de revenus par saison, contrairement à leurs homologues espagnols ou anglais, où ces sponsors restent omniprésents. Le nouveau texte propose de réautoriser ce type de sponsoring sous certaines conditions (plafonds, charte éthique, horaires protégés), ce qui pourrait permettre aux clubs de retrouver des partenaires puissants, notamment dans les marchés asiatiques et numériques. En parallèle, le décret limite la durée des mandats des présidents de fédérations, ce qui vise à rééquilibrer le pouvoir institutionnel, notamment entre la FIGC et le gouvernement, mais ouvre un conflit latent avec les instances internationales comme l’UEFA ou la FIFA, très hostiles à toute ingérence politique. Si ce bras de fer n’est pas maîtrisé, l’Italie pourrait théoriquement faire face à des sanctions (comme des exclusions de compétitions), même si un compromis est en cours de négociation pour calmer les tensions.
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