Ces Italiens promis à la Serie A qui explosent en Angleterre !
Alors que la Serie A continue de sous-utiliser ses jeunes talents, de plus en plus d’Italiens choisissent de s’exporter très tôt. La Premier League, longtemps indifférente au marché transalpin, attire désormais autant les cadres de la Nazionale que les pépites ignorées chez elles. Une fuite qui interroge et révèle les fragilités profondes du football italien.
Le paradoxe du football italien n’a jamais été aussi flagrant. Le pays continue de former certaines pépites qui brillent rapidement en équipes de jeunes, mais la Serie A refuse obstinément de leur faire de la place. Le sélectionneur Gennaro Gattuso, comme d’autres figures historiques, alerte régulièrement sur cette inertie structurelle qui condamne les jeunes talents à l’ombre. Les résultats des sélections de jeunes prouvent pourtant que la formation n’est pas le problème : les U17 ont atteint les demi-finales de la Coupe du Monde au Qatar il y a quelques jours, et l’ensemble des catégories nationales carbure. Mais l’exploitation de ce vivier est catastrophique. La Serie A est aujourd’hui le deuxième pire championnat du monde en termes de temps de jeu accordé aux moins de 21 ans, derrière les Émirats arabes unis et juste devant l’Arabie saoudite. Le symptôme le plus inquiétant se retrouve même dans les divisions jeunes : la Primavera de Lecce, championne d’Italie en 2023, faisait la une des journaux, car elle alignait un 11 entièrement composé de joueurs étrangers. Sur les 26 joueurs inscrits, seuls 7 possèdent la nationalité italienne. Une anomalie absolue qui illustre le problème structurel. Même dans des clubs modestes, les jeunes Italiens ne jouent plus… même en Primavera.
Face à cette dérive, la FIGC tente de réagir en modifiant les règles : les investissements pour des joueurs italiens de moins de 23 ans ne seront plus comptabilisés dans le calcul du coût du travail élargi. L’objectif est clair : faire de la jeunesse un levier, pas une charge. En Serie B et C, la logique sera similaire avec une limite fixée à moins de 21 ans et le risque d’un gel de mercato pour les clubs dépassant le seuil. Une révolution nécessaire pour éviter que toute une génération ne continue de s’exiler avant même d’avoir eu une chance. Face à l’immobilisme de la Serie A, certains joueurs déjà établis ou en pleine explosion sportive n’ont pas hésité à franchir la Manche pour s’installer en Premier League, où leur rôle est devenu essentiel. Malgré ses déboires extra-sportifs, Sandro Tonali reste un joueur clé de Newcastle lorsqu’il est disponible, tandis que Federico Chiesa, parti chercher un environnement plus dynamique et plus direct en Angleterre, a retrouvé un volume de jeu et une responsabilité particulière à Liverpool, que la Juventus ne lui offrait plus. Riccardo Calafiori, lui, est devenu l’un des défenseurs les plus excitants du championnat anglais grâce à son élégance, sa polyvalence et sa maturité tactique, un profil que l’Italie peine à valoriser en interne. À leurs côtés, Guglielmo Vicario, devenu titulaire indiscutable à Tottenham, symbolise aussi cette fuite qualitative. Et si Gianluigi Donnarumma s’est expatrié en Angleterre plutôt qu’en Serie A, son statut demeure symptomatique… Les talents italiens au sommet de leur carrière s’épanouissent davantage hors de leur pays qu’à domicile. Une dynamique qui renforce la Nazionale, mais qui fragilise la Serie A, incapable de retenir ou de maximiser ses propres forces et qui crée donc un véritable gouffre de niveau dans la sélection nationale.
L’impossible devenu possible
Au-delà des stars, l’exode touche désormais des profils plus jeunes, parfois très peu connus du grand public européen. Nicolò Savona incarne à merveille cette nouvelle génération qui choisit très tôt la Premier League pour accélérer son développement. Un arrière droit moderne, dynamique, qui reçoit en Angleterre ce qu’il n’aurait peut-être jamais eu en Serie A, à savoir du temps, de la confiance et un plan de progression clair à Nottingham Forest. Avec 7 apparitions et 2 buts inscrits en championnat, le natif d’Aoste marque beaucoup de points dans la rotation de Sean Dyche. Formé à la Fiorentina mais lancé réellement par Brentford, Michael Kayode ajoute de la puissance et de la verticalité à un poste de latéral droit où l’Italie manque cruellement de profondeur. Quant à Caleb Okoli, parti en Championship à Leicester, il démontre semaine après semaine qu’un jeune défenseur italien peut devenir un pilier d’une équipe anglaise même dans un contexte rugueux et exigeant. Ces trajectoires illustrent une tendance. Lorsque les clubs italiens hésitent, les clubs anglais, eux, n’attendent pas. Ils identifient, recrutent, accompagnent et récoltent les fruits d’un talent brut que la Serie A laisse filer.
Parmi ceux qui incarnent le mieux cette migration précoce, Wilfried Gnonto reste le cas d’école. Lancé très jeune en Suisse puis devenu sensation de Leeds avant même d’avoir eu sa chance en Serie A, son parcours est l’une des preuves les plus éclatantes du retard structurel du football italien. Autre grand espoir défensif de l’Hellas Vérone, Diego Coppola, a également choisi l’été dernier de rejoindre l’Angleterre pour franchir un cap qu’il n’était pas assuré d’atteindre en restant dans un projet instable de Serie A. Sans oublier le cas de Giovanni Leoni, transféré à Liverpool, qui représente probablement la version la plus contemporaine du phénomène, à savoir un défenseur central élégant, très jeune, recruté avant même de s’être réellement installé durablement en pro à Parme. S’il est actuellement blessé et n’a pas encore pu se montrer, la confiance placée en lui par un club d’élite mondial confirme une certitude. L’Angleterre a décidé de miser massivement sur la jeunesse italienne, consciente d’un potentiel que l’Italie ne sait plus sécuriser. Dans ce triangle Savona-Coppola-Leoni, se lit une même vérité : la Premier League est devenue un tremplin, peut-être même un refuge, pour des talents qui préfèrent s’exporter plutôt que d’attendre un temps de jeu hypothétique dans leur propre championnat.