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Yassine Kechta : « c’est toujours un plaisir d’être le chouchou du Stade Océane »

Pur produit du centre de formation havrais, devenu maillon essentiel du collectif Ciel et Marine, Yassine Kechta incarne plus que jamais la réussite de la Cavée. Avant d’accueillir l’OGC Nice dans le cadre de la 3e journée de Ligue 1 et au sortir d’un été encore très agité dans la cité portuaire, le polyvalent milieu de 23 ans - qui s’apprête à fêter son 100e match sous le maillot du HAC - est ainsi revenu sur sa très belle ascension. L’occasion également d’évoquer sa relation avec Didier Digard, l’exigence du championnat de France, son avenir ou encore ses ambitions avec le Maroc, pays hôte de la prochaine CAN.

Par Josué Cassé
15 min.
Yassine Kechta en action avec le HAC. @Maxppp

Foot Mercato : bonjour Yassine, avant de revenir sur votre actualité, j’aimerais évoquer vos débuts dans le football. Quels souvenirs en gardez-vous ?

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Yassine Kechta : franchement, moi, mes souvenirs, c’est que tout s’est fait naturellement. Déjà, j’ai deux grands frères et ils ont toujours joué au foot. Quand j’étais jeune à Gennevilliers, ou même au quartier, ils ont toujours joué et même mon père aussi, il m’emmenait souvent, il jouait le dimanche matin mon père, lui. Il m’emmenait avec lui, du coup j’ai toujours grandi dans le milieu du foot. J’ai regardé les matchs à la télé et après j’ai commencé à l’ES Gennevilloise, j’ai commencé sur un terrain rouge. C’est important, c’est un terrain important, le terrain rouge (rires), franchement, ça te permet de travailler la technique.

«Peut-être qu’un jour, je vais aussi être sur ce mur…»

FM : finalement vous intégrez rapidement la Cavée…

YK : oui, j’arrive au centre de formation à la Cavée, je suis en troisième donc je commence en U15. L’année d’avant, je suis au Paris FC. J’ai fait un an au Paris FC, et du coup, suite à ça, ils m’appellent pour faire un test à la Cavée. Je fais les tests, c’est positif, et ils me disent de venir directement pour continuer la saison avec eux.

FM : pouvez-vous nous décrire plus précisément ce centre, qui est aujourd’hui réputé pour sortir beaucoup de talents ?

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YK : déjà, franchement, quand j’arrive là-bas, au centre de formation, il y a un grand mur et tu vois tous les joueurs qui sont passés par le centre, qui sont formés (Paul Pogba, Steve Mandanda, Pape Gueye ndlr). Juste ce mur, ça donne encore plus d’histoire parce que tu vois ces noms. Il y a un héritage. Il y a trop de joueurs qui sont passés par le Havre et quand t’arrives, t’as juste une envie, c’est d’aller jouer avec les pros. Quand t’arrives là-bas, tu te dis, ah ouais, peut-être qu’un jour, ça va être moi qui vais être sur ce mur. En plus, t’es jeune, tu veux toujours être la meilleure version de toi-même, t’essaies d’être surclassé, tu te donnes à fond.

FM : vous êtes finalement récompensé le 15 mai 2021, jour de votre première apparition en professionnel…

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YK : oui et j’ai une petite anecdote que je peux raconter aujourd’hui sur ce moment de ma carrière. Au moment de ma grande première, c’est la fin de saison, dernière journée de championnat, on joue contre Troyes. C’est la dernière semaine d’entraînement parce qu’après, on partait tous en vacances. La semaine d’avant, je m’entraîne mais je me fais mal aux genoux. Je ressens une douleur mais comme je m’entraîne avec les pros j’essaye de le cacher, de faire un strap et de jouer. Finalement, je suis convoqué et je rentre en jeu. Franchement, j’étais content, en plus, c’était la première fois au Stade Océane. C’était un match où on avait gagné contre les premiers, c’était Troyes qui montait en Ligue 1 cette année-là donc tout était magnifique. C’est plein de beaux souvenirs. On avait pris du plaisir. Il y avait pas mal de jeunes qui ont joué aussi avec moi. Après le match, il y avait beaucoup d’émotions qui se sont mélangées. Et pour tout te dire, après le match, j’étais blessé. J’avais une petite fissure au ménisque et j’ai joué avec cette fissure mais je savais aussi que si je le disais pendant la semaine d’entraînement, c’était mort.

«L’arrivée de la nouvelle direction a été un tournant pour moi»

FM : vous avez finalement gravi les échelons très rapidement en passant de la réserve à la Ligue 2 puis à la Ligue 1, comment avez-vous géré cette montée en puissance ?

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YK : cette montée en puissance, oui, elle s’est faite rapidement mais très naturellement. Il y a un exemple qui résume bien ça avec ma signature professionnelle. J’étais en vacances et c’est au dernier moment qu’on me dit que je vais signer pro. Il y a la nouvelle direction qui venait d’arriver, un nouveau coach donc quand j’arrive à la prépa, je me dis encore que c’est une chance d’être ici, du coup, j’essaie de tout donner. Je travaillais vraiment très fort chaque jour à l’entraînement et j’ai vu que petit à petit, ça payait. Le coach, Luka Elsner, m’a rapidement apprécié. Il a commencé à me faire jouer. Pendant les matchs de prépa, il me faisait jouer de plus en plus. J’ai fait une bonne prépa et tout s’est finalement fait naturellement. Je crois que je fais deux matchs sur le banc en Ligue 2 quand le championnat commence et après ça j’intègre le onze. J’ai joué mon premier match titulaire et je mets directement mon premier but donc tous les voyants étaient au vert.

FM : dans votre ascension, vous avez malgré tout vécu un gros coup d’arrêt avec cette fracture du péroné en avril 2023, comment avez-vous géré cette période ?

YK : c’était difficile, c’était la première grosse blessure de ma carrière, ça m’a fait un petit choc parce qu’on m’annonce la fin de saison. Franchement, c’était dur à vivre. On était en train de jouer une montée en Ligue 1. Il y avait beaucoup de regrets. Durant cette période, j’ai aussi raté la CAN U23 avec le Maroc, j’étais là-bas donc j’étais content mais c’est sûr que j’aurais aimé apporter ma pierre à l’édifice.

FM : vous parliez de la nouvelle direction, que représente, pour vous, l’arrivée de Jean-Michel Roussier, Mathieu Bodmer et Momo El Kharraze ?

YK : honnêtement, ça a été un tournant, parce que Mathieu et Momo El Kharraze, déjà, pour revenir dans le passé, en 2015, c’est Momo El Kharraze qui est recruteur et c’est lui qui me ramène au Havre. Du coup, à la fin de l’histoire, c’est lui qui revient et qui me fait signer un contrat professionnel. A cote de ça, j’ai toujours joué avec le fils de Mathieu au centre du coup, on se connaissait déjà, il voyait déjà nos matchs, il connaissait déjà nos profils donc ça a aussi crée quelque chose de spécial.

«Didier Digard ? Il préfère que ce soit lui qui prenne que nous»

FM : aujourd’hui, vous êtes coaché par Didier Digard, pouvez-vous nous en dire plus sur votre relation ?

YK : on a une bonne relation, très bonne. Le coach, l’année dernière, a reçu beaucoup de critiques mais il a toujours été fort dans ces moments-là. Parce que même quand ça arrivait après les matchs, il était là à dire que ce n’était pas grave, qu’il prenait tout pour lui. Comme si ça ne le dérangeait pas. Il a toujours su nous donner de la confiance. Il a toujours eu confiance en nous. C’est un coach qui a confiance en lui et en nous. Il nous l’a toujours répété : il préfère que ce soit lui qui prenne que nous, du coup, ça montre très bien son caractère et comment il est.

FM : au-delà de votre relation humaine, qu’est ce qu’il attend de vous aujourd’hui sur le terrain ?

YK : ce qu’il me demande, c’est… déjà, dès qu’il est arrivé l’année dernière, il m’a dit que mon objectif, c’est que je sois plus décisif. L’année dernière, on a beaucoup travaillé sur l’aspect offensif, les dernières passes, les 30 derniers mètres, les frappes. Et après, il essaie de nous apprendre au quotidien comment bouger sans le ballon, comment se déplacer par rapport aux adversaires. C’est un coach qui est basé beaucoup sur le jeu tactique avec et sans ballon.

FM : concernant votre profil, vous êtes un joueur atypique avec cette capacité à jouer sentinelle, relayeur, milieu excentré, faux numéro 9, comment avez-vous développé cette polyvalence ?

YK : franchement, ça s’est fait au fil des années, surtout en étant jeune parce que j’étais un joueur qui était à l’écoute, qui faisait attention aux petits détails, qui essayait de prendre des informations le plus possible au niveau des entraînements, des coachs ou même des joueurs qui jouent. Je dirais que je suis plus un joueur qui va vite s’adapter, qui s’adapte très vite, qui va essayer de comprendre un peu plus vite aussi. C’est surtout dans ce domaine-là que je vais essayer de me démarquer. Après, je sais que je ne suis pas un joueur rapide, etc.

FM : parmi tous ces postes que vous êtes capable d’occuper, avez-vous une préférence ?

YK : le poste où je me sens le plus à l’aise, c’est en tant que numéro 8. C’est le poste où j’ai le plus joué aussi durant toute ma formation et même en pro. C’est là où je me sens le plus à l’aise. Je suis un peu plus libre. Il y a plus de gens qui viennent autour de moi pour essayer de trouver le décalage.

«Je suis davantage un leader technique»

FM : au-delà des terrains, vous avez 23 ans mais vous faites déjà partie des cadres au HAC, quel rôle avez-vous aujourd’hui au sein de cette équipe ?

YK : je suis plutôt un joueur pour aider les plus jeunes qui viennent du centre parce qu’on est tous passés par là. On essaie de leur donner un maximum de conseils. Après, je suis davantage un leader technique. Je vais essayer de donner de la voix sur le terrain, de guider mes coéquipiers. Je peux aussi parler dans le vestiaire mais, ça, je laisse surtout à Arouna Sanganté, le capitaine.

FM : en parlant d’Arouna, j’ai cru comprendre aussi que vous aimiez jouer à la PlayStation ensemble…

YK : (rires) oui, c’est vrai. On a grandi ensemble, au centre. Arouna, c’est mon frère. Ce sont aussi des moments précieux, en dehors des terrains, ça permet aussi d’avoir de la complicité. Il y a un quotidien de footballeur mais il faut aussi ces moments à part, à côté. C’est important, il faut se libérer l’esprit et penser à autre chose parfois.

FM : le HAC a vécu un nouvel été agité avec un rachat mais surtout l’arrivée de nombreuses recrues, l’intégration s’est bien passée ?

YK : il faut savoir que nous, ici, au Havre, c’est un club où on est comme une famille. Tout le monde parle avec tout le monde. Il n’y a pas de joueurs qui sont mis de côté. Tout le monde rigole ensemble, c’est une vraie force cette ambiance et les recrues se sont vite adaptées. Les joueurs arrivés ont aussi eu la chance de venir tôt du coup, il y en a qui sont venus en stage avec nous. L’intégration, elle s’est faite plus rapidement en stage. On est restés une semaine ensemble là-bas et il y a déjà des petits automatismes qui peuvent être faits avec ça.

« Quand il est arrivé au premier entraînement, il a envoyé 2-3 crochets, je me suis dit 'ah oui c’est fort’ »

FM : parmi ces recrues, est-ce qu’il y en a une qui vous a particulièrement impressionné ?

YK : honnêtement, ils sont tous bons. Après, oui il y a Ally (Samatta). On voit que c’est un joueur d’expérience, qu’il connaît son poste. On l’a vu tout de suite. J’ai bien aimé son profil, c’est ce qu’il nous manquait, entre guillemets. J’ai bien aimé aussi Younes (Namli). Quand il est arrivé au premier entraînement, il a envoyé 2-3 crochets, passement de jambes, je me suis dit "ah oui ils ont ramené du très bon là" (rires). Ça fait du bien aussi parce qu’on le sait que ça va être une lutte encore acharnée mais comme d’habitude, on ne va rien lâcher, on va tout donner.

FM : justement sur ce début de saison, vous avez débuté avec deux défaites mais des matches assez différents. Quel premier bilan tirez-vous ?

YK : contre Monaco, c’était compliqué. On était bas sur le terrain. On n’a pas trop bien joué les coups et après, ça, on le savait, il fallait être efficace sur nos situations. Face à Lens, comme on était chez nous, c’était différent, ça nous a donné aussi de la force avec les supporters. C’était un meilleur match. Il y a du positif comme du négatif mais on retient le positif et tout ce qui est négatif, on va continuer de le travailler au quotidien à l’entraînement, notamment les contres, mieux jouer les contres, finir les actions. On continue aussi de travailler l’efficacité, essayer de faire les bons choix quand il faut parce que quand on regarde bien, le dernier match contre Lens, il y a beaucoup de situations et on ne finit pas. Après, il a de l’espoir, ce ne sont que les deux premiers matches de la saison.

FM : vous accueillez Nice, ce dimanche (17h15) pour le compte de la 3e journée, vous vous attendez à quel type de match ?

YK : je pense que ça va être une opposition très intense. C’est une équipe qui met beaucoup d’intensité. Ils ont beaucoup de joueurs de talent aussi comme Boga mais pas que. C’est une équipe, on le sait, qui aime bien jouer au ballon, te faire tourner puis après attaquer d’un coup. Il va falloir être vigilant et jouer un maximum sur les contres. Je pense qu’il faudra un peu répéter ce qu’on a proposé à Lens mais trouver cette fois-ci beaucoup plus d’efficacité.

« Cette année, je veux être plus décisif, je travaille beaucoup sur cet aspect »

FM : plus globalement, sur la saison qui s’annonce, quels sont vos objectifs à titre personnel et sur le plan collectif ?

YK : avec Le Havre, être le plus décisif possible et bien sûr se maintenir avec l’équipe en Ligue 1. Cette année, je veux être plus décisif, je sais aussi que c’est un facteur important pour mon futur en sélection. Si j’ajoute ça, je vais avoir davantage de chances de rejoindre la sélection. Sur mes axes d’amélioration, je veux aussi prendre de l’épaisseur dans la manière de contrôler le tempo d’un match, les temps faibles, les temps forts, à mon poste c’est aussi quelque chose de déterminant.

FM : en parlant de ton poste, est ce que tu as des modèles, des joueurs qui t’inspirent ?

YK : quand j’étais plus jeune, j’aimais beaucoup les joueurs comme Ozil, Iniesta, Modric. Je regardais leurs vidéos sur YouTube. J’essayais de m’en inspirer. Après, quand j’étais au centre, on a commencé à aller voir les matchs des pros au stade quand ils jouaient à domicile. Je regardais les matchs et j’essayais de repérer qui était fort, qui sortait du lot et c’est comme ça que, petit à petit, je regardais les déplacements des joueurs, la manière d’orienter le jeu, de sentir les actions et ça m’a permis de progresser aussi.

«La CAN est un objectif et je sais ce que je dois faire pour y aller»

FM : sur un tout autre sujet, vous avez un lien très particulier avec le public du Stade Océane, et ce, depuis plusieurs années. Avez-vous un message à adresser aux supporters ?

YK : je veux les remercier pour tout ce qu’ils font depuis que je suis arrivé au Havre. C’est incroyable. Ils donnent beaucoup de force, c’est toujours un plaisir d’aller au stade et les voir crier et être derrière nous à chaque match. Même à l’extérieur, on ressent ce soutien. Je veux les remercier pour tout ce qu’ils font et puis… c’est toujours un plaisir d’être le chouchou (rires).

FM : le Maroc va accueillir la prochaine CAN, c’est aussi l’occasion de vous demander vos ambitions avec les Lions de l’Atlas ?

YK : l’objectif est clair, c’est de tout faire pour être de l’aventure et jouer le maximum de fois avec la sélection. Avec le coach Walid, on a discuté, je sais aussi ce que j’ai à faire pour atteindre mes objectifs. C’est lui qui m’a dit que si je voulais vraiment revenir en sélection avec la forte concurrence qu’il y a, si je voulais m’imposer, il faut d’abord que je prouve au niveau des statistiques. C’est bien aussi parce que c’est un message clair et ça donne une ligne de conduite. C’est un coach qui est proche des joueurs, il parle avec tout le monde peu importe le statut ou le joueur qui est en face de lui. Il donne des conseils à tout le monde.

FM : vous avez d’ailleurs été médaillé de bronze lors des JO de Paris, quel souvenir gardez-vous de cette compétition ?

YK : franchement, c’était la plus belle expérience que j’ai pu avoir dans le foot. C’était une très belle expérience et j’aimerais revivre beaucoup de tournois comme ça parce que c’est le rêve de tout footballeur.

« Je suis très bien au Havre, c’est mon club où j’ai été formé, je ne vois pas pourquoi ça changerait »

FM : pour terminer, vous avez un contrat jusqu’en juin 2026, le mercato n’est pas encore terminé, est-ce qu’un départ est envisageable ?

YK : non, franchement, moi, je suis très bien au Havre. J’ai mon agent qui s’occupe de ça. Si ça doit venir, ça viendra, si ça ne vient pas, ce n’est pas grave parce que je suis très bien au Havre. On est en Ligue 1, c’est mon club où j’ai été formé, je ne vois pas pourquoi ça changerait.

FM : si vous deviez partir un jour, avez-vous un championnat en tête ?

YK : ce n’est plus vraiment un secret mais le championnat qui m’attire le plus, c’est l’Espagne. C’est un football qui correspond aussi à mon profil, à mes qualités.

FM : qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour cette saison ?

YK : le maintien, la CAN… les objectifs sont multiples, atteindre aussi mes ambitions sur le plan statistique…

FM : c’est une belle motivation, Ousmane Dembélé a gagné une montre comme ça…

YK : je vais faire un pari avec Arouna (Sanganté) alors (rires).

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