Bologne : dans le cerveau de Thiago Motta et sa tactique moderne

Par Valentin Feuillette
7 min.
Thiago Motta, entraîneur de Bologne @Maxppp

Parmi les jeunes entraîneurs qui montent, Thiago Motta fait partie de ceux qui pourraient très rapidement rejoindre une grande écurie européenne. Focus sur sa philosophie de jeu déjà louée par le monde du Calcio.

Christophe Galtier au Paris Saint-Germain. Simone Inzaghi à l’Inter Milan. Ces deux entraîneurs se trouveraient sur la sellette d’après les informations, respectivement, de nos confrères de L’Équipe et de nos voisins italiens de La Gazzetta dello Sport. Et si tout semble opposer les deux tacticiens sur le papier, ils partagent néanmoins un point commun : l’identité de leur possible successeur revient avec insistance ces derniers mois dans les presses et il se nomme Thiago Motta (40 ans). L’ancien milieu italien a, qui plus est, porté les couleurs parisiennes comme milanaises durant sa carrière de joueur.

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Cette saison, les bons résultats de Thiago Motta à la tête de Bologne ne sont plus qu’un secret de polichinelle, puisque les Rossoblú se trouvent, à dix journées de la fin, toujours en course pour un ticket européen alors que le club bolonais flirtait avec la relégation lors de la nomination de l’Italien en septembre dernier. Mais derrière un bilan comptable attrayant, il y a surtout une patte tactique moderne et particulière qui ne demande qu’à être analysée. La rencontre face à l’Atalanta, prévu ce samedi soir, est symbolique pour Motta qui tire une certaine inspiration de Gian Piero Gasperini.

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Un 4-2-3-1 bien original

Au cours de ses premiers mois d’entraîneur à la tête du Genoa, Thiago Motta avait surpris beaucoup de monde en installant un 4-3-3 assez particulier, prenant la forme d’un 2-7-2 en considérant son gardien comme un libéro. Du reste, Motta avait simplement copié un 4-3-3 en décomposant la structure horizontalement plutôt que verticalement, ce qui n’est pas courant dans le football moderne. En utilisant un arrière et un ailier des deux côtés, ainsi que sept joueurs dans les zones centrales, la déconstruction par Motta de la forme conventionnelle n’était qu’une manière peu orthodoxe de caractériser un 4-3-3, construit originellement par les côtés.

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A La Spezia la saison passée, l’Italo-brésilien a troqué son 4-3-3 pour un 4-2-3-1 plus classique sur le papier mais avec une grande maniabilité, ce qui a permis aux Aquilotti de changer régulièrement de dispositifs. Thiago Motta a installé pas moins de douze formations différentes qui sont, pour la plupart, des variantes de son 4-2-3-1. Ci-dessous la liste de toutes les formations exploitées par Thiago Motta, à la Spezia l’année dernière, avec le taux d’utilisation en moyenne :

  • 4-2-3-1 : 35%
  • 4-1-4-1 : 12%
  • 4-3-3 : 9%
  • 3-4-3 : 6%
  • 3-5-1-1 : 6%
  • 4-4-2 : 5%
  • 3-5-2 : 5%
  • 4-5-1 : 4%
  • 5-4-1 : 4%
  • 5-3-2 : 2%
  • 4-3-1-2 : 1%
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Et dès son arrivée à Bologne Thiago Motta a pris un risque en supprimant définitivement le 3-5-2 alors instauré depuis cinq saisons par son prédécesseur, le Serbe Siniša Mihajlović, décédé des suites de son cancer en décembre dernier. La facilité aurait voulu que le successeur parte du (bon) travail laissé par la légende serbe mais Motta a préféré tout de suite installer ses idées et sa philosophie offensive en 4-2-3-1. Mais réduire la tactique de l’ancien international italien à son simple dispositif serait injuste, tant les formations ne symbolisent pas l’alpha et l’oméga du football. Ce sont les principes que Motta a amenés chez les Rossoblú qui attirent le plus l’attention.

Une capacité d’adaptation

Un élément important du Bologne version 2023 se fonde sur la construction minutieuse des phases offensives, en partant de l’arrière. Et ici deux façons sont alors possibles. Un bloc peut décider soit de jouer avec le pressing adverse, soit le casser avec un jeu aérien. Étant donné que Bologne ne possède pas autant de joueurs doués techniquement, Thiago Motta a insisté sur l’importance de maîtriser les deux méthodes qui peuvent être utilisées durant les rencontres. Cette philosophie permet aux joueurs de faire des passes directes et rapides vers l’avant si nécessaire ou jouer sous pression quand avancer dans le cœur du jeu semble trop risqué. La protection amène la création. Le gardien de but de Bologne, Łukasz Skorupski est chargé d’être la première pierre du système de Motta. Sa capacité à repousser les frappes adverses est tout aussi importante que son habileté technique avec le ballon pour lancer des attaques depuis sa propre surface de réparation. Il est d’ailleurs souvent secondé par un défenseur central et un latéral qui descendent jusqu’aux poteaux des cages pour proposer une alternative créative, ce qui explique aussi pourquoi le milieu Nicolás Domínguez se retrouve parfois sur une aile pour compenser un potentiel dézonage.

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Alors que de nombreux entraîneurs souhaitent développer le jeu depuis l’arrière, en utilisant des passes courtes appuyées pour contourner la pression, il est également important de réaliser que sur certaines séquences, jouer plus directement est une bien meilleure option. Motta le reconnaît et a demandé à ses joueurs d’être flexibles dans leur approche pour mieux s’adapter aux adversaires. Bologne est une équipe qui joue verticalement lorsqu’elle tente de briser le bloc défensif d’un adversaire. La verticalité est liée à la rapidité avec laquelle Bologne fait progresser le ballon, recherchant constamment des passes entre les lignes dans les espaces. Thiago Motta veut que ses joueurs étouffent cette zone centrale du terrain, donnant une liberté aux milieux de terrain afin de bénéficier autant d’options de passes progressives centrales que possible. Et c’est en ce sens que son 4-2-3-1 modulable prend des airs d’un 2-7-2 comme il le développait au Genoa.

Cette philosophie permet de créer un déséquilibre dans le placement de l’adversaire puisque le capacité d’adaptation des Bolonais dans leur création permet de constamment jouer avec le rythme. L’ancien Parisien souhaite que ses joueurs créent des micro-transitions. Essentiellement, lorsque le ballon est joué entre les lignes, Bologne accélère en attaquant le cœur du jeu avec des joueurs rapides derrière et des passes à une touche, provoquant des scénarios de contres. Ces transitions sont très efficaces et réalistes car l’opposition est bercée par un faux sentiment de sécurité. En accélérant le rythme et en jouant des passes à une touche avec des joueurs effectuant des courses vers l’avant, l’équipe prend par surprise l’adversaire. En ce sens, Bologne veut se créer des situations de contres sans compter sur les erreurs offensives adverses. Le système de Thiago Motta est, en somme, très strict et rigoureux avec l’obligation d’avoir certains profils techniques, notamment en défense, pour l’exploiter au mieux.

Des confrères impressionnés, des exemples puisés

En Italie, plusieurs jeunes coachs à la philosophie offensive sont considérés comme des apôtres de «La Scuola Gasperini», du nom de l’entraîneur de l’Atalanta qui a considérablement influencé la génération actuelle de jeunes entraîneurs prometteurs comme Paolo Zanetti, Raffaele Palladino, Alessio Dionisi, Roberto De Zerbi et bien sûr Thiago Motta. D’ailleurs, Gian Piero Gasperini n’a pas tari d’éloges l’actuel maître du jeu de Bologne : «Thiago Motta a déjà marqué de son empreinte cette équipe de Bologne. Il cherche à élever le niveau d’une équipe qui n’a pas été dans le haut du classement depuis longtemps. Il le fait avec ses idées et surtout avec la projection de ses qualités de joueur»

Egalement «enfant du Gasp», l’actuel entraîneur du Torino, le Croate Ivan Juric pense aussi que son ancien coéquipier au Genoa, Thiago Motta peut aller bien plus loin que les noms précédemment cités : «Quand Gasp t’entraîne, il devient contagieux, surtout quand tu comprends son football. Pressing, supériorité numérique, ne pas faire jouer les autres, se faire plaisir, t’entraîner sérieusement… Nous sommes beaucoup, aujourd’hui, en Serie A, à avoir suivi ses idées. Pour moi, Thiago est encore un peu différent, supérieur à nous. Il a eu d’autres entraîneurs, d’autres qualités… C’est le plus complet. Il arrive à allier une chose et l’autre. On le voit avec son travail à Bologne»

Un potentiel jugé supérieur et expliqué par les inspirations tirées de José Mourinho car Motta est finalement le cocktail de plusieurs entraîneurs qu’il a côtoyés. Des félicitations qui ne sont pas nouvelles. Déjà lors de son court passage au Genoa, Maurizio Sarri, alors entraîneur de la Juventus, avait loué les premiers pas de l’ancien Parisien en tant que coach : «J’ai vu de belles possessions de balle pour sortir de situations dangereuses. Il a eu un impact en quelques jours. Thiago Motta a trouvé un terrain fertile pour grandir». Sa capacité à avoir dérangé le Napoli de Luciano Spalletti (défaite 2-3) ou encore l’Inter Milan de Simone Inzaghi (victoire 1-0) montre bien que même les meilleurs tacticiens d’Italie peinent à déployer leur football.

Thiago Motta 41 ans - 71 matchs officiels Italie Brésil Thiago Motta
46% 33 victoires 30% 21 nuls 24% 17 défaites
1,66 points par match (en championnat)
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