Interview Bundesliga

Bayer Leverkusen, Amine Adli : « j’avais envie de confirmer cette année pour répondre aux attentes »

Par Lucas Billard
14 min.
Amine Adli avec le Bayer Leverkusen @Maxppp

Amine Adli, qui sort d’une prestation remarquée contre le Bayern Munich en Bundesliga, s’est confié à notre micro en marge du rassemblement de l’équipe de France Espoirs à Clairefontaine. Xabi Alonso, ses ambitions, l’Euro Espoirs… le jeune attaquant de 22 ans, très en vue avec le Bayer Leverkusen pour ce qui s’apparente à la saison de la confirmation en Allemagne, a fait le tour de son actualité.

Cette semaine, dans le cadre du rassemblement de l’équipe de France Espoirs, et avant deux chocs amicaux face à l’Angleterre (samedi, 18h) et l’Espagne (mardi, 18h30), Foot Mercato a rencontré Amine Adli (22 ans) à Clairefontaine. Détendu, souriant et agréable, l’attaquant du Bayer Leverkusen, qui cartonne pour sa deuxième saison en Allemagne après son arrivée à l’été 2021 en provenance de Toulouse pour 7,5 M€, a évoqué de nombreux sujets, toujours dans la bonne humeur, avant une fin d’exercice 2022-2023 ambitieuse.

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Foot Mercato : vous arrivez en équipe de France Espoirs sur un petit nuage. Vous êtes en pleine forme avec le Bayer Leverkusen. Et vous sortez d’une très grosse performance contre le Bayern Munich (victoire 2-1, il provoque les deux penaltys de la gagne)…

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Amine Adli : j’étais content de ma prestation et de celle de l’équipe. Ça fait toujours plaisir de faire des bons matchs contre des grandes équipes. C’est pour ce genre de matchs qu’on aime jouer, montrer qu’on a des qualités, se défier par rapport à ce type de joueurs.

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FM : racontez-nous un peu ce match de folie et l’ascenseur émotionnel que vous avez connu (2 penaltys provoqués et accordés après avoir écopé de 2 jaunes pour simulation)…

AA : l’ascenseur émotionnel commence en première mi-temps. On fait une super première période. Ils marquent sur leur seule occasion. On est un peu frustrés, mais le coach arrive à trouver les bons mots aux vestiaires. On revient motivés en seconde période. Et puis il y a ces faits de jeu… le premier est plus agaçant que le deuxième. Sur le premier, je sais réellement qu’il y a penalty…

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FM : on vous a d’ailleurs vu très remonté sur l’action du premier penalty, puis limite résigné sur le deuxième…

AA : oui, c’est le moment où on peut revenir dans le match, je sais clairement qu’il y a penalty. Je me dis que c’est une réelle chance, en plus contre le Bayern, d’égaliser. L’arbitre prend la mauvaise décision sur le moment. J’étais très énervé. Ensuite, il y a eu l’intervention de la VAR, qui a rétabli cette injustice. J’étais juste un peu content qu’on ne me traite pas de menteur (il sourit). Sur le deuxième, c’est pareil, mais sur le moment, je suis plus calme. Je lui dis directement "la première fois, je ne vous ai pas menti, cette fois aussi, vous verrez, il y a faute". Je ne suis même plus dans le chahut… Je ne savais juste pas si elle était en dehors de la surface ou non. Mais au final, on réussit à gagner ce match, c’était assez rocambolesque, on est très heureux.

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FM : comment vous sentez-vous, tant physiquement que mentalement ? Au top du top en ce moment ? On vous sent bien percutant, avec beaucoup d’intensité, mais aussi décisif dans la zone dangereuse et dans le dernier geste.

AA : au top, je ne sais pas, on ne sait jamais quand on est au top. Mais oui, je pense que je suis dans un moment de la saison où je suis en forme. Mentalement, physiquement, je me sens bien. Je suis relâché, dans mon football, je suis heureux d’être sur le terrain. Tout va bien.

FM : comment jugez-vous, avec du recul, votre première saison en Allemagne (4 buts et 4 passes décisives en 34 matchs au total), même s’il y a cette blessure qui vient gâcher la fin…

AA : pour une saison d’adaptation, elle était bonne. Je pense que j’ai réussi à avoir pas mal de temps de jeu. J’aurais pu être plus décisif par rapport aux occasions que je me créais. C’était une bonne saison d’adaptation. J’ai eu l’occasion de montrer mes qualités avant que je me blesse. Forcément, j’avais envie de confirmer cette année pour répondre aux attentes autour de moi.

FM : cette blessure a aussi perturbé votre début de saison actuel, avant un nouveau pépin physique (fracture de la clavicule). Comment avez-vous traversé cet épisode un peu délicat et frustrant ?

AA : pour vous dire la vérité, la deuxième blessure est encore plus difficile à avaler que la première. Sur la première, je me blesse avec l’équipe de France, sur une période où physiquement, j’étais fatigué. Je l’ai acceptée, c’était quelque chose qui devait arriver vu la sensation physique que j’avais. La deuxième, moralement, c’est très difficile. J’avais travaillé pendant six mois pour revenir. J’ai raté énormément de matchs, je rate le début de saison… Sur le moment où je suis en forme, où je suis en forme et le coach le sent, il me fait rentrer pour les dernières minutes pour mon retour à la compétition. Et je me casse la clavicule…

« Le terrain, c’est la réalité, mais ce qui nous permet d’être performant sur le terrain, c’est tout ce qu’il y a autour »

FM : sur quoi on s’appuie dans ces moments-là ?

AA : heureusement que j’avais ma famille et mes proches pour raisonner. Tout le monde était là pour moi. Tu essayes de faire le vide, d’oublier un peu le foot sur une courte période, de te soigner rapidement pour être d’attaque au plus vite. Il faut vite évacuer la frustration, il faut l’accepter, mais ne pas la garder plus de 1 ou 2 jours, ça ronge et ça ne sert à rien dans la guérison.

FM : en quoi cette période vous a servi ?

AA : sur ma première blessure, j’ai compris que l’écoute de son corps, c’était le plus important. J’étais énormément fatigué. Par rapport à mon corps, comme je vous disais, je sentais que quelque chose allait se passer. Je ne pouvais plus performer, il fallait que je me repose un peu. J’ai mis plus de choses en place autour. J’ai pris conscience du sommeil, de l’alimentation, de l’hydratation. Même l’aspect mental, sur la préparation mentale, être relâché, d’avoir les idées claires, le stress… Ça laisse le temps de plus travailler sur toutes ces notions. Le terrain, c’est la réalité, mais ce qui nous permet d’être performant sur le terrain, c’est tout ce qu’il y a autour. Dans mon malheur, le temps libre que j’ai pu avoir m’a servi en bien pour être encore plus performant en revenant.

FM : comment tout ça s’articule ?

AA : quand j’ai eu cette blessure, mon préparateur physique m’a orienté vers un nutritionniste, pour voir les régimes alimentaires que je pouvais avoir, ceux que j’aimais, pour adapter mes plats, pour avoir une certaine pesée, avec les protéines… pour avoir une alimentation approfondie.

« Si tu n’as pas l’objectif de gagner, abandonne »

FM : en quoi avez-vous progressé et que pensez-vous encore pouvoir améliorer ?

AA : dans ma finition, je suis beaucoup plus relâché. J’ai un meilleur impact sur les matchs par rapport à l’équipe, que ce soit dans la provocation, dans les dribbles, la création d’espaces ou d’occasions par des centres ou des passes décisives. J’arrive à passer un cap dans cet aspect-là. Il faut continuer à travailler et le confirmer au fil des matchs, pour avoir la confiance du groupe et du coach pour devenir un élément indispensable. Physiquement, je peux encore progresser dans la résistance au duel, la répétition de courses à haute intensité et dans la propreté de mon jeu, avoir moins de déchets.

FM : ce sont des qualités qui conviennent à merveille au championnat allemand. Vous n’avez aucun regret d’être parti si tôt en Bundesliga ?

AA : je suis épanoui, je suis content d’avoir rejoint ce championnat super ouvert, qui fait confiance aux jeunes joueurs. Il y a énormément d’occasions. Pour les joueurs offensifs, c’est vraiment un régal.

FM : ça confirme aussi que l’Allemagne est une belle terre d’accueil qui réussit bien aux jeunes, on voit beaucoup de joueurs de Ligue 1 s’exiler là-bas. Pourquoi ça matche si bien selon vous ?

AA : les clubs font confiance aux jeunes. Dans l’académie française, les joueurs offensifs, on a la faculté d’être rapides, techniques, capables de dribbler. C’est forcément des choses qu’ils aiment, en Allemagne, et qui sont mises en valeur en Bundesliga, par la manière dont on joue, avec beaucoup de 1 contre 1, de ballons dans le dos, d’espaces, de courses… Les caractéristiques de formation et des joueurs français correspondent énormément au championnat allemand.

FM : à Leverkusen, vous avez aussi retrouvé un autre Français, Moussa Diaby. Sa présence est-elle importante pour vous ?

AA : avant même que je signe, il m’avait envoyé un message. Il m’a super bien accueilli, il m’a mis à l’aise, il m’a expliqué les choses, il m’a pris sous son aile. D’autant plus que c’est un joueur offensif qui performe en Bundesliga. Il a été super utile pour moi dans tout, je l’ai beaucoup observé. C’est un grand professionnel. Il m’a fait prendre conscience de comment entretenir son corps, être capable de performer tous les trois jours. Moussa, il joue tout le temps sans être blessé. Il me pousse vers le haut, il a été d’une grande aide pour moi au club. Après, on a un super vestiaire, assez jeune, on est proches avec tout le monde. On rigole énormément avec Jeremie Frimpong, Florian Wirtz, Tapsoba, Jonathan Tah, Odilon Kossounou. Ceux qui parlent un peu français, on est forcément un peu plus proches.

« Xabi Alonso est un coach qui impose le respect »

FM : racontez-nous un peu les dessous de Xabi Alonso, le coach. Comment est-il au quotidien ?

AA : il nous réussit bien. Il a impulsé quelque chose de nouveau. C’est un coach, déjà quand il arrive, il impose le respect par rapport à sa carrière. Donc forcément, tu es très à l’écoute quand il donne un conseil. Il a apporté beaucoup de charisme. C’est un mec qui a la notion de la gagne naturelle. Partout où il est passé, il a gagné. Il a ramené l’importance de la victoire. Après, il nous a demandé des choses simples au départ, et ça reste un Espagnol, donc il aime le foot, le beau jeu, c’est plaisant.

FM : comment Xabi Alonso travaille au quotidien ?

AA : on fait beaucoup de jeux. Il aime aussi la mise en place tactique : comment l’équipe s’organise avec la balle, on travaille énormément les sorties de balle, ou les animations offensives, comment on va attaquer, les déplacements qu’on doit faire. On répète énormément de gammes dans ce style, pour que le jour du match, ça se fasse naturellement et qu’on ait des repères. Savoir quel type de courses je dois faire quand tel ou tel joueur a la balle… Il aime beaucoup ce style de jeu, pour que chacun puisse s’adapter par rapport au porteur du ballon. Il n’aime pas que le porteur soit esseulé, il aime que tout le monde offre une solution. Je pense que c’est ce qui a changé dans notre football. Tout le monde veut la balle, est concerné. Le danger peut venir de n’importe qui, il nous en a fait prendre conscience.

FM : quelle est sa relation avec vous et ses joueurs ?

AA : c’est nouveau pour lui. Il est proche des joueurs sur le terrain. Il parle et encourage énormément, que ce soit en match ou à l’entraînement. Quand tu rates quelque chose, il va être derrière toi. Quand tu réussis, il te le notifie directement, il crie, dit qu’il aime bien. Il apporte cette confiance, il est dans le positif avec les joueurs. Ce n’est pas quelqu’un qui va casser. Par exemple, si tu rates quelque chose, il va te piquer, te dire "réveille-toi, mets-toi dans l’entraînement", mais jamais méchamment. Et par exemple, quand on va travailler devant le but, il ne laisse pas les attaquants partir sur un arrêt du gardien. Tant que tu n’as pas marqué, tu ne peux pas rentrer au vestiaire.

FM : le Bayer dispose d’un sacré potentiel offensif. Comment Xabi Alonso gère la concurrence entre vous, comment il l’explique et vous présente ça ?

AA : on ne ressent pas trop la concurrence. On vit tous pour jouer ensemble, il y a de la place pour tout le monde. Le coach en a conscience, c’est pour ça qu’il essaye d’adapter. Il fait au mérite, de temps en temps, il est capable de mettre certains sur le banc par rapport à ce qu’il demande, ce qu’il recherche. On a une qualité offensive très belle. C’est beau de jouer avec ce genre joueurs, ça rend les choses plus faciles. C’est que du plaisir.

FM : quels sont les objectifs collectifs pour la fin de saison ? Vous avez 9 points de retard sur le top 4 en championnat, votre meilleure chance d’aller en Ligue des Champions ne serait-ce pas de gagner la Ligue Europa ?

AA : quand tu es en quart de finale d’une coupe d’Europe, si tu n’as pas l’objectif de la gagner, abandonne. Sans se mettre de pression, on aspire à faire quelque chose en Europa League. On fera tout pour. Notre objectif est de réaliser la meilleure fin de saison possible en Bundesliga, ça reste la compétition principale pour accrocher l’Europe. On est actuellement sur une bonne forme. On va essayer de faire de notre mieux pour rattraper notre mauvais début de saison.

« L’objectif, c’est clairement de gagner l’Euro Espoirs »

FM : vous allez affronter deux places fortes du foot européen, samedi et mardi prochain, en guise de répétition générale avant l’Euro Espoirs cet été. Comment abordez-vous ces matchs ? ?

AA : on est tous contents de jouer contre de très bonnes nations, il y a toujours ce sentiment de rivalité, pour voir ce qu’on vaut. On est tous excités.

FM : quel est l’objectif pour l’Euro cet été, alors que vous êtes avec l’Italie, la Suisse et la Norvège en poules ? La France dispose encore de joueurs très talentueux et prometteurs chez les jeunes et vous êtes invaincus depuis 10 matchs (depuis le 31 mai 2021, en quart de l’Euro Espoirs vs Pays-Bas).

AA : je ne dirais pas qu’il y a des favoris. Après, forcément, quand la France est dans une compétition aujourd’hui, elle fait partie des éléments majeurs. Mais je pense qu’au vu de la qualité que l’équipe de France Espoirs a, on est tous unanimes pour dire que quand on va commencer l’Euro, on le joue pour le gagner. L’objectif, c’est clairement de le gagner. Sans se mettre de pression, ou être arrogant. Mais juste au regard de la qualité des joueurs qui sont appelés, de la qualité, de nos performances dans nos clubs respectifs… Après, on peut perdre, ça arrive. Mais l’objectif de départ, sans se le cacher, c’est d’aller au bout. Si on sort avant, c’est comme ça, mais ça serait forcément un échec.

FM : quelle sensation ça vous fait de vous retrouver avec Manu Koné en sélection ?

AA : je suis content d’être avec lui, c’est toujours un plaisir. Après, on n’est pas loin en Allemagne, on a cette chance-là, on se voit assez régulièrement. Être ensemble ici, ça nous rappelle un peu nos moments du centre de formation, d’être tous les jours ensemble, on rigole énormément. Et surtout de rejouer ensemble, de se faire des passes, normalement on joue contre en Bundesliga, c’est marrant. Si on m’avait ça il y a quelques années, je n’y aurais jamais cru. C’est beau, on en profite au maximum.

FM : comme on l’a relayé, vous vous êtes aussi récemment engagé auprès de l’association "Espoir pour les Orphelins du Maroc". Pourquoi ça vous tient à cœur ?

AA : j’ai toujours été à l’écoute de la pauvreté, la précarité. Avec le foot, la médiatisation qu’on a, les revenus qu’on a, la chance de pouvoir avoir une vie agréable, de pouvoir mettre nos familles à l’abri, de bien vivre, faire quelque chose de son argent, ça m’a toujours parlé. J’ai toujours eu à cœur de faire ça. Le faire dans un premier temps dans un pays d’où je suis originaire, mes parents viennent de là-bas, je vais souvent en vacances là-bas, j’y ai de la famille, je suis très attaché au pays. Donc aider les enfants là-bas c’est normal, c’était, pour moi, naturel et logique. Je me sentirais plus mal à l’aise de ne pas le faire. Je suis content si j’arrive à aider le plus de monde possible.

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