Algérie : Youcef Belaïli, la rédemption d'un Fennec en perdition

Par Josué Cassé
10 min.
Youcef Belaïli avec le maillot de l'Algérie. @Maxppp

Victorieuse 2-1 du Qatar, mercredi soir, au terme d'une rencontre marquée par dix-huit minutes de temps additionnel, l'Algérie retrouvera en finale de la Coupe arabe 2021, samedi à Al-Khor, la Tunisie, tombeuse, quant à elle, de l'Egypte (1-0). Buteur héroïque et élu homme du match de cette demi-finale rocambolesque, Youcef Belaïli a signé une nouvelle performance de haute volée, et ce après son bijou retentissant contre le Maroc lors du tour précédent. Retour sur la carrière mouvementée d'un Fennec en pleine rédemption.

Tel un phénix qui renaît de ses cendres... La référence mythologique prend tout son sens quand on s'intéresse à la trajectoire empruntée par Youcef Belaïli. Véritable pièce maîtresse de l'effectif des Fennecs durant cette Coupe arabe 2021, l'international algérien (29 sélections, 6 buts) survole cette compétition tel un oiseau de feu, lui qui avait pourtant débuté sur le banc des remplaçants lors de la victoire glanée, en ouverture, contre le Soudan (4-0). Titularisé pour la première fois dans le 4-2-3-1 de Madjid Bougherra, à l'occasion du deuxième match de poule remporté aux dépens du Liban (2-0), le natif d'Oran semble, depuis, inarrêtable et n'en finit plus de régaler. Passeur décisif dans un rôle de milieu offensif face aux Cèdres puis contre l'Égypte (1-1), l'ailier gauche des Verts s'est ensuite offert une véritable masterclass dans le choc maghrébin tant attendu entre l'Algérie et le Maroc (2-2 ; 5-3 aux t.a.b.).

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À l'origine du penalty menant à l'ouverture du score, le dynamiteur du Qatar SC, avec qui il vient tout juste de résilier son contrat, s'est par ailleurs fendu d'un geste somptueux durant les prolongations de ce quart de finale. Trouvé au milieu de terrain à la suite d'une longue relance de son gardien, Youcef Belaïli contrôlait le ballon de la poitrine avant de se retourner et d'envoyer, à plus de 40 mètres, une demi-volée dans la lucarne du portier marocain Anas Zniti. Fort de ce récital, celui qui fêtera ses 30 ans le 14 mars prochain a réitéré lors de la demi-finale gagnée au bout du bout face au Qatar (2-1). Dans tous les bons coups des Fennecs au cours de cette rencontre, le Vert, floqué du numéro 10 sur le maillot, a dévoilé toute sa palette technique à gauche, à droite et même en attaquant de pointe après la sortie de Baghdag Bounedjah. Auteur, en deux temps, du but salvateur, il a finalement envoyé sa sélection en finale de la Coupe arabe pour la première fois de son histoire alors qu'on jouait la 90e... +17 ! À l'aune de ces considérations, rien ne semble donc pouvoir arrêter le joyau d’El Bahia, exilé ces derniers mois dans le lointain eldorado qatarien.

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Tous les voyants sont «aux Verts» pour le génie Belaïli !

Pourtant si la planète football se délecte, aujourd'hui, des arabesques et coups de génie de Youcef Belaïli, l'excitation provoquée par ses prestations en équipe nationale n'efface pas complètement les regrets laissés par un parcours largement entaché. Ailier gauche au parcours controversé, l'enfant terrible du football algérien est ainsi passé par bien des galères avant de retrouver la lumière. Formé au RCG Oran, Belaïli est considéré, dès son plus jeune âge, comme un véritable prodige. Débarqué, à seulement 15 ans, chez le prestigieux club du MC Oran, il se brûle, malgré tout, légèrement les ailes face à un effectif déjà très compétitif. Pour parfaire son talent, il rejoint alors le CA Bordj Bou Arreridj mais là-encore, l'alchimie ne prend guère. Sans repère, loin de ses proches, celui qui est alors âgé de 18 ans ne parvient pas à prendre son envol. Apparu à quatre reprises avec le club de l'est algérien et miné par un bilan sans appel de zéro but, Belaïli, également convoité par l'ES Sétif à cette époque, revient finalement faire ses armes du côté du MC Oran.

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Sous les ordres de Chérif El-Ouazzani, ex-international algérien aujourd'hui entraîneur du Paradou AC, le jeune ailier - souvent considéré comme le pendant d'un certain Riyad Mahrez sur le côté gauche - se révèle progressivement. En deux saisons et 47 matches disputés toutes compétitions confondues, il présente ainsi un bilan de 16 buts et 7 passes décisives, de quoi le propulser au sein de la sélection olympique alors dirigée par Azzedine Ait Djoudi. Surclassé, il brille notamment lors de la CAN U23 au Maroc après s'être offert trois passes décisives lors de la double confrontation face à l'Afrique du Sud en novembre 2011. Alors âgé de 19 ans et d'ores et déjà sous le feu des projecteurs, Belaïli attise logiquement les convoitises mais malgré l'intérêt manifeste du Stade Malherbe Caen, qui venait de descendre en Ligue 2, le natif d'Oran s'engage finalement avec l'Esperance Sportive de Tunis et s'offre un premier contrat juteux. Sous ses nouvelles couleurs, la pépite algérienne brille de mille feux. Champion de Tunisie en 2012 et en 2014, il échoue, certes, en 2012 face à El Ahly en finale de la Ligue des champions africaine mais s'illustre pleinement avec 10 buts en 55 matches et un titre de meilleur joueur du club lors de la saison 2012-2013.

Doté d'un talent incontestable, Belaïli, en fin de contrat à cette époque, devient alors la priorité d'un homme : Ali Haddad, président de l'USM Alger, qui veut faire de son club le plus puissant d'Afrique. De retour dans le championnat algérien, le Fennec réalise un début d'exercice 2014-2015 étincelant et semble à son meilleur niveau. Plus que ses six buts et trois passes décisives en Ligue Professionnelle 1, il se fait également remarquer en Ligue des champions africaine avec trois réalisations et cinq caviars en seulement huit rencontres. Gracieux, porté sur le dribble court, cet esthète du ballon rond mêle à la fois justesse technique et puissance et devient rapidement l'homme clé de son club. Au sommet de son art, il est même appelé en mars 2015 par Christian Gourcuff, alors sélectionneur des Verts, et honore sa première sélection le 26 de ce même mois contre le Qatar d'un certain... Djamel Belmadi. Mais alors que l'Oranais vit un rêve éveillé, la foudre va soudainement s'abattre sur sa carrière.

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La descente aux enfers d'un crack !

Contrôlé positif et soupçonné de dopage en marge d'une rencontre de Ligue des champions africaine remportée face au MC El Eulma le 7 août 2015 (1-0), Youcef Belaïli est une nouvelle fois contrôlé positif quelques jours plus tard lors d'un match de championnat face au CS Constantine (2-0). S'en suit alors des analyses d'urines et le verdict tombe : la présence de cocaïne est confirmée pour l'Algérien. Lourdement sanctionné par la Confédération africaine de football (CAF) et la Fédération algérienne de football (FAF), l'Oranais écope d'une suspension de 4 ans ! Par ailleurs, l'USM Alger résilie son contrat. Et quand bien même le principal intéressé, qui a en partie reconnu les faits, voit finalement sa suspension réduite à 2 ans par le tribunal arbitral du sport (TAS), sa carrière semble définitivement gâchée alors qu'il n'est, à cette époque, âgé que de 23 ans. Seul, sans club et suspendu, la promesse perdue des Verts continue pourtant de s'entraîner entre 2015 et 2017 jusqu'au jour où une nouvelle opportunité venue de l'Ouest de l'Hexagone se présente à lui...

Dans l'ombre pendant deux ans, Belaïli est de nouveau autorisé à refouler les pelouses et décide donc, en août 2017, de s'engager pour quatre saisons avec le SCO d'Angers, présidé par le Franco-algérien Said Chabane. De retour d'une longue période d'inactivité, le Fennec débute assez logiquement avec la réserve angevine, engagée en National 3. Pourtant, malgré cette main tendue, une condition physique retrouvée et une première apparition avec l'équipe première lors du huitième de finale de Coupe de la Ligue remporté face à Metz (1-0), le talentueux milieu offensif décide de quitter prématurément le navire angevin pour retrouver son ancien club de l’ES Tunis à l'hiver 2018. D’aucuns s’interrogent alors sur le choix du joueur de faire son come-back dans le championnat tunisien et bon nombre d'observateurs considèrent dès lors que le joyau d'Oran vient peut-être de griller définitivement ses chances de figurer, à nouveau, sur le devant de la scène. Et pourtant...

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Avec l'ambition de revenir un jour en Vert, et non contre tous, c'est donc bien de l'autre côté de la Méditerranée que l'international algérien a décidé de prendre son nouvel envol. Dans un contexte familier, le Fennec arbore alors progressivement le costume de phénix, déployant, match après match, tout son talent sur les ailes du théâtre de ses rêves les plus primaires. Sacré champion de Tunisie et champion d'Afrique, il termine ainsi la saison 2017-2018 avec 6 buts et 5 passes décisives en 23 matches. Sur sa lancée et malgré un temps de jeu irrégulier, il réitère ce fantastique doublé lors de l'exercice suivant en s'offrant une nouvelle ligne de statistiques flatteuse (6 buts et 10 offrandes en 28 matches toutes compétitions confondues).

L'étincelant retour en grâce !

Fort de ces quatre trophées avec l'ES Tunis, Youcef Belaïli est finalement rappelé, en novembre 2018, avec la sélection algérienne, désormais dirigée par un certain Djamel Belmadi. Sous la houlette du technicien de 45 ans, l'Oranais empile les performances époustouflantes. Symbole de ce retour en grâce, il réalise une CAN 2019 de haute volée. Reléguant ni plus ni moins Yacine Brahimi sur le banc des remplaçants en début de compétition, il marque le but de la victoire contre le Sénégal et permet aux Verts de terminer en tête du groupe C. Lors de la phase finale, il se montre à nouveau décisif contre la Guinée en huitièmes et brille de mille feux jusqu'au sacre des Fennecs en terres égyptiennes (victoire 1-0 en finale contre le Sénégal).

Transféré dans la foulée en Arabie saoudite contre un chèque estimé aux alentours des 3 millions d'euros, il rejoint alors, en août 2019, la formation d'Al Ahli Djeddah SC qui évolue dans le championnat de ses compatriotes Raïs M'bolhi et Djamel Belamri. Sous contrat jusqu'en juin 2022, Belaïli s'acclimate parfaitement à ce nouvel environnement mais l'aventure tourne pourtant rapidement au vinaigre. Malgré des débuts réussis marqués par 5 buts et 4 passes décisives en 19 matches toutes compétitions confondues, le tempérament sulfureux de l'Algérien refait surface. En désaccord avec sa direction, l’ancien attaquant de l’ES Tunis et de l’USM Alger se tourne alors vers la FIFA afin d’annuler son contrat avec Al-Ahli. Malgré cette situation conflictuelle en club, Djamel Belmadi continue de lui faire confiance en sélection mais demande malgré tout à son joueur de rapidement régler son avenir.

Un feuilleton qui s'achève finalement au début du mois de novembre 2020 quand le milieu offensif algérien s'engage donc pour trois saisons avec le Qatar SC, à seulement quelques minutes de la fermeture du marché des transferts. Et que dire de sa saison passée... Véritable bourreau des défenses adverses, la pépite des Fennecs affole les compteurs avec un bilan de 14 buts et 3 passes décisives en 16 matches toutes compétitions confondues ! Un niveau étincelant que l'intéressé confirme d'ailleurs largement sous le maillot des Verts. Grand artisan (2 buts, 5 passes décisives) de l'invincibilité algérienne lors des éliminatoires de la CAN 2021, qui se déroulera (normalement) au Cameroun du 9 janvier au 6 février prochain, il se distingue également lors des qualifications à la prochaine Coupe du monde au Qatar en s'offrant la bagatelle de 6 passes décisives et 1 but à l'issue des 6 rencontres du groupe A de la zone Afrique. Une poule ainsi remportée par l'Algérie lui offrant, à ce titre, sa place de barragiste (tirage au sort prévu ce samedi 18 décembre) pour le prochain Mondial.

Non, la carrière de l'enfant élevé sur les rives de la Méditerranée n'est assurément pas un long fleuve tranquille et tenter de photographier, le temps d'un portrait, l'ensemble de son oeuvre revêt bien des difficultés tant le gamin d'Oran apparaît si remuant sur le terrain et dans son quotidien. Preuve en est, héros au bout du bout du temps additionnel face au Qatar, mercredi soir en demi-finales de la Coupe arabe, le numéro 10 des Verts n'est, d'ores et déjà, plus un joueur du Qatar SC. Prêt à conquérir l'Europe, le très convoité Youcef Belaïli qui ne devrait, cependant, pas rejoindre le MHSC selon nos dernières informations peut, en attendant, entrer un peu plus dans l'Histoire du football algérien à l'occasion de la grande finale, prévue ce samedi à 16 heures, face à la Tunisie (suivez ici la rencontre en live commenté). Si son avenir demeure incertain, une chose est sûre pour l'Algérien. À lui désormais d'écrire les prochaines lignes de son destin...

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