Marcus Rashford, le nouveau héros de l'Angleterre

Par Maxime Barbaud
5 min.
La fresque représentant Marcus Rashford dans le quartier de Withington à Manchester @Maxppp

Après s'être engagé en personne dans la lutte contre la précarité alimentaire et la pauvreté infantile, Marcus Rashford se lance dans un nouveau combat : offrir aux enfants un accès durable à l'éducation par le biais de la lecture. En pleine crise économique et sanitaire, le jeune attaquant de Manchester United n'hésite pas à troquer ses crampons et son maillot des Red Devils pour enfiler un costume de bienfaiteur national.

C'est probablement son plus beau trophée. Plus que les buts marqués dans un derby face à Manchester City ou Liverpool, ou dans les derniers instants face au PSG, Marcus Rashford a réussi à faire plier le gouvernement britannique. Deux fois même. En juin dernier le Premier Ministre Boris Johnson décide de supprimer les bons alimentaires, destinés aux familles les plus fragiles, qui doivent remplacer la cantine gratuite durant l'été. Cette annonce choque l'opinion publique. L'attaquant mancunien passe lui à l'action. Il démarre une campagne de sensibilisation sur les réseaux sociaux et parvient rapidement à faire céder l'équipe gouvernementale conservatrice. Cependant, elle prévient. Cette mesure, estimée à 188 M€, sera maintenue le temps de l'été seulement.

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Des actions saluées par la Reine Elisabeth II

À la rentrée, il faut repartir au combat. Comme promis, le Parlement britannique met fin à la campagne de distribution gratuite de repas. Pourtant, la crise et la faim sont toujours bien présentes dans les foyers les plus démunis. Déjà salué quelques jours plus tôt par la Reine Elisabeth II en personne, qui lui a remis le titre de Most Excellent Order of the British Empire (MBE, Membre de l'Ordre de l'Empire Britannique), Rashford lance cette fois une pétition qu'il adresse au Premier Ministre pour « en finir avec la pauvreté infantile : aucun enfant ne devrait avoir faim. » Le million de signatures est rapidement dépassé car ce sont toutes les couches de la société qui semblent touchées par cette initiative. Grandes marques, salariés, fonctionnaires, politiques locaux, artisans et commerçants se mobilisent, fournissant parfois eux-mêmes des repas aux enfants dans le besoin.

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Il faut dire que l'insécurité alimentaire frappe de plein fouet cette Angleterre en crise. Avant la pandémie, on estimait que 30% des enfants vivaient déjà sous le seuil de pauvreté. Les chiffres sont en cours d'actualisation mais le pire est sans doute à venir puisque 32% des foyers ont perdu des revenus depuis le début de l'année 2020. «Ils sont tellement insensibles, ils n'ont sûrement jamais été dans cette situation eux-mêmes» se lamentait le joueur le 15 octobre dernier, lors de la dernière annonce du gouvernement. Enfant du quartier de Wythenshawe au sud de Manchester, il a lui-même connu les difficultés du quotidien avec sa mère et se sent investi d'une mission ; lutter contre un autre fléau dévastateur: la pauvreté infantile. «Ma mère est heureuse aujourd’hui que l’on parle de ce problème et que des gens comme moi viennent en aide aux autres.»

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Rashford remporte par deux fois son bras de fer avec le gouvernement britannique

Le parangon va encore plus loin dans sa requête. Il demande à élargir les mesures. « J’appelle le gouvernement à étendre les bons pour des repas gratuits à tous les parents d’enfants jusqu’à 16 ans bénéficiaires des minima sociaux (à l'heure actuelle, cette aide concerne uniquement les enfants jusqu'en deuxième année d'école primaire et s'arrête durant les vacances scolaires), à continuer à fournir ces bons pendant les vacances scolaires et à accroître la valeur des "bons d’achat santé" (pour les femmes enceintes) d’au moins 4,25 livres (4,75€) par semaine. » Face à l'ampleur de la mobilisation et la pression de l'opinion, le 10 Downing Street finit par plier à nouveau. Boris Johnson va même jusqu'à appeler en personne Marcus Rashford. L'aide alimentaire est prolongée jusqu'à Noël 2021. Un soulagement pour les familles des 2 millions d'enfants pauvres dans le pays.

Le footballeur millionnaire est devenu le héros d'une nation. Ses 7 buts et 3 passes décisives en 12 rencontres toutes compétitions confondues cette saison apparaissent assez dérisoires à côté de ce qu'il est en train d'accomplir en dehors des terrains. L'artiste Akse lui a consacré une fresque murale à Manchester, tandis que les autres clubs ont salué ses initiatives. Sur les réseaux sociaux, les messages de soutien pullulent et une école de Birmingham est allée jusqu'à renommer une de ses salles en l'honneur de l'international. L'éducation justement, un autre combat dans lequel il se lance. Rashford entame un projet de club de lecture. En association avec la maison d'édition Macmillan Children's Books, la Marcus Rashford Book Club aura pour but de fournir des livres afin de favoriser la lecture et l'alphabétisation chez les jeunes de tous les milieux sociaux.

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Après la précarité alimentaire, l'accès à la lecture

«Je n'ai commencé à lire qu'à 17 ans, et cela a complètement changé ma vision des choses et ma mentalité. J'aurais aimé avoir l'opportunité de lire davantage lorsque j'étais enfant, mais les livres n'entraient jamais dans le budget de la maison. Nous devions mettre de la nourriture sur la table, se souvient l'attaquant au grand cœur, qui prévoit à travers ce partenariat de sortir plusieurs livres consacrés à la tolérance, au féminisme ou encore à la culture. Il y a eu des moments où l'évasion par la lecture aurait pu vraiment m'aider. Je veux cette évasion pour tous les enfants. Pas seulement à ceux qui peuvent se le permettre. Nous savons qu'il y a aujourd'hui plus de 380 000 enfants à travers le Royaume-Uni qui n'ont jamais possédé un livre. Ce sont des enfants qui vivent dans des environnements vulnérables. Cela doit changer.»

À 23 ans seulement, Rashford dépasse largement les frontières du rectangle vert. Brillant sous le maillot des Red Devils, il est surtout devenu un modèle dans une Angleterre durement frappée par la crise. Bien loin des clichés véhiculés par son sport et ses acteurs, il incarne des valeurs parfois occultées telles que la solidarité ou la charité, et redonne une impulsion au tissu associatif si important dans la vie des quartiers défavorisés d'où il est lui même issu. C'est d'ailleurs en pointant du doigt le cynisme des politiques qu'il a pu lancer cet élan de solidarité national, se disant « encore plus fier d'être britannique». Evidemment, la pauvreté et l'accès à l'éducation sont des combats permanents et le nouveau héros a promis de poursuivre sa doctrine après la crise. «Je me battrai pour le reste de ma vie.» Et si un jour c'était sur le terrain politique qu'on le retrouvait ?

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