Rencontre avec ces Français du bout du monde : Antonin Trilles

Par Khaled Karouri
9 min.
Antonin Trilles vous raconte son parcours @Maxppp

À l’heure où bien des joueurs décident de plier bagage direction la Grèce ou la Turquie, d’autres footballeurs n’hésitent pas à filer encore plus loin dans le but d’exercer leur métier et de découvrir de nouvelles cultures. Rencontre avec ces Français partis aux quatre coins du globe.

Alors que le monde bouge et que les sociétés modernes sont aujourd'hui mondialisées, le football n'échappe pas à la règle et l'univers du ballon rond se conjugue désormais aux quatre coins du globe. Bien des joueurs français profitent d'ailleurs de cette occasion pour faire leurs valises direction le bout du monde et tenter leur chance sur tous les continents. Par le biais de notre rubrique consacrée aux Français du bout du monde, nous vous proposons de découvrir ces footballeurs partis tenter leur chance loin des frontières hexagonales. Après avoir fait escale la semaine passée du côté d'Israël, nous vous proposons aujourd'hui de faire un tour plus à l'Est, direction l'Asie. En effet, c'est à Singapour que nous posons cette fois nos valises, pour y découvrir Antonin Trilles, gardien de but portant les couleurs de l'Étoile FC, un club composé de joueurs francophones. Contacté par nos soins, le gardien de but nous raconte son parcours :

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« J'ai été formé à l'AC Arles, devenu AC Arles-Avignon depuis la montée en Ligue 2 il y a 2 ans. Je suis d'Arles, j'ai donc un peu grandi avec ce club et on a effectué un parcours incroyable, mais pas par hasard car nous étions tous amis aussi bien sur le terrain qu'en dehors. Tout en continuant mes études, j'ai participé à la montée de CFA2 en Ligue 2. J'étais numéro 2 et par la concurrence, Michel Estevan m'a fait jouer les 5 derniers matches de CFA décisifs pour la montée en National. Ça s'est bien passé pour moi et on a réussi à monter en gagnant face à Gap le dernier match, à domicile, un souvenir fort pour ma famille et moi. La préparation pour le National se passait bien, je jouais les matches amicaux et un gardien brésilien est arrivé à l'essai, Magno Macedo Novaes. Il a montré de grandes qualités tout de suite et il a normalement été désigné titulaire. Pas de regrets, c'est devenu un ami et c'est un super gardien, aujourd'hui il fait les beaux jours de Bastia. L'année de la montée j'ai joué 3 matches dans la course à la montée et l'année a fini en apothéose avec la L2 au bout. Le président, Jean-Marc Conrad, avait annoncé dans le vestiaire 10 jours avant la montée qu'il ne laisserait personne sur le carreau et qu'il proposerait un contrat à tout le monde... Les 3 premiers joueurs qu'il a vu n'ont pas été gardés, on savait tous à quoi s'attendre alors... Le club n'en a gardé que 6. Une proposition m'a été faite, mais j'ai dû y renoncer car elle était inacceptable, même si je ne demandais pas la Lune, conscient de mon statut. C'est le football ». Ensuite, le portier de 27 ans a tenté de rebondir dans l'Hexagone :

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« J'étais donc à la recherche de temps jeu, et je signe au Gazelec d'Ajaccio, un gros club de CFA avec des ambitions. Après un petit temps d'adaptation, on trouve nos marques et moi les miennes. On finit meilleure défense et je suis élu joueur du mois de Mars par 100% des supporters, ça fait toujours plaisir quand on connait l'engouement autour de ce club et de ce stade magique Ange Casanova qui n'attend qu'une chose, que le club brille au meilleur niveau. Malheureusement nous manquons la montée à 2 points et le staff du club est démis de ses fonctions. Malgré une proposition du club, nous n'arrivons pas a nous mettre d'accord et nous nous quittons bons amis. Je leur passe d'ailleurs le bonjour. Je signe dans la foulée a Marignane, club du même groupe de CFA qui sortait d'une belle saison et qui avait des ambitions, en plus ça me rapprochait de chez moi et ma femme de ses amies a Aix-en-Provence. Ironie du sort, dans les 10 minutes qui suivent ma signature, un agent m'appelle pour m'envoyer à l'essai à Boulogne, et par respect je décline car je viens de m'engager avec Marignane. On fait un début de saison catastrophique, on enchaine 5 défaites de suite et on ne marque aucun but durant les 11 premiers matches, un cauchemar. Le coach fait des changements et décide de me mettre sur le banc, ce sont des choix, même si on ne les comprend pas et qu'ils n'apportent pas de solutions, c'est comme ça il faut les accepter. Je joue tout de même en Coupe de France et on fait un superbe parcours mais on est éliminé à la porte des équipes pros en 64ème de finale. Une semaine après, le président m'annonce qu'il ne peut plus me payer ».

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Et finalement, c'est à Singapour que le joueur va finir par trouver chaussure à son pied : « Ça s'est fait très vite. J'ai été au chômage le 17 décembre. Le 26 j'envoie mon CV, le 27 je suis convoqué à l'essai. L'essai a eu lieu le 4 janvier et le 25 nous décollions de Charles de Gaulle ! Durant mes premiers jours de chômage, j'active toutes mes connaissances pour parvenir à trouver un club ou des essais à faire, et c'est durant un petit match de futsal avec mon ami Mehdi Tagawa, formé a AC AJACCIO et ancien joueur de Virton, qu'il me parle d'un essai sur Toulouse pour une équipe de Français basée à Singapour, championne en titre. J'en avais déjà entendu parler par un ami qui avait déjà été contacté l'année précédente, mais sans plus. Mehdi, son ami Selim Kaabi et moi sommes convoqués pour l'essai. Ça se passe bien pour Selim et moi, malheureusement Mehdi n'est pas pris. Le lendemain l'agent me rappelle pour me faire la proposition de contrat, après quelques jours de négociations et de discussions avec ma femme et ma famille, je dis ok. Le challenge est super intéressant car il m'a permis de jouer et de ne pas rester au chômage en signant un contrat pro, de découvrir un nouveau pays et une nouvelle culture. Comme je parle couramment anglais la barrière de la langue ne s'est pas posée et le fait de se trouver en Asie du sud-est m'a permis de voyager tout près vers des destinations de rêve (Bali, Thaïlande, Malaisie...). Pour la vie personnelle, c'est très épanouissant. Mais je ne suis là pour faire du tourisme attention. Le niveau de jeu est très correct, le championnat est composé de 12 équipes, qu'on rencontre 3 fois chacune, et il y a les 2 coupes organisées durant la saison, on joue presque 50 matches. 3 équipes correspondent à une CFA-National, le reste c'est du CFA, et on joue devant une moyenne de 1500-2000 personnes, pas la folie mais bon on fait avec ! »

Se contentant de son sort, le dernier rempart envisage-t-il néanmoins de découvrir autre chose à l'avenir ? « Continuer l'aventure sur le long terme dépendra bien sûr du degré de structure du club et des ambitions. Ça veut bien sûr dire qu'il va falloir une amélioration des conditions de vie, salaire notamment, même si « on est mieux là qu'en prison » comme disent mes amis du Sud. Mais prolonger de 1 ou 2 saisons ne me dérangerait pas comme je l'ai dit, selon les conditions. Je rencontrerai mes dirigeants très bientôt, et je pense que l'on va trouver un accord pour la saison prochaine. Mon objectif est de pouvoir améliorer ma situation et de découvrir de nouveaux championnats, de se servir de Singapour comme tremplin vers la Thaïlande, l'Australie, l'Indonésie, qui sont des championnats bien plus rémunérateurs et où l'on joue dans des stades pleins ! Mais ça passe par les performances, et on est sur la bonne voie. Au niveau football, le continent asiatique gagne vraiment à être connu. Singapour est très petit et est en plein développement. Mais la Thaïlande, par exemple, c'est de la pure folie : les stades pleins, des conditions de vie incroyables, et des joueurs de très bon niveau ! Sans parler bien sûr des championnats japonais et sud-coréens, vraiment intéressants et de bons niveaux. Pour ce qui est des autres continents, je pense que peu importe l'endroit où l'on se trouve, on se fait sa propre expérience, aussi bien footballistique que personnelle. Les États-Unis sont en plein essor niveau football et le rêve américain existe je pense, mais bon on en est loin pour le moment! Niveau Europe, une expérience en Espagne ou en Italie me plairait beaucoup. Sans jouer en Liga ou en Serie A, on y trouve de très bons clubs de bon niveau, structurés et suivis par le public. Un retour en France ne me dérangerait absolument pas si une proposition intéressante arrivait. Je suis parti dans l'idée de revenir un jour, je sais très bien que ma carrière et ma vie ne se termineront pas ici, je suis du Sud et on est très attaché à notre région ! En bref, je suis ouvert à tout ! Je voulais également rajouter une petite dédicace pour mes amis en France, je sais que ça leur ferait plaisir. C'est pour la bande des Zèbres, et une pensée pour la filleule Ava qui va fêter ses 1 an et son père Greg ses 30 ans. Comme je ne pourrai pas y assister, je sais que ça leur ferait plaisir ». Le message est passé !

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