Marco Verratti : « la victoire du PSG en Ligue des Champions a été un soulagement »
Plus de deux ans après son départ du Paris Saint-Germain, Marco Verratti continue de s’épanouir au Qatar sous le maillot d’Al Duhail. Le milieu italien nous a consacré une interview exclusive à Doha.
À 32 ans, Marco Verratti savoure un nouveau chapitre de sa carrière au Qatar. Passé cet été d’Al Arabi à Al Duhail, l’ancien milieu emblématique du Paris Saint-Germain s’est adapté à un championnat en pleine croissance, sans pour autant tourner la page de son riche parcours européen. Installé à Doha, il s’est confié à Foot Mercato, présent au stade Abdallah-ben-Khalifa, pour évoquer sa vie au Qatar, son intégration dans le football local, mais aussi plusieurs sujets autour du PSG, dont la victoire en Ligue des Champions, le départ de Gianluigi Donnarumma, la comparaison naissante avec Vitinha, le projet sous Luis Enrique, ainsi que la situation actuelle de la sélection italienne, toujours en quête d’une place pour la prochaine Coupe du Monde.
«Le Qatar a de très bonnes structures pour les jeunes joueurs»
Foot Mercato : Voilà plus de deux ans que tu joues au Qatar. Tu étais à Al Arabi et maintenant, tu portes le maillot d’Al Duhail. Comment s’est passée ton intégration dans le football qatari ?
Marco Verratti : Je suis très content, ça fait deux ans et demi, et je me sens toujours de mieux en mieux. C’est une ville incroyable où tout va un peu plus doucement. C’est ce que j’avais besoin aussi. Je profite beaucoup plus de la famille. Je suis vraiment heureux ici, aussi d’un point de vue football. C’est un championnat différent de la France. Mais il y a de très bons joueurs, j’essaye aussi d’aider l’équipe à grandir. Je suis dans un grand club. Ils ont l’habitude de gagner ici, donc c’est facile.
FM : Quel œil portes-tu sur la Qatar Stars League, le championnat qatari qui se développe à grande vitesse ?
MV : en comparaison à ma première saison, les choses ont déjà beaucoup changé. Les équipes sont beaucoup plus organisées, il y a beaucoup d’entraîneurs qui viennent de l’étranger qui, tactiquement, sont préparés. Même les joueurs qataris sont très forts, ils l’ont montré dans les dernières éditions de la Coupe d’Asie, ils ont fait un doublé, et se sont qualifiés pour le prochain Mondial. Tout ça, c’est parce qu’ils ont bien travaillé avec les jeunes. Ils ont de très bonnes structures pour travailler, pour faire grandir des jeunes et les faire devenir de grands joueurs.
FM : Comment décrirais-tu la passion des Qataris pour le football ?
MV : la grande différence est que tout est plus tranquille ici. Les supporters viennent des fois dans la rue pour m’arrêter. Il n’y a pas beaucoup d’équipes. Il y a trois ou quatre grandes équipes qui sont les plus importantes à Doha. En Europe, la passion est incroyable. Au Qatar, il y a un autre type de grande passion. C’est aussi une ville où tu peux t’ouvrir à plein d’autres choses en dehors du foot. Il y a beaucoup de cultures différentes, on a tous notre façon de vivre. Quand tu arrives ici, on a l’impression que tout le monde est plus lent. J’adore cette impression parce que tu vois qui sont vraiment comme ça et qu’ils kiffent leur vie. C’est différent, mais je suis content. Pour moi, la vie, ce n’est pas seulement le foot, c’est aussi vivre à côté de ma famille, passer de bons moments, connaître des autres cultures, et surtout voyager. C’est tout ça, c’est un ensemble de bonnes choses qui m’ont permis d’être heureux ici. Après, je pense que si un autre joueur ne pense qu’au football, ce n’est pas vraiment une ville pour ça. Mais ce n’est pas mon cas et c’est pour ça que je suis content.
« Donnarumma était un peu déçu »
FM : En tant que légende du PSG et chouchou du Parc des Princes, comment as-tu réagi à la victoire parisienne en Ligue des champions ? De la joie de la victoire accomplie, de l’amertume de ne pas être sur le terrain ou un mélange de tout ça ?
MV : je n’ai jamais eu cette chose en tête, de me dire que je ne voulais pas que le PSG la gagne parce que je ne l’avais pas gagné à mon époque. La vérité, c’est que je suis vraiment très proche de toutes les personnes qui ont fait grandir le Paris Saint-Germain et surtout maintenant que je suis au Qatar, je vois encore plus toutes ces personnes. Je sais toutes les choses qui sont faites et je suis vraiment content parce qu’à la fin, je pense que chacun de nous avons mis une petite pierre pour faire grandir ce club. La manière dont ils l’ont gagné est magnifique parce qu’ils l’ont mérité, ils ont gagné avec un jeu magnifique. Avant, j’avais un peu l’impression qu’à l’étranger, le PSG était vu comme l’équipe qui achetait des joueurs avec l’obligation de gagner tout de suite, là ils ont gagné avec une équipe jeune qui joue bien. Même les gens qui avaient un peu de haine contre le Paris Saint-Germain, je pense qu’ils ont été contents.
FM : On peut donc dire que le PSG est enfin guéri de ses traumatismes passés ?
MV : c’était comme un soulagement même pour moi, alors que je ne joue plus au PSG. Je pense que le projet va partir sur de grandes bases. C’est plus facile de la regagner quand tu l’as gagné une première fois, parce que tu sais que tu as réussi, tu sais qu’avec le travail, tout peut arriver. Même pour les nouveaux jeunes français, je pense qu’avant, ils ne voulaient pas jouer pour le PSG. Ils préféraient jouer à l’étranger, pour Madrid et Barcelone. Aujourd’hui, je pense que ça va être une équipe qui va faire rêver pas mal de joueurs.
FM : Quelles différences remarques-tu entre le PSG d’aujourd’hui et celui que tu as connu pendant plusieurs années ?
MV : aujourd’hui c’est tellement différent. Comme on dit toujours, l’équipe vient avant tout. Je ne suis pas à l’entraînement, je ne sais pas comment ça se passe, mais de l’extérieur, je ressens cette sensation que si un joueur se blesse, l’autre rentre et ça ne change rien. Ce ne sont pas les joueurs individuellement qui sont les plus importants, mais c’est le collectif et ça se ressent. Après bien sûr, ils ont de très grands joueurs comme Dembélé et Kvaratskhelia. Mais je pense qu’avant tout, ils aident l’équipe. Comme je l’ai dit avant, si un jour Dembélé est blessé ou un autre joueur, ils vont quand même faire un grand match.
FM : Comment juges-tu aujourd’hui le milieu du Paris Saint-Germain ? Certains supporters parisiens s’amusent à te comparer avec Vitinha sur les réseaux sociaux.
MV : je pense que ça ne sert à rien de faire des comparaisons, parce que c’est un autre style de jeu. Ce n’était pas le même Paris Saint-Germain avant. On avait un autre style de jeu et une autre équipe. Je pense que les comparaisons ne servent pas à beaucoup de choses. Ce sont des situations complètement différentes. Je pense qu’ils ont fait une saison magnifique, surtout Fabian, Vitinha et João Neves. Fabian avait passé des moments un peu difficiles. Aujourd’hui, c’est un joueur que tout le monde respecte. Quand j’étais à Paris, tout le monde disait que Fabian n’était pas un joueur pour le Paris Saint-Germain. Mais je le voyais tous les jours, c’est un joueur très intelligent pour le football d’aujourd’hui, surtout dans une équipe de Luis Enrique. C’est un joueur incroyable, parce qu’il sait attaquer les espaces, il a le tempo du jeu, il connaît le foot. Ils ont été très importants pour le PSG. Dans le football d’aujourd’hui, le milieu est très important. Ils sont magnifiques dans les phases avec ou sans le ballon.
FM : As-tu eu des contacts réguliers avec Gianluigi Donnarumma lorsque la presse s’est emparée de cette affaire de prolongation de contrat avortée et des rumeurs de départ pour Manchester City ?
MV : je parlais avec lui pendant qu’il y avait cette rumeur. Je pense qu’il était un peu déçu. C’est normal. Il venait de gagner la Champions League en étant un des joueurs les plus importants de la saison. Quand tu gagnes la Champions League, on parle souvent de chance, mais ce n’est pas vraiment de la chance, parce qu’ils ont bien joué. Mais il y a eu des moments où il fallait répondre présent avec un arrêt décisif, et il l’a fait, pas seulement une fois. C’est ça être un grand gardien, parce que c’est impossible de gagner la Champions League avec les 4-5 dernières équipes qui sont quasiment toutes pareilles. C’est difficile de gagner 3-0 et d’avoir des matchs à sens unique. Et lui, il a répondu présent dans les matchs où ils en avaient besoin. Je pense que même nous, on a gagné l’Euro grâce à lui. Je pense qu’ils ont gagné une Champions League beaucoup grâce à lui. Mais après, c’est aussi la décision de Luis Enrique. Il veut toujours changer. Il veut toujours montrer que personne n’est intouchable. Je pense qu’il est bien tombé à Manchester City en Premier League, un nouveau championnat. Il a déjà connu trois championnats. Je pense que pour son expérience, ça va être incroyable.
«Mes enfants n’ont jamais connu l’Italie en Coupe du Monde»
FM : Penses-tu que l’Italie va enfin être capable de chasser les vieux démons pour se qualifier à la prochaine Coupe du Monde 2026 (actuellement virtuellement barragiste, ndlr) ?
MV : j’espère qu’après les deux fois où on ne s’est pas qualifié, une troisième fois serait celle de trop. Il y a des générations qui ne sont pas arrivées. Mes enfants n’ont jamais vu l’Italie dans un Mondial. Ça va être compliqué parce que même les autres fois où l’on s’était fait éliminer, on avait vécu des circonstances incroyables. On s’était dit «comment c’est possible qu’on se retrouve dehors». On avait battu le record de 35 matchs de suite sans défaite et on se retrouve en dehors du Mondial. On rate un match et on se retrouve à disputer des barrages avec des sélections qui sont bien préparées. Aujourd’hui, on a un entraîneur (Gennaro Gattuso, ndlr) qui a une grande envie de gagner. Il arrive à transmettre ça aux joueurs. Là, je pense que c’est quasiment inévitable qu’on va repasser par la case des barrages. Et en mars, il faut que tout le monde soit préparé pour ces deux matchs. J’espère que la chance sera de notre côté.
FM : Tu as récemment racheté Pescara, ton club formateur. Il semble que tu as déjà trouvé ta future reconversion. A moins que tu aies un dernier challenge après le Qatar à tenter dans ta carrière ?
MV : je n’y avais jamais vraiment pensé, mais les derniers temps, j’y pense de plus en plus. J’ai acheté mon équipe où j’ai grandi. Je voulais remonter cette équipe. On est en Serie B maintenant. C’est une chose qui m’intéresse beaucoup. Je voulais redonner quelque chose à la ville qui m’a permis de faire tout ce que je fais aujourd’hui. C’est grâce à eux que j’ai joué au Paris Saint-Germain. C’est grâce à eux que j’ai pu jouer pour la sélection. C’était la façon la plus pratique et la plus simple pour montrer que je voulais m’investir dans cette équipe pour la faire grandir, pour essayer de la remonter. C’est ce que j’ai appris dans ma carrière. Pour le foot, je ne sais pas, je réfléchis année après année. Je me sens très bien. Je pense que jamais, je me suis senti aussi bien. Je pense aussi que c’est parce qu’il y a un peu moins de matchs. J’ai beaucoup de temps pour moi, je fais quasiment deux entraînements par jour. Je me sens bien et on va voir ce que l’on va faire l’année prochaine.
FM : Comment expliques-tu le faible développement des jeunes talents italiens ces dernières années ? Les clubs de Serie A semblent frileux à lancer dans le grand bain leurs jeunes pépites
MV : je pense qu’en Italie, il y a un côté maladif et égoïste. Ça veut dire qu’on cherche que les résultats. Par exemple, un directeur sportif et un entraîneur préfèrent gagner tout de suite les matchs, au lieu de faire grandir un jeune. Ils pensent à leur peau. Ils vivent pour les résultats. Ça veut dire qu’ils peuvent même faire grandir trois jeunes incroyables, s’il n’y a pas de résultats sportifs, personne ne sera derrière pour les soutenir. Je pense qu’on est trop dans le présent. On ne voit pas beaucoup dans le futur, mais c’est aussi ce que je veux faire avec Pescara, de donner la possibilité aux joueurs qui méritent. Parfois, on pense d’une autre façon. En Italie, on a mis en place une règle où les clubs de Serie C doivent faire jouer un certain nombre de jeunes. Des fois, ils ne sont pas préparés, ils n’ont pas l’âge et ils se retrouvent sans équipe. Je pense qu’il faut les faire bien travailler. Il faut redonner l’envie aux jeunes de travailler pour essayer d’avoir ta place. Si tu le mérites, tu joues. Ce n’est pas parce qu’un joueur a 30 ans qu’il doit passer devant toi. Cela dépend ce que tu montres sur le terrain.
En savoir plus sur