Temps Additionn’Elles, Maud Griezmann : « Je savais qu’Antoine réussirait»

Par Dahbia Hattabi
8 min.
Atlético Madrid Antoine Griezmann @Maxppp

Il y a environ un an, la plupart des Français découvraient Maud Griezmann. La soeur du joueur de l'équipe de France était présente au Bataclan lors des attentats qui ont frappé la capitale en plein coeur. Pour Foot Mercato, la jeune femme âgée de 28 ans a accepté de revenir sur cet épisode forcément marquant. Celle qui est aujourd'hui l'attachée de presse d'Antoine Griezmann est également revenue avec simplicité sur les moments qui ont marqué la vie et la carrière de son frère. Entretien.

Foot Mercato : Quel est votre rapport avec le football ?

Maud Griezmann : Ça va vous faire rire, mais à la base je n'aime pas le football. J'ai grandi avec mon père qui était entraîneur donc forcément il m'emmenait sur les terrains les week-ends. Après il y a eu Antoine qui a commencé le football à 5 ans. On le suivait aux matches, etc... De base, on a une famille qui est très foot. Même mes oncles ou mes cousins ont été entraîneurs ou joueurs. Donc pas mal de personnes de la famille étaient dans le foot. Forcément, j'ai baigné un peu dedans. Ça m'a peut-être aussi écœurée à la fin. Depuis qu'Antoine est passé pro, je vous avouerai qu'il y a encore deux-trois ans je le suivais de loin. Là depuis que je travaille avec lui (c'est son attachée de presse), je le suis. Disons que j'aime bien le foot, mais à petites doses (sourire). Je ne suis pas une passionnée. Par exemple, je ne vais pas regarder un autre match que celui de mon frère.

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FM : Avec une famille autant dans le football, il était impossible pour Antoine d'y échapper.

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M.G : Je ne pense pas car c'est l'une des choses que mon père lui a transmis directement. Dès qu'il a su marcher, il avait un ballon avec lui. Il ne pouvait pas y échapper.

FM : On le sait il a connu une période compliquée où les clubs ne voulaient pas forcément de lui en centre de formation. Vous, en tant que grande sœur, quelle attitude aviez-vous avec lui après ses échecs ?

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M.G : Bizarrement quand il rentrait et que ça n'allait pas, j'essayais justement de lui faire penser à autre chose et pas forcément lui parler de foot ou des échecs qu'il avait à chaque fois. C'était plus déconner, lui changer les idées, lui vider la tête et lui dire que la prochaine fois ça serait la bonne. C'était plus ce rôle là que j'avais.

FM : Malgré cela, est-ce que vous sentiez qu'Antoine était déterminé à y arriver ?

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M.G : Oui. C'est quelqu'un d'obstiné. Il s'est toujours dit : "Je ne ferai que ça de ma vie. Je ne me vois pas faire autre chose et j'y arriverai". Il n'a jamais lâché. Jamais.

Une séparation très difficile

FM : Antoine a finalement quitté le cocon familial à 13 ans afin de rejoindre la Real Sociedad. Comment s'est passée la séparation ?

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M.G : Ça a été très dur autant pour lui que pour mes parents, mon petit frère (Théo) et moi. Ça a été dur parce que forcément ça a fait un vide. On était gamins. Je n'ai que 3 ans d'écart avec Antoine. On est assez complices avec mes deux frères. Le jour où il est parti, on partageait notre chambre, donc forcément tu n'as plus personne avec toi. A table aussi, tu as une place de vide. Ça a été très dur pour nous et pour lui. Il nous disait qu'on lui manquait.

FM : Est-ce que vous avez le sentiment d'avoir raté une partie importante de sa vie ?

M.G : C'est clair. Disons que j'apprends à connaître mon frère que maintenant. C'est assez bizarre. J'apprends à le connaître par rapport à ses goûts, à sa façon de penser, à ses valeurs. Bon on partage les mêmes valeurs. Mais quand tu grandis, l'adolescence est la période où tu te "formes". Cette période-là, nous on ne l'a pas vécu. C'était assez compliqué. Jusqu'à encore deux ou trois ans, je disais : "Je ne connais pas mon frère". Avec mon frère Théo, ça nous embêtait car à un moment on se disait qu'on avait raté une période de sa vie.

FM : Étant plus jeune, Antoine a eu un petit écart de conduite en équipe de France espoirs. À ce moment-là, que lui avez-vous dit ?

M.G : On lui a tous tapé sur les doigts. On lui a dit ce que tu as fait c'est une bêtise. On pense que tu le sais. On n'avait pas besoin d'en rajouter des tonnes et des tonnes. Il le savait déjà. L'avantage avec Antoine c'est que quand il fait des bêtises, il l'assume entièrement. Cette bêtise-là, il l'a assumé tout de suite. Il a été très mal. Je pense que ça lui a servi de leçon parce que jusqu'à maintenant il a un comportement irréprochable. Ça l'a forgé.

FM : Est ce que vous sentez aujourd'hui que votre frère est une star planétaire ? Comment cela se manifeste ?

M.G : Ce qui est drôle c'est que j'ai encore du mal avec cette dimension de footballeur professionnel mondialement connu. Pour moi, c'est mon frère. J'ai encore énormément de mal avec ça. Je ne le vois pas comme une star interplanétaire. Ça reste Antoine. Le regard des gens ne change pas vraiment. Personnellement, jusqu'aux attentats du 13 novembre personne ne me connaissait. Les gens ne savaient pas qu'il avait une sœur. Le fait de travailler avec lui fait que forcément je suis dans le circuit. Le regard des gens n'a pas spécialement changé, c'est toujours bienveillant. On n'a pas des gens qui gravitent autour de nous qui sont malsains. Ça ne change pas notre vie, seulement celle d'Antoine.

FM : Pensiez-vous qu'il atteindrait un tel niveau ?

M.G : Je savais qu'Antoine réussirait. Mais pas à ce point-là. Je savais que comme le foot était sa passion il arriverait à atteindre son objectif.

FM : Jusqu'où peut-il aller ? Parlez-vous du Ballon d'Or ?

M.G : Concernant le Ballon d'Or, il est déjà très flatté d'être parmi les trente nommés. Il aimerait être dans les trois. Après, il ne se fait pas de films parce qu'il sait que ce sera sûrement Cristiano Ronaldo ce qui est normal. Mais lui, il m'a toujours dit : "Si je suis dans les 30 c'est bien. Si je suis dans les trois, c'est encore mieux. Mon heure viendra". Il ne se met pas la pression. Il vit simplement le truc.

Un joueur et un homme comblé

FM : 2016 a été une année particulièrement importante pour Antoine tant sportivement que sur le plan personnel, car il est devenu père. Est-ce qu'on peut dire que 2016 est sa plus belle année ?

M.G : C'est une chouette année. On ne sait pas ce qu'il va arriver les prochaines années. Mais ça a été une super année tant au niveau professionnel que personnel. Antoine est comblé. En espérant que 2017 soit encore mieux. C'est clair que 2016 lui a souri.

FM : Y a-t-il un souvenir qui vous a marqué dans sa carrière ?

M.G : Le but qu'il a mis à Lyon avec la Real Sociedad où là on s'est dit il a franchi un niveau, avec la réaction des journalistes. Il y a aussi sa première sélection avec l'équipe de France où là on l'a senti stressé. Il était tout blanc sur le terrain pendant l'hymne. On s'est dit qu'il allait tomber dans les pommes. On s'inquiétait pour lui.

FM : Vous travaillez avec votre frère. Est ce que ce n'est pas une façon pour Antoine de vous impliquer dans sa vie lui qui n'a pas vraiment grandi avec vous ?

M.G : C'est exactement ça. Je le vois deux fois dans le mois, je reste 4-5 jours. C'est vrai que ça nous a forcément rapprochés. Je le découvre maintenant. On rattrape toutes les années qu'on a perdu pendant son adolescence où je le voyais une fois dans l'année pour Noël.

FM : Antoine donne aussi un coup de main à votre autre frère Théo qui a lancé une marque de vêtement.

M.G : La marque est à Théo. Il a tout monté de A à Z, le nom, le produit, le financement. Antoine lui donne un coup de main au niveau de la visibilité. Mais ça s'arrête là. C'est la marque de Théo.

FM : On connaît Antoine Griezmann le footballeur. Mais en privé, quels sont ses traits de caractère ?

M.G : La qualité première d'Antoine, ce qui m'impressionne vachement, c'est l'humilité qu'il a. C'est une personne qui est peu bavarde. C'est aussi un déconneur. Il aime bien chambrer, il a beaucoup d'humour. Mais ça reste quelqu'un de timide. Du moment que quelqu'un va l'impressionner, ce n'est pas lui qui va faire le premier pas. Par exemple, c'est un passionné de basket. L'hiver dernier, on est parti à Chicago. Il fallait qu'on soit derrière lui à lui dire va lui parler (à un joueur), tu peux le faire. C'est quelqu'un de timide mais chambreur en même temps. Je pense qu'on le voit en équipe de France ou à l'Atlético.

FM : Comme vous l'avez justement dit, certains vous ont découvert l'an dernier au moment des attentats du 13 novembre à Paris puisque vous étiez au Bataclan. Cela va faire bientôt un an. Comment avez-vous fait pour vous en relever ?

M.G : Forcément, ça marque. Disons que ma famille et mes amis m'ont aidé. Je n'ai pas été suivi psychologiquement. Je n'ai pas été voir de psy. Mon frère dit que je suis quelqu'un qui a un caractère fort. Je vais de l'avant et cet épisode là, je ne l'oublierai pas. Et je ne veux pas l'oublier. Mais j'ai relativisé en me disant qu'il fallait profiter de ma famille. C'est eux qui m'ont aidé à passer à autre chose. Avec Antoine, on en a parlé qu'une seule fois. C'était une semaine après les attentats. Je suis allée le voir quelques jours et on en a parlé. Il voulait comprendre. Maintenant, on en parle plus. C'est du passé (...) Vendredi je serai au stade de France pour le match. Le 13, il y aura une commémoration au Bataclan. J'y serai le dimanche matin.

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