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Gaël Angoula : « maintenant, on m’appelle Monsieur l’arbitre »

Par Maxime Barbaud
8 min.
Gaël Angoula @Maxppp

Il a écumé les pelouses de Ligue 1 et de Ligue 2 avec l'étiquette de joueur sanguin collée dans le dos. Cible des arbitres, à juste titre, et parfois mêmes des instances pendant sa carrière de joueur, Gaël Angoula est passé dans l'autre camp. Désormais, c'est lui qui distribue les cartons, quitte à sanctionner ses anciens partenaires. Et ça lui plaît. Entretien avec un arbitre fan d'Alain Sars plutôt que d'Ibrahimovic.

Foot Mercato : passer de joueur professionnel à arbitre, ce n'est pas commun. Comment ça s'est fait pour vous ?

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Gaël Angoula : c’est venu durant ma dernière année à Nîmes en Ligue 2. J’étais encore sous contrat et je ne m’étais jamais penché sur l'arbitrage. M. Rainville était là au centre d’entraînement. On est en salle de musculation, il était seul et moi avec le reste du groupe. On commence à discuter de l’arbitrage pour animer la conversation et je me suis pris au jeu. J’ai regardé un peu ses matches puis au fil du temps, je commençais à lui demander pourquoi telle ou telle décision. On a beaucoup échangé sur ça.

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FM : c'est donc M. Rainville qui vous pousse à emprunter cette voie ?

GA : je lui ai demandé si des joueurs de foot étaient déjà devenus arbitres ou si une passerelle existait. Il m’a cité les exemples de Jean-Marc Rodolphe, Silas Billong, et actuellement Jérémy Stinat mais moi je ne les connais pas les mecs ! Il m’a donné des noms, je suis allé voir sur Google. Puis j’ai regardé quels étaient les critères pour devenir arbitre mais il y en a qui me bloquait. J’arrivais sur mes 35 ans et il fallait en avoir maximum 34 au dépôt de la candidature. Soit je continuais mon contrat avec Nîmes, soit je me lançais et je mettais tapis sur cette nouvelle expérience. J’en ai discuté avec ma femme, mon frère (Aldo Angoula, joueur professionnel également, ndlr), mes parents. J’avais quand même des revenus conséquents. J’étais en Ligue 2 mais avec un statut de joueur de Ligue 1. Je m’asseyais sur mes deux dernières années de contrat et donc une belle somme d’argent aussi.

FM : vous avez pris un risque alors en choisissant ce chemin...

GA : j'ai toujours été un homme de défis. J’ai eu une histoire d’homme un peu chaotique au début (il fait un passage par la case prison avant de se réinsérer par le foot, ndlr). J’avais déjà deux enfants, ma femme était enceinte. Elle m’a laissé passer mon examen et a accepté ce risque. J’étais conscient qu’il fallait beaucoup travailler car j’avais deux mois seulement pour obtenir cet examen. Mais moi, le bouquin des lois du jeu, je ne savais même pas que ça existait. On me dit : "il faut que tu apprennes ça par cœur, plus un document de questions-réponses et d’autres choses." Putain merde ! Les gens de la Ligue et M. Sars (directeur technique adjoint de l’arbitrage à la FFF) m’ont rapidement signifié que ça représentait un travail colossal, que le pourcentage de réussite est très faible par rapport à ma méconnaissance de départ. Ils étaient aussi motivés à me faire bosser car ils ont senti ma motivation et puis ça l’a fait.

FM : jamais vous n'avez douté ?

GA : si forcément mais j’ai tout donné. Si je ne réussissais pas, j’allais me retrouver au chômage, à la recherche d’un club, ce qui ne m’était jamais arrivé.

«Mon directeur c’est Pascal Garibian. C’est lui qui me met 8 matches de suspension»

FM : avant l'arbitrage, vous aviez déjà réfléchi à votre reconversion ?

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GA : oui, j’ai un bac STT et j’avais fait une formation dans l'entrepreneuriat sur Nantes quand j’étais à Angers (2013-2016). Je comptais entrer dans une boîte dans laquelle j’ai des parts en tant qu’investisseur. Les plans ont changé (rires).

FM : avec votre passé de joueur "sanguin", votre reconversion peut prêter à sourire...

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GA : j’ai eu pas mal de soucis sur les terrains, avec d’autres joueurs et indirectement avec les arbitres. Je ne leur facilitais pas le travail. Il faut savoir aussi être reconnaissant. Aujourd’hui, mon directeur c’est Pascal Garibian. Je l’ai connu, il était président de la commission de discipline. C’est lui qui me met 8 matches de suspension après la bagarre lors d’Ajaccio-Bastia (en 2013, une altercation avec Samuel Bouhours avait déclenché une bagarre générale. Angoula avait écopé de 8 matches de suspension dont deux avec sursis). Maintenant, ce sont des collègues ou des gens présents dans l’encadrement mais ils ont fait abstraction. Ils ont cru en moi. C’est une reconnaissance éternelle.

FM : avec le recul, vous pensez que votre personnalité peut vous à aider réussir "de l'autre côté de la barrière" ?

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GA : avec mes anciens coéquipiers ou dirigeants, j’ai toujours eu de bons rapports. Certains étaient là parce qu'ils étaient bons techniquement. Moi, je n’avais pas forcément les qualités pour évoluer en Ligue 1 mais j’avais un bon état d’esprit. C’est ce qui m’a fait durer dans les clubs. J’étais le responsable de la caisse, celui qui intégrait les nouveaux. Je faisais partie du groupe de capitaines. J’étais un cadre même en compagnie des Rothen, Landreau et Maoulida. Moi, Gaël Angoula avec ma carrière de "merde", bah j'étais avec eux.

FM : comment le monde de l'arbitrage vous a-t-il perçu à vos débuts ?

GA : j’étais un peu la surprise de ma formation. Personne ne se disait que je deviendrais arbitre. Je me suis de suite investi. Rompre son contrat, c’était déjà une belle preuve même si encore aujourd’hui, sans prétention, je pense pouvoir encore jouer en Ligue 2. C’était un choix de ma part, de sortir de ma zone de confort. C’est une fonction compliquée mais c’est plaisant.

«Les conflits, j’adore !»

FM : qu'est ce que l'arbitrage vous apporte de plus ?

GA : déjà on est toujours titulaire (rire). Je me sens plus responsable et ça me plaît. Je me sens plus fort, sans faire de zèle. Je suis le garant du match, du spectacle, des joueurs. Alors qu’avant je me disais : "l'arbitre on n’en a pas besoin". Maintenant, on m’appelle Monsieur l’arbitre (rire).

FM : vous semblez préférer votre expérience d'arbitre plutôt que celle de joueur...

GA : j’ai connu d’énormes joies en tant que joueur, j’ai fait une montée, je ne me suis jamais blessé. Mais aujourd’hui, j’ai la sensation de prendre plus de plaisir car il y a plus de responsabilités. Je suis un peu le "parasite" du match. On fait régner les lois, on a une place impopulaire. Un arbitre qu’on ne voit pas, c’est celui qui a fait un bon match. Il faut savoir se faire discret car si on parle de nous, c’est qu’il s’est passé quelque chose. Ça fait partie du boulot aussi.

FM : comment ce choix a été ressenti par votre ancien milieu, celui des joueurs ?

GA : ça a cassé des barrières. Ça a été loué par pas mal de monde. Ils m’ont félicité pour mon choix. Avec d’anciens adversaires, on restait à notre place mais aujourd’hui on discute de tout. Avec Ajaccio par exemple, tout est fini. L’accueil a été top, tout le monde a été top. Il n’y a plus d’animosité.

FM : comment arrivez-vous à mettre de la distance ?

GA : j’ai toujours été quelqu'un de droit. Même sur les petits jeux à l’entraînement, je ne trichais jamais. Même en m’occupant de la caisse, je disais aux mecs : "ton téléphone a sonné, tu payes tant. Tu n’as pas la bonne tenue, tu payes tant." Mais quand ils n’ont pas payé, il faut les secouer, puis aller voir le coach pour ceux qui ne règlent pas. Ça amène des conflits. Mais moi les conflits, j’adore !

«Le jaune à Cahuzac, il n'est même pas surpris»

FM : et même avec vos anciens partenaires, vous n'avez pas de problème à arbitrer ?

GA : j’arbitre en toute tranquillité les mecs avec qui j’ai joué. Quand je mets un jaune à Cahuzac à Lens (face à Auxerre, le 21 octobre dernier, 11e journée de Ligue 2), alors que c’était mon partenaire pendant 3 ans, il n’est même pas surpris. Il sait que je suis là pour ça et pas pour faire du copinage. Mon frère, je lui aurais mis un rouge sans problème. Avec "Cahu", on se connaît, il était content de me revoir. Il m’a même dit que la tenue d’arbitre m’allait très bien. C’est gratifiant. C’est quelqu'un de très intelligent.

FM : maintenant, vous arbitrez au haut niveau mais comment se sont passés vos débuts, 15 jours seulement après le début de votre formation ?

GA : je sortais d’un Nimes-Clermont un vendredi soir et on m’a dit : "dimanche, tu arbitres dans petit quartier de Nîmes un match de 17 ans". J’étais contrôlé. Je suis sorti du match, j’étais carbo. Ça allait d’un but à l’autre, il fallait courir dans tous les sens. J’ai trouvé ça dur mais plaisant. C’était bien ce côté pédagogique. De là, je me suis dit que je le sentais. Je me souviens de la première fois où je sortais de ma Ligue. Je suis parti sur un Aubagne contre la réserve de l'AC Ajaccio en National 3 et il y avait Claude Colombo (ancien arbitre international, ndlr) dans la tribune. Ça a été un tournant pour moi. Il est venu dans le vestiaire à la fin. Il se présente, j’ai halluciné. Ce n'est pas ma génération mais je me souvenais de lui petit à la télé. Il te parle : "j’ai une petite place dans l’arbitrage" mais l’humilité du mec quoi, alors que c’est quelqu’un de super important !

FM : et le premier match pro que vous dirigez, vous en gardez quel souvenir ?

GA : je m’en souviens mais ça ne m’a pas marqué. Par contre le premier contrôle d’Alain Sars ça oui. Putain, c’est quelqu’un. Une figure !

FM : vous avez joué avec Rothen et Landreau, été adversaire d'Ibrahimovic, Beckham ou Falcao mais vous retenez vos rencontres avec Claude Colombo et Alain Sars ?

GA : ouai j’ai rencontré du beau monde mais ça m’a fait ni chaud, ni froid. L'arbitrage il y a un truc. Je ne sais pas l’expliquer. M. Sars, il a quand même arbitré devant 80 000 personnes en demi-finale de Ligue des Champions, faut en avoir (rires) !

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