Bordeaux : comment Albert Riera s’est mis toute la Ligue 2 à dos

Par Maxime Barbaud
6 min.
Albert Riera, l'entraineur de Bordeaux @Maxppp

Albert Riera n’a pas spécialement réussi à relancer les Girondins de Bordeaux. En revanche, l’Espagnol est parvenu à se mettre la quasi-totalité des entraîneurs, et certains joueurs, de Ligue 2 à dos. La faute à un discours va-t-en-guerre permanent et une personnalité particulièrement clivante.

Voilà six mois qu’Albert Riera a pris en main les Girondins de Bordeaux. Le club au scapulaire occupait alors la 13e place de Ligue 2 à 7 points de la 2e place qualificative pour l’étage supérieur : le véritable objectif de la saison. Force est de constater que le contrat ne sera pas rempli par l’entraîneur espagnol de 41 ans. Bordeaux a certes gagné une place mais les 8 points qui le sépare du premier barragiste, Rodez, et surtout les 15 unités de retard sur Angers, 2e, le condamne de manière quasi-définitive à un 3e exercice consécutif l’an prochain dans l’antichambre de la Ligue 1.

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Sauf surprise et alors qu’il est sous contrat jusqu’en 2025, on devrait revoir l’ancien milieu de terrain sur les bancs de touche l’an prochain. Une nouvelle qui risque de ne pas faire plaisir à ses collègues entraîneurs. En peu de temps passé en France, Riera a réussi à forger une mauvaise réputation auprès de ses collègues de profession, à commencer par… son prédécesseur aux Girondins, David Guion. «Quand je suis arrivé, c’était une équipe malade. Quand tu arrives dans un club, tu dis 'merci’ à ceux qui ont travaillé avant. Dans ce moment, je ne peux pas apprécier ce qu’il y avait avant. C’est la vérité. J’ai dû travailler beaucoup sur et en dehors du terrain.»

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Une personnalité qui contraste avec le milieu

Forcément ces déclarations que personne n’attendait n’ont pas du tout plu, à commencer par l’intéressé. « Je n’apprécie pas du tout ses propos, d’autant que ce n’est pas la première fois, avait réagi Guion, qui a rebondi à Troyes entre-temps. Cela fait près de 10 ans que j’entraîne en Ligue 1 et en Ligue 2 et je n’ai jamais vu un entraîneur aussi irrespectueux de ses collègues. Les Girondins de Bordeaux sont un club qui incarne l’élégance et je ne crois pas avoir déjà vu un entraîneur qui n’ait pas compris ça. Il débute, il apprend, je lui souhaite de réussir et aux Girondins de remonter, mais il pourrait faire preuve d’humilité »

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Dans ce milieu où les postes sont rares et les places chères, ce discours détonne. Le métier d’entraîneur professionnel est un jeu de chaises musicales permanent. Celui qui était au chômage hier remplace celui qui est en poste, et inversement. Les deux sont souvent amis ou du moins ils se connaissent, soit pour avoir été joueurs à la même époque, soit pour s’être déjà affrontés sur les bancs, quand ce n’est pas les deux à la fois. La tendance est plutôt à la solidarité dans ce corps où tout le monde se côtoie. Mais pas pour Albert Riera qui multiplie les déclarations tapageuses à l’égard de ses semblables.

Guion, Brouard, Garcia, Kantari, Daf… tout le monde prend

Contre Bastia, Valenciennes, Amiens, QRM ou encore Angoulême en Coupe de France, le coach bordelais n’hésite jamais à dire ce qu’il pense de l’entraîneur ou de l’équipe adverse, et à froisser la plupart du temps. Tous dénoncent en retour un grand manque d’humilité pour la faire courte. Dernièrement, les épisodes s’enchaînent à une fréquence plus régulière que les victoires girondines. «Lorsque je suis arrivé, j’ai dit que j’avais 23 ou 25 systèmes de jeu. Mais quelqu’un a dit : “Il suffit d’avoir un système !” Ce quelqu’un qui a dit cette phrase n’est plus entraîneur aujourd’hui», lâchait-il à propos de Régis Brouard, tout juste viré de Bastia.

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«On peut se chamailler, ça fait partie du cirque, mais à partir du moment où on attaque ma personne après un licenciement sans rien connaître… Ce mec ne vaut rien à mes yeux, répondait le technicien désormais sans club à So Foot. J’ai compris qui était la personne (…). Il ne faut pas oublier que Bordeaux a un budget de 40 millions, une équipe de fou, des supporters incroyables et de très bonnes conditions de travail. Il ne sait pas comment les autres clubs travaillent. S’il le savait, il pourrait un peu la fermer.» Omar Daf, Ahmed Kantari ou encore le très placide Jean-Louis Garcia ont tous eu de mauvaises expériences avec lui.

«Le dénominateur commun avec ce monsieur, ce sont les polémiques»

«Il ne m’intéresse pas. Le dénominateur commun avec ce monsieur, ce sont les polémiques, recadrait le coach de QRM. Il faut qu’il soit lucide. Il a un budget de 42 M€, nous 8 M€. On est le petit Quevilly-Rouen. Je ne sais pas s’il sait ce que c’est sur la carte du football professionnel. Il faut qu’il se remette en question sur ce qu’il a été capable de faire contre une équipe bien organisée défensivement, qui cherchait à profiter des espaces laissés dans le dos pour contre-attaquer. Il me semble que ce n’est pas interdit dans le football. (…) Qu’il s’occupe de ses affaires. Il a déjà bien du boulot avec son équipe.»

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Evidemment, tirer à vue sur ses collègues ne passe pas dans la profession. Déjà parce que ça ne se fait pas, question de courtoisie, même si on peut le penser, mais aussi parce que les résultats ne jouent pas non plus en la faveur de Riera. Le Guardiola de la Garonne reconnaît difficilement ses torts et ajoute à cela sa personnalité clivante. Patrice Garande, ancien entraîneur de Caen et resté proche du club normand en a remis une couche avant le match face aux deux équipes ce samedi. «Ça me ferait très plaisir qu’on le batte, quand même. Juste pour écouter ce qu’il va nous dire à la fin, il va nous dire que son équipe était meilleure», s’amusait-il sur France Bleu Normandie.

Seuls ses joueurs le soutiennent

«Tout le monde le sait que c’est un entraîneur qui manque d’humilité et qui a surtout manqué de respect à beaucoup de mes collègues sur les terrains. C’est un garçon que je ne connaissais pas, il m’a désagréablement surpris, mais je ne suis pas le seul, enchaînait Garande dimanche dernier. On a suffisamment à faire en s’occupant de nos propres équipes pour pouvoir porter un jugement sur les équipes adverses. La façon dont il le fait, j’ai trouvé ça indécent, irrespectueux. C’est un manque total d’humilité.» Même les pirouettes de l’ancien international espagnol pour fuir les sujets qui fâchent agacent.

Ce fut le cas en décembre dernier. Riera a trouvé le moyen de dévier sur le coup de boule de Zidane sur Materazzi pour éviter le sujet Rafal Straczek, son gardien responsable de nombreuses erreurs. C’est aussi sa grande force, défendre coûte que coûte ses joueurs et tant pis si sa vanité ne plaît pas à tout le monde au sein du vestiaire. Il n’empêche que ce soutien est globalement apprécié, renforcé par l’accident d’Alberth Elis, et c’est bien là le plus important d’ailleurs. «On peut aimer ses joueurs, parce qu’il a l’air d’aimer très fort ses joueurs et les Girondins de Bordeaux, admettait Garande. Et il faut être comme ça. Mais il y a des limites quand même.» Une frontière bien poreuse semble-t-il.

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