Entretien avec... Damien Le Tallec : « A Rennes, on m'avait mis à la cave »

Le Stade Rennais a beau posséder le meilleur centre de formation de France, il ne sait pas toujours incorporer ses pépites au sein de l'équipe première. Si Yann M'Vila fait aujourd'hui les beaux jours de l'entrejeu breton, l'attaque aurait pu bénéficier de l'apport d'un autre jeune talentueux : Damien Le Tallec. Lassé de n'être aligné qu'en CFA, il a rejoint l'été dernier le Borussia Dortmund. Un choix risqué pour un joueur qui n'avait pas été lancé une seule fois en Ligue 1. Mais ses premiers mois en Allemagne ont vite fait taire les sceptiques. Sous la houlette de Jürgen Klopp, Le Tallec a commencé à apparaître sur les pelouses de Bundesliga avant qu'une blessure à l'épaule ne le blesse en pleine ascension. Pour Footmercato, il est revenu sur son adaptation réussie et sur son départ controversé du Stade Rennais.
Footmercato : Tout d'abord, comment allez-vous ?
Damien Le Tallec : Ca va très bien. Je suis en avance sur mon programme. J'ai presque un mois et demi d'avance. Normalement je devrais reprendre en février. Et là, je reprends l'entraînement collectif en janvier, après la trêve.
FM : Vous devez avoir une grosse envie de retrouver les terrains.
DLT : Oui, une très grosse envie. Surtout qu'il y a beaucoup de blessés à Dortmund et il y a la place pour jouer.
FM : Justement, comment ça se passe à Dortmund ?
DLT : C'est vraiment un très grand club. C'est énorme. Le stade, les fans, c'est extraordinaire Tous les week-ends il y a 80 000 personnes. C'est impressionnant. Je commence à m'habituer au mode de vie allemand. C'est à peu près comme la France. Seule la langue change. Je commence à parler un peu allemand. Je prends des cours. Mais à part ça, cela ne me change pas beaucoup de la France.
FM : Quelles sont vos relations avec l'entraîneur Jürgen Klopp et vos coéquipiers ?
DLT : Franchement, tout se passe super bien, même si personne ne parle français couramment. Tous les joueurs m'aident beaucoup. Mon coach est exceptionnel. Il est très proche des joueurs, il prend beaucoup de nos nouvelles. Il est toujours là, tout le temps souriant, il parle beaucoup. Je n'avais jamais vu ça. Quand j'étais à Rennes, le coach n'arrivait pas à parler. Là, j'ai un entraîneur qui me parle tous les jours, qui rigole avec moi. Il a confiance en moi, ça me fait plaisir.
FM : Que connaissiez-vous de Dortmund avant d'y aller?
DLT : Je savais qu'ils avaient gagné la Ligue des Champions. C'est à peu près tout. Je suis en train de découvrir. Mais c'est impressionnant. Le championnat n'est pas fermé, ça joue vers l'avant, c'est agréable.
FM : Qu'est-ce qui vous a poussé à vous engager là-bas ?
DLT : Je devais signer en Espagne au mois de juin, mais ça ne s'est pas fait. J'étais à deux doigts de signer à Valence. Le club avait beaucoup de problèmes. J'avais ensuite beaucoup de propositions de clubs allemands. Pour moi, la meilleure venait de Dortmund. En France, on parle beaucoup du Bayern, mais ici le grand club, c'est le Borussia.
FM : Quel projet sportif vous a-t-on proposé ?
DLT : Les dirigeants m'ont dit qu'ils donnaient leur chance aux jeunes. Rien que le week-end dernier, 5 joueurs des – de 21 ans étaient titulaires. C'est presque tous les week-end comme ça. Il y a des joueurs de 17 ans, 18 ans. C'est un peu le Arsenal allemand. Si un jeune est meilleur qu'un mec de 27 ans, c'est lui qui sera sur le terrain. En France, les entraîneurs ne te font pas confiance tout de suite.
FM : Le centre de formation de Rennes est désigné comme le meilleur en France. Sa réputation franchit-elle les frontières ?
DLT : (rires) Non, ils ne connaissent pas du tout ici. Peu de joueurs connaissent Rennes, mis à part ceux qui ont côtoyé Alexander Frei.
Le départ de Rennes
FM : Vous aviez déclaré du temps où vous étiez à Rennes que vous souhaitiez vous imposer en France avant de rejoindre l'étranger. Finalement, vous êtes parti très vite à Dortmund. Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ?
DLT : Quand, pendant un an et demi, on vous laisse à la cave, avec la CFA alors qu'à 17 ans vous vous entraînez avec les pros... Voilà, je n'ai pas voulu prolonger. Je voyais comment ça se passait. J'ai vu beaucoup d'articles comme quoi Rennes me mettait dehors. Ca m'a fait rire. Pendant deux ans, ils voulaient me faire prolonger et je n'ai jamais dit oui. A cause de ça, ils ont commencé à me mettre à la cave et j'ai joué en CFA pendant un an et demi. Du coup, il ne me restait plus qu'un an de contrat.
FM : Pourtant, vous étiez pressenti pour prendre une place en équipe première.
DLT : C'est parti en vrille à cause d'une histoire de contrat. Je n'ai jamais voulu prolonger. Je voyais comment les jeunes étaient traités. En pro, personne ne jouait.
FM : Quand vous voyez les jeunes qui percent à Rennes comme M'Vila, Lemoine, Danze, Marveaux, vous ne regrettez pas d'être parti ?
DLT : Il n'y a que Yann (M'Vila) ! Lui, c'est une exception. Tout le monde savait qu'un jour ou l'autre il allait jouer avec les pros. Lui aussi était à la cave, comme moi. Mais il a prolongé son contrat, c'est tout. Moi,j'étais le seul à qui il ne restait qu'un an de contrat. Tous les autres jeunes avaient encore deux ans. Donc lui était obligé de rester. Moi j'ai choisi de partir. Et je ne regrette pas du tout. Je me sens très bien dans ma tête, dans mon foot, malgré ma blessure. Quand je vois le coach qui a confiance en moi, je me dis que j'ai tout gagné.
FM : Justement, votre blessure a interrompu une belle montée en puissance. Vous commenciez à obtenir du temps de jeu.
DLT : Je commençais à jouer. J'étais même rentré à la mi-temps pour mon premier match. J'étais dans le groupe à Leverkusen, puis l'entraîneur me fait rentrer, pour le premier changement, en Coupe d'Allemagne. Et là je glisse au bout de 5 minutes et je me casse l'épaule.
FM : Vous êtes parti en mauvais termes avec la direction rennaise ?
DLT : Bizarrement, pas vraiment. J'étais dans le bureau de M. Dreossi. Il savait que j'étais déterminé à partir. Il me restait un an de contrat et Rennes a accepté de me laisser partir. Pendant un an et demi, j'ai beaucoup travaillé, avec le coach de CFA. C'est un peu grâce à lui que je suis bien aujourd'hui.
Et après Dortmund ?
FM : Quelles sont vos ambitions avec Dortmund ?
DLT : Jouer le maximum de matches, dès le mois de janvier. J'espère me faire une place avant la fin de la saison. C'est très jouable. Je suis tombé dans un club qui est fait pour moi.
FM : Pensiez-vous rejoindre l'Allemagne un jour ?
DLT : C'était pas le championnat prioritaire. Mais mon opinion a changé.
FM : Avez-vous un plan de carrière défini ?
DLT : Non. Je ne pense qu'à Dortmund et à rester le maximum de temps là-bas. Je ne pense à aucun autre club. Après, j'ai toujours voulu jouer en Angleterre un jour. Mais je ne vois pas pourquoi je partirais de Dortmund.
FM : Vous discutez de vos choix de carrière avec votre frère Anthony (attaquant du Mans) ?
DLT : Oui, tout le temps. On prend les décisions ensemble, avec lui, ma famille et mon agent. Lui m'a dit de foncer à Dortmund.
FM : Un retour en France serait-il un jour possible ?
DLT : Non, je ne pense pas. Le seul club en France qui me fasse rêver, c'est le PSG.
En savoir plus sur