Ligue 1 : les agents donnent la tendance du mercato hivernal

Par Sebastien Denis - Matthieu Margueritte - Cédric Rablat
7 min.
Quel mercato pour les clubs français cet hiver ? @Maxppp

Dans quelques jours, l'année 2020 fera place nette à 2021 et le début du mercato hivernal. Mais faut-il espérer un marché animé ? Pas vraiment.

Trois mois seulement après la fin du mercato d’été, les clubs de Ligue 1 auront bientôt une nouvelle chance de procéder à quelques modifications au sein de leur effectif. Habituellement considéré comme un marché d’appoint, le mercato d’hiver a rarement été le théâtre de grandes manœuvres, spectaculaires. Un constat qui devrait se vérifier encore plus cette saison en raison du contexte actuel. En effet, la principale question que tous les observateurs se posent vis-à-vis de cette fenêtre de janvier est surtout de savoir si nos clubs auront la capacité d’aller tenter des coups.

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Crise du coronavirus oblige, beaucoup s’attendent à perdre plusieurs dizaines de millions d’euros. Les stades sont fermés au public (donc pas de revenus billetterie), la saison 2019/2020 s’est arrêtée avant son terme, provoquant ainsi un manque à gagner en termes de droits TV (les diffuseurs n’ont pas voulu payer jusqu’au terme de la saison). Dans le rouge, les formations françaises comptaient alors sur le Prêt garanti par l’État (PGE) pour garder la tête hors de l’eau. Et puis Mediapro a tiré tout ce petit monde vers le bas. En refusant d’honorer les versements privés ces derniers mois, le groupe sino-espagnols a esquivé une ardoise de 340 M€ environ. Un nouveau manque à gagner colossal pour les clubs. Depuis, le diffuseur est sur le point de restituer les droits TV de la Ligue 1 et de la Ligue 2 à la LFP en échange de 100 M€.

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Un contexte économique désastreux

En attendant de savoir quel média reprendra le flambeau, la situation actuelle du football français est donc loin d’être propice aux investissements, même minimes. Pour en avoir le coeur net, nous sommes allés poser la question à plusieurs acteurs se trouvant au coeur de l’action : les agents. Christophe Hutteau, représentant du très courtisé Gaëtan Laborde (Montpellier) avoue qu’il ne sait pas vraiment sur quel pied danser. « Autant j'avais un avis sur les années précédentes, autant sur cette année, je suis un peu plus circonspect. Je ne sais pas ce qu'il peut se passer parce que les conséquences de la Covid-19 sur l'ensemble du football européen sont terribles. Et pour le football français, c'est encore plus terrible avec la Covid-19, mais aussi le fiasco Mediapro avec les centaines de millions d'euros que va perdre le football français ».

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Face à ce constat, une solution risque de s’imposer aux écuries hexagonales pour renflouer leurs caisses : vendre des joueurs. « Il n’y a pas de solution miracle. Les droits TV ont chuté, les recettes générées les jours de match se sont envolées. Pour faire entrer de l’argent, il va falloir dégraisser. Et encore, c’est facile à dire, mais ce sera sûrement très compliqué à faire. À part les Anglais, qui va sortir ne serait-ce que 5 ou 10 M€ pour se renforcer ? Pas grand monde », nous indique un intermédiaire habitué à traiter avec le top 5 de L1. Vendre pour compenser les pertes abyssales, le procédé est logique. Mais rien ne dit que ce sera une partie de plaisir, surtout si les équipes attendent un acheteur étranger.

Des ventes oui, mais...

Le 1er décembre dernier, la fédération anglaise (FA) officialisait la nouvelle réglementation qui sera imposée à ses clubs sur le mercato à partir du 1er janvier 2021, date à laquelle le Royaume-Uni sera officiellement sorti de l’Europe. Un événement qui va désormais empêcher nos écuries de vendre au prix fort des éléments moyens. Et pas seulement. « On a la nouvelle régulation par rapport au Brexit en Angleterre, donc ce ne sont pas les Anglais qui vont t'acheter des joueurs. C'est un procédé très complexe et très restrictif. Les Espagnols ont effectué 70% de leurs transferts cet été, et en Italie, les droits TV s'achèvent dans six mois. Donc ce n'est pas forcément le bon moment pour recruter massivement », confirme Le Mée.

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Et puis, au-delà de toutes ces considérations économiques, un nouveau point du règlement instauré depuis le début de la saison pourrait également changer la donne : les cinq changements. Dans certaines formations dotées d’un gros effectif, le calendrier surchargé a provoqué un turnover plus important que d’habitude au sien des clubs. Du coup, les joueurs vissés au banc de touche durant une majeure partie de la première moitié de saison sont beaucoup moins nombreux. « On va moins se retrouver avec des joueurs qui vont vouloir être prêtés parce qu'ils jouent moins. On s'aperçoit qu'avec le calendrier infernal, il y a moins de joueurs qui ne jouent pas grâce à l'instauration des cinq changements. Cela va forcément changer la donne aussi sur ce mercato », valide Le Mée.

Le prêt, la solution ?

Vendre ne sera donc pas chose aisée. Et que vont faire les équipes qui voudront se renforcer ? À l’instar de ce qu’avait déclaré André Villas-Boas lorsque les journalistes l’interrogent sur d’éventuelles arrivées en janvier, les clubs pourraient donc se rabattre sur les prêts. « La meilleure des choses c'est de faire des prêts. Quand il n'y a pas d'argent, le meilleur procédé reste le prêt. Je me rappelle il y a une dizaine d'années en Italie, les clubs se voyaient entre eux et faisaient affaire entre eux selon leurs besoins. Les clubs s'échangeaient entre eux les joueurs. Il y avait cette démarche de dire, on ne va pas bien, donc essayons de faire des choses ensemble. Pour moi l'idée est là, tu es Bordeaux, tu es Lille, on a un problème, comment on fait ? Tu as trois latéraux gauches ? Nous on en a un. Il te manque un gardien ? Nous on en a trois. C'est vers cela qu'il faut aller, des échanges entre clubs, on peut trouver des solutions économiques. Je pense que c'est la clé aujourd'hui. Je ne sais pas si les clubs français vont être capables de collaborer entre eux, mais ils devraient le faire », nous explique Yvan Le Mée.

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Et encore. Cette solution pourrait certes profiter à une partie des clubs, mais pas à tous. En effet, certains devront peut-être être contraints et forcés de ne pas solliciter ce type de renfort moins coûteux qu’un transfert. « Des prêts oui, mais pour quel type de joueurs ? Qui va payer les salaires ? Tu prends l'exemple de Montpellier. Si tu écoutes ce que dit Laurent Nicollin par rapport à son inquiétude de payer les salaires quelques mois. Comment imaginer que Montpellier va recruter quelqu'un au mercato d'hiver, même s'ils vendent. S'ils vendent, ça viendra compenser le déficit de fin de saison qui sera moindre que de nombreux clubs, mais qui sera important », ajoute Hutteau.

L'énigme Lille

Si ce tableau n’annonce rien de réjouissant, il ne faudra pas forcément s’inquiéter pour tous les clubs. Sans surprise, les formations les plus riches pourront toujours tenter des opérations. Ce qu’avait d’ailleurs laissé entendre Thomas Tuchel après le match nul face à Lille (0-0). « Paris pourra faire des ajustements, Monaco pourra également en faire. À l'OM, ça m'étonnerait qu'ils bougent cet hiver, à moins que Mc Court ne remette la main à la poche. L'OL pourra également en faire, ils ont des actifs, ils ont activé un deuxième prêt garantie par l'état, ils vont réussir à terminer la saison sans encombre. Ils ont en plus un actif de joueurs intéressant comme Houssem Aouar », confirme Hutteau.

Enfin, la seule surprise pourrait finalement venir de Lille. Récemment racheté par le fonds Merlyn, le club nordiste bénéficiera-t-il de la volonté de ses nouveaux patrons de se faire remarquer pour réaliser quelques coups ? C’est en tout cas un scénario à ne pas exclure selon Le Mée. « Il faudra surveiller aussi le LOSC. Quand il y a changement de propriétaire, il y a toujours du mouvement. On l'a vu avec Nice et Rennes par exemple. Lille peut animer le mercato de janvier et pas forcément dans le sens des départs. Le nouvel actionnaire va peut-être vouloir jouer le titre. On ne sait pas. » Une dernière phrase qui résume parfaitement l’incertitude qui règne dans le football français à l’approche de ce mercato.

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